Pourquoi une bicyclette sans personne dessus peut-elle rouler ? En creusant cette question, des scientifiques ont modélisé intégralement les forces en jeu et savent maintenant prédire le comportement routier d’une bicyclette en cours de conception. De quoi introduire la révolution numérique chez les constructeurs de vélos.

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    Pourquoi donc roule-t-il si bien sans moi ? © Sam Rentmeester/FMAX

    Pourquoi donc roule-t-il si bien sans moi ? © Sam Rentmeester/FMAX

    « Les fabricants de bicyclettesbicyclettes n'ont jamais été capables de dire précisément comment fonctionne une bicyclette » explique catégoriquement Arend Schwab, chercheur au département d'ingénierie de l'université Delft de technologie (TU Delft), en Hollande. Imagine-t-on un constructeur automobileautomobile qui ne saurait pas dire pourquoi ses voitures roulent ou un ingénieur d'Airbus ignorer les principes du vol ?

    Persuadé que cela ne pouvait plus durer, Arend Schwab s'est attelé à cette question ardue, qui trouble d'innombrables bambins depuis un siècle et demi : comment un vélo tient-il sur deux roues seulement ? Les chercheurs ont évacué le cas, trop, simple, où un être humain juché sur l'engin en assure lui-même la stabilité. Non, le vrai mystère, c'est celui de la bicyclette solitaire qui, sur sa lancée, continue son bonhomme de chemin.

    Pour venir à bout de cette question, il n'a pas fallu moins de trois équipes internationales, une américaine de l'université Cornell et une britannique, de l'université de Nottingham, ayant rejoint les Hollandais de la TU Delft. Le résultat est un modèle numériquemodèle numérique tout à fait sérieux, prenant en compte les multiples forces s'appliquant sur un deux-roues et capable de prédire le comportement de n'importe vélo dont on fournit les caractéristiques. Leurs résultats viennent d'être publiés dans la revue Proceedings of the Dutch Royal Society.

    Comme un avion

    Le texte publié sur le site de la TU Delft relate une expérience sur un tapis roulanttapis roulant. Un cycliste y pédale jusqu'à une certaine vitessevitesse. Arend Schwab tente alors de le déséquilibrer en tirant sur une corde attachée au vélo. La bicyclette ne fait qu'une légère embardée et revient sur sa ligne, sans que le cycliste ne soit vraiment intervenu.

    L'explication du phénomène est que le vélo est naturellement stable dans une certaine plage de vitesses. Plus rapide ou plus lent, le cycliste aurait dû rattraper son engin. « La vitesse doit être comprise entre 14 et 22 kilomètres à l'heure » précise Jodi Kooijman, un des chercheurs impliqués dans ce travail. Et d'ajouter : « Notre modèle prédit exactement ce comportement ».

    Grâce à leur outil numérique, il devient effectivement possible d'analyser le comportement d'une bicyclette en cours de conception ou, à l'inverse, de déterminer précisément ce qu'il faut modifier pour aboutir à des performances recherchées (stabilité, vitesse, poids...). Il ne s'agit ni plus ni moins que de faire entrer la fabrication de vélo dans l'ère du numérique, aux côtés des constructeurs de voitures ou d'avions qui utilisent depuis longtemps des modèles sur ordinateur pour étudier le comportement d'un engin qui n'existe pas encore.