En France, les deux premiers trains autonomes rouleront dès 2025. L’un dédié au transport de voyageurs, l’autre aux marchandises. Amine Arezki, expert Train Autonome chez Thales, nous explique tout l’intérêt de ces trains mais aussi les sujets de préoccupation qui en découlent tels que l’acceptabilité de cette technologie par les usagers pour voyager à bord d’un train sans pilote, ainsi que la délicate question de la certification de ces trains.
au sommaire
Les trains autonomes, qu'ils soient de transport de passagers ou de fret, arrivent-ils à point nommé ? L'une des leçons de la crise de la Covid-19Covid-19, c'est qu'elle devrait avoir des effets durables sur le secteur du transport, notamment celui des marchandises mais aussi en raison de la réduction annoncée du réseau domestique des vols intérieurs pour les trajets desservis en moins de 2 h 30 par le train.
Dans le monde d'après la Covid-19, l'utilisation du commerce électronique par les consommateurs et leurs attentes en matièrematière de livraison continueront d'augmenter. L'adaptation aux changements de comportement des consommateurs se traduira par un besoin accru de transporter des marchandises. Et l'on s'attend à ce que de plus en plus de camions et de voitures circulent dans des villes déjà saturées fréquemment au cours de la journée.
Pour décongestionner le trafic routier, les pouvoirs publics poussent à intensifier l'utilisation du rail qui devra accroître son attractivité auprès des professionnels mais aussi du grand public. D'autant plus que l'interdiction des vols courts en France (si elle est mise en place)-- visant à supprimer les lignes aériennes sur lesquelles le train pourrait être compétitif, typiquement des lignes de moins de 2 h 30 -- contraindrait de nombreux voyageurs à utiliser le rail. À cela s'ajoute que le train est présenté comme le transport le plus respectueux de l'environnement, que ce soit en émissionémission de CO2 ou en consommation d'énergieénergie, d'où la volonté des pouvoirs publics à étendre son utilisation. Or, en l'état le train, tel qu'il est dimensionné aujourd'hui, ne pourra pas absorber ce surcroît de trafic sans occasionner des perturbations de toutes sortes aux usagers.
Comment décongestionner un trafic appelé à s'intensifier ?
Dans ce contexte, la prochaine révolution du ferroviaire sera sans aucun doute le train autonome dont les premières rames devraient rouler d'ici quelques années. Les acteurs du monde ferroviaire - opérateurs comme industriels - travaillent activement à son développement. Ainsi, la SNCF prévoit de mettre en service dès 2025 des trains autonomes, l'un dédié au transport de voyageurs (TER), l'autre aux marchandises. Si l'utilisation de trains autonomes pour le transport de fret doit permettre à la SNCF de restaurer sa compétitivité et de mieux concurrencer le transport routier, les usagers y trouveront également leur compte avec, comme principales promesses, de meilleurs services tels que la ponctualité, la fiabilité des trains et la fin des perturbations (grèves notamment).
Côté industriel, le train autonome, on y croit ! Comme nous l'explique Amine Arezki, expert Train Autonome chez Thales, le train autonome est une nécessité qui répond à de nombreux besoins dont ceux de faire « circuler plus de trains et de transporter plus de personnes et de marchandises avec une efficacité énergétique accrue, donc une diminution de la consommation d'énergie ».
À titre d'exemple, le calcul optimisé des courbes de freinages et d'accélération permettra une « réduction de la consommation d'énergie de de 10 à 20 % » ! D'ailleurs, la mise en circulation de ces trains est l'une des solutions envisagées par les opérateurs ferroviaires pour « réduire les coûts d'exploitation, améliorer la ponctualité et le rendement de lignes existantes en y faisant circuler plus de trains ». Le train autonome offre la promesse de fluidifier et donc de densifier le trafic de façon à permettre « une meilleure régularité et une plus grande ponctualité des trains ».
Guidés par des technologies spatiales
Avec ces futurs trains, les opérateurs font aussi le pari « d'optimiser les trajets en évitant les incidents et les arrêts non prévus ou par préventionprévention », comme ceux liés à des obstacles se trouvant sur les voies (animaux, catastrophes naturellescatastrophes naturelles, panne d'un véhicule...) et qui « engendrent des surcroîts de consommation d’énergie ». Tout cela nécessite une capacité de « détection d'obstacles et d'incidents à plusieurs centaines de mètres de distance, ce qui est bien au-delà des capteurscapteurs développés pour la voiture autonome (200 mètres) ».
Demain, les TER autonomes devront être capables de détecter un obstacle à 1,5 kilomètre de distance et jusqu'à 4 kilomètres pour un TGV autonome, dont le développement n'est pas à l'ordre du jour. Pour cela, ils embarqueront de nombreux capteurs, « dont des caméras optiques et infrarougesinfrarouges, des LidarLidar (radar) » offrant à l'ordinateur de bord et à l'intelligence artificielle qui piloteront le train une « meilleure visibilité, quel que soit le temps, de jour comme de nuit ».
Cela permettra de réagir au mieux aux aléas rencontrés durant le trajet. Ces trains autonomes disposeront d'un nouveau système de positionnementsystème de positionnement du train dont l'objectif est de « s'affranchir des équipements à la voie afin que le train autonome puisse circuler sur n'importe quel type de voie », ce qui permettra de retirer les capteurs utilisés aujourd'hui sur les voies comme les feux de signalisation par exemple. Pour y parvenir, Thales va s'appuyer sur son « système de positionnement par satellite GNSSGNSS déjà existant qui sera complété par de nombreux capteurs (Lidar, caméras, radar, centrale inertielle...) implémentés sur le train ».
L'IA pour gérer le flux ferroviaire régional
L'intelligence artificielle des trains autonomes ne sera pas « seulement utilisée pour la conduite ». Elle servira également à optimiser la « gestion du réseau ferré à l'échelle d'une région (optimisation des temps de départ et d'arrivée) ». Cette IA se substituera à l'humain afin « d'optimiser le nombre de trains nécessaires et de mieux les répartir sur le réseau en tenant compte de la densité des passagers attendus ». En optimisant le trafic, il sera possible de récupérer le « retard accumulé par les trains tout au long de la journée à la suite de pannes ou d'arrêts non prévus par exemple ».
Le principal intérêt d'une meilleure gestion des trains et du trafic est de « faire rouler seulement les trains nécessaires ». Cela engendre des économies significatives au niveau de « la maintenance et cela limite les coûts liés à détérioration d'un certain nombre d'équipements comme les câbles et le cuivrecuivre par exemple ». Pour les usagers, le principal intérêt est « une meilleure ponctualité des trains et donc un gain de temps » et pour les opérateurs, il y a là « un enjeu afin d'éviter de payer des pénalités de retard ».
“Un train ne sera jamais à 100 % autonome, il y aura toujours des Hommes derrière. Contrairement aux lignes de métro automatiques, le train autonome demande beaucoup plus de surveillance et d’intelligence”
Cela dit, un train ne sera jamais à 100 % autonome, il y aura toujours des Hommes derrière. « Contrairement aux lignes de métro automatiques, le train autonome demande beaucoup plus de surveillance et d'intelligence ». Il y aura donc toujours des opérateurs qui surveilleront le trafic et... des contrôleurs à bord.
Instaurer la confiance dans l'Intelligence artificielle et la mise en service de ces trains autonomes
Techniquement, la réalisation d'un train autonome ne pose pas de problème. Dans le cas des futurs TER, l'idée est « d'équiper les trains existants et non pas de fabriquer entièrement de nouveaux trains ». Pour les opérateurs et les industriels, la principale difficulté rencontrée avec la mise en service de ces trains pourrait être « l'acceptabilité de l'utilisation d'une Intelligence artificielle par les usagers », ce qui ne sera pas une mince affaire.
Autre sujet de préoccupation, la mise en place des technologies autonomes présente des défis techniques dont « l'homologation de ces futurs véhicules autonomesvéhicules autonomes, que ce soit des trains, des voitures ou des camions par exemple ». Aujourd'hui, il n'existe pas de système de sécurité homologué lié aux véhicules autonomes ni de normes ISO dans ce domaine. Tout est donc à inventer en ce qui concerne « une méthode de certification et de définition des procédures d'homologation ». C'est pour ces raisons que Thales a lancé un programme intitulé TrUE AI (TransparentTransparent, Understandable, Ethical) pour une « IA Transparente, Compréhensible et Éthique, afin de pouvoir certifier et homologuer un système critique utilisant de l'Intelligence artificielle ».
Enfin, la cybersécurité est également un enjeu majeur « pris en considération dès la phase de développement des produits ». Pour permettre au train autonome de fonctionner au maximum de ses capacités, une « surveillance continue de toute possibilité d'intrusion, afin d'éviter toute dégradation de performance », sera nécessaire.
Bientôt des trains autonomes pilotés par satellite et une IA
Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 06/11/2019
Le train de demain sera autonome, c'est-à-dire sans conducteur à bord pour le piloter. Une tendance lourde qui concerne tous les modes de transport en commun, tous ayant des projets de véhicules autonomes (autocars, tramways, bateaux et avions notamment). Parmi les entreprises engagées dans le développement de ces futurs trains, on citera Thales. Plus connu pour sa spécialisation dans le spatial, la défense et l'aéronautique, Thales dispose également d'une branche transport. Les explications de son porteporte-parole.
Si de plus en plus de villes mettent en œuvre des plans visant à réduire la circulation automobileautomobile dans leurs rues et souhaitent donner plus de place aux piétons et aux modes de transport dits doux, encore faut-il que les alternatives à l'utilisation de la voiture ne soient pas une contrainte pénalisante pour les citoyens. D'où la nécessité de développer les transports collectifs et d'améliorer de façon très significative ceux existants.
Parmi les acteurs majeurs du marché des transports ferroviaires on trouve le groupe, Thales. Si la présence de Thales - plus connu pour sa spécialisation dans le spatial, la défense et l'aéronautique - peut surprendre sur ce type de marché, il faut savoir que ce groupe industriel « ambitionne de développer des trains autonomes », nous explique un porte-parole de la société de l'activité transport terrestre chez Thales.
Le challenge : un train qui part et arrive à l'heure, sans stressstress sur le quai, dans lequel tout le monde trouve une place assise, plus économe et permettant de voyager en toute sécurité. Ces futurs trains autonomes s'appuieront sur « l'intelligence artificielle, sur l'internet des objets, le big databig data et sur les satellites ». Ils seront capables « de prendre seuls des décisions comme freiner, accélérer ou alerter par exemple ».
Une intelligence artificielle fiable
L'intelligence artificielle dont il est question est celle dite explicable et certifiable pour des décisions critiques, au même titre que d'autres types de logicielslogiciels. C'est-à-dire que l'on soit certain de son bon comportement et avoir la garantie qu'elle soit capable de prendre des décisions fiables, de sorte que ces I.A. certifiables piloteront ces futurs trains autonomes mieux que des Hommes en toutes circonstances.
Pour circuler sur les voies en toute sécurité, ils auront besoin d'une précision de « géolocalisation de quelques centimètres que seuls les satellites seront capables de fournir ». Soutenue par toutes ces nouvelles technologies, l'automatisation des trains va permettre d'augmenter leur fréquence, d'améliorer la fluidité du trafic, de renforcer la sécurité, de réduire et d'optimiser la consommation d'énergie.
Les trains d'aujourd'hui sont des trains aveugles. L'environnement ouvert - chutes d'arbresarbres potentielles, animaux qui peuvent traverser les voies - dans lequel évolue le train rend toutefois l'autonomisation de ce dernier complexe avec plusieurs défis à relever en matière de sécurité, de détection, de localisation et de supervision. La combinaison des expertises d'un groupe comme Thales peut aider à répondre à ces différents challenges.
La technologie radar pour piloter des trains
D'un point de vue technique, Thales travaille donc sur des solutions utilisant caméra et radar optique de détection laserlaser - le Lidar. Ces capteurs sont capables de mesurer la distance d'un objet au centimètre près en plein brouillardbrouillard, d'avoir une portée de plus d'un kilomètre ou encore d'être insensibles au brouillage. Ces capteurs pourront aussi améliorer l'expérience passagers. Placés sur les sièges, ils pourront renseigner en temps réel sur les places disponibles dans le train. Les usagers pourront alors se rendre directement vers la bonne place ou se positionner au bon endroit sur le quai, améliorant leur confort et réduisant les mouvementsmouvements de foule.
Quant à l'IA, appliquée aux systèmes de vidéosurveillance, elle permettra de détecter des agressions, des vols, ou des actes de vandalisme. Mais aussi d'informer les usagers et de faciliter la vie dans les transports en commun.
Actuellement, le monde ferroviaire fait la distinction entre les trains autonomes capables d'interagir intelligemment avec leur environnement, et les métros « automatiques » qui fonctionnent dans un milieu connu et fermé.
Ainsi, en parallèle de son activité sur les trains autonomes, Thales propose également des solutions pour la rénovationrénovation et la modernisation de la signalisation des métros. Plusieurs objectifs pour cette autre activité : elle doit « permettre la mise en service de rames de plus grande capacité et climatisées, avec une plus grande régularité » et augmenter la « fréquence des passages, toutes les 90 secondes, afin de gagner en ponctualité, en fiabilité et en rapiditérapidité ».
Les solutions et systèmes de signalisation sont des activités de pointe. La signalisation permet de donner un « plan de route à une rame de métro qui va suivre ce parcours et communiquer en permanence avec le centre de contrôle des informations concernant sa localisation de façon à gérer au mieux les espacements ». La plupart des régies de transport visent aujourd'hui une fréquence de circulation toutes les 90 secondes contre les deux minutes minimum que peuvent atteindre les solutions de signalisation d'hier. Pour répondre à ce besoin, Thales propose un système « innovant de gestion du trafic où tous les échanges avec le train se font en réseau de communication ».
Thales a déjà de belles références dans ce domaine, tant en France qu'à l'international. On lui doit notamment les deux « lignes du métro de Dubaï qui a la particularité d'être l'un des plus longs métros automatiques du monde et la première ligne sans conducteur du métro de Doha. »
Ce qu’il faut
retenir
- D'ici quelques années, les premiers trains autonomes devraient être mis en circulation.
- Ces futurs trains sans conducteur utiliseront des technologies spatiales, comme la géolocalisation et les radars, ainsi que l'intelligence artificielle.
- Thales, qui maîtrise ces technologies, s'est engagé dans le développement de trains autonomes.