Les criquets possèdent un système anti-collision particulièrement ingénieux. Des chercheurs s’en sont inspirés pour créer un dispositif nanométrique à bas coût, qui pourrait équiper les voitures autonomes ou les drones.


au sommaire


    Les criquets pèlerins causent régulièrement des dommages considérables aux cultures et s’abattent sur des villes entières dans un vacarme assourdissant. Les criquets voyagent sous forme de gigantesques essaims, certains nuagesnuages pouvant atteindre 80 millions d'insectesinsectes au kilomètre carré. Malgré cette incroyable concentration, les criquets ne se foncent pas dedans entre eux car ils possèdent un étonnant système anti-collision, dont des chercheurs se sont inspirés pour développer un dispositif analogue sur des véhicules autonomesvéhicules autonomes, des robots ou des drones.

    Les criquets sont capables de changer de direction en quelques centaines de millisecondes

    « Nous sommes toujours à la recherche d'animaux dotés de capacités inhabituelles, capables des faire quelque chose de mieux que les humains », atteste Saptarshi Das, professeur adjoint en  sciences de l'ingénieur et de mécanique à la Penn State University. Et, de ce point de vue, le criquet est particulièrement intéressant. « Ces insectes se déplacent à une vitessevitesse de 3 à 5 km/h et changent de direction en quelques centaines de millisecondes », ajoute le chercheur.

    Neurone anti-collisions

    Contrairement aux autres insectes, le criquet dispose d'un unique neurone géant spécialisé dans la détection de mouvementmouvement. Son œilœil reçoit deux signaux différents. Le premier est l'image des criquets aux alentours : plus un autre criquet se rapproche de l'œil, plus l'image grandit et plus le signal d'excitation du neuroneneurone est fort. L'autre signal est la variation de la vitesse angulaire, c'est-à-dire la vitesse à laquelle un criquet se rapproche de l'autre. « Comme le neurone a deux branches, le criquet calcule les paramètres de ces deux signaux pour changer de direction si nécessaire et éviter la collision », décrit Darsith Jayachandran qui fait partie de l'équipe de recherche de Saptarshi Das.

    Plus l’objet se rapproche, plus le stimulus lumineux augmente, ce qui induit une différence de potentiel électrique chez le nanodétecteur. © Darsith Jayachandran et al, <em>Nature Electronics</em>, 2020
    Plus l’objet se rapproche, plus le stimulus lumineux augmente, ce qui induit une différence de potentiel électrique chez le nanodétecteur. © Darsith Jayachandran et al, Nature Electronics, 2020

    Détecteur de mouvement nanométrique

    Les chercheurs ont donc décidé de partir de cet ingénieux système pour mettre au point un détecteur de mouvementdétecteur de mouvement nanométrique qui pourrait équiper des véhicules et appareils mobilesmobiles de toute sorte. Leur dispositif, décrit dans la revue Nature Electronics, utilise du sulfuresulfure de molybdènemolybdène monocouche comme photodétecteur, placé sur une grille programmable. Lorsqu'un objet s'approche du photodétecteur, le signal électrique est amplifié et engendre un comportement d'évitement semblable à celui du neurone du criquet. Le tout en moins de deux secondes.

    « Alors que les criquets ne peuvent éviter les collisions qu'avec d'autres criquets, notre dispositif détecte les collisions potentielles de différents objets à des vitesses variables », se félicite Saptarshi Das. Le détecteur nécessite en outre une quantité d'énergieénergie infime, ce qui le rend particulièrement intéressant pour des appareils légers et autonomes -- les détecteurs actuels sur les véhicules autonomes étant plutôt encombrants et lourds.

    Vision 3D

    Reste encore un point sur lequel le criquet est supérieur : ses yeux à facettes qui lui offrent une vision 3D et une vue panoramique. De fait, le nanodétecteur est pour l'instant capable de détecter uniquement des objets se trouvant sur une trajectoire de collision directe. Il faudrait donc imaginer un réseau de nanodétecteurs positionnés sur une même micropuce pour conférer une détection 3D. Il reste donc encore quelques étapes à franchir mais cette étude montre en tous les cas que même les animaux les plus nuisibles peuvent nous apporter quelque chose.