Le dioxyde de titane est très présent dans l’industrie depuis des dizaines d’années et, à haute dose, il est peut-être cancérigène. Un groupe de chercheurs américains vient de prouver que sous forme nanométrique, comme dans les crèmes solaires, il peut endommager l’ADN des souris. Mais il reste difficile d’extrapoler ces résultats à l’homme.

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    Nanoparticules de TiO2 vues au microscope électronique. Crédit : Ecole Polytechnique

    Nanoparticules de TiO2 vues au microscope électronique. Crédit : Ecole Polytechnique

    Le dioxyde de titanedioxyde de titane (TiO2) est largement utilisé dans l'industrie depuis des dizaines d'années avec une production mondiale qui se chiffre en millions de tonnes. Commercialisé pour la première fois en 1923, il est aujourd'hui présent dans des aliments, des médicaments et des cosmétiques. En raison de son pouvoir blanchissant, il devient également pigment (et c'est son utilisation la plus courante) dans des peintures, des plastiquesplastiques, des céramiquescéramiques, des papiers, des encres et même du bitumebitume.

    On le trouvait initialement sous forme micrométrique mais depuis quelque temps, il est aussi employé sous forme nanométrique, en particulier dans certaines crèmes solaires. Or, s'il semblait initialement peu dangereux (on savait quand même qu'il pouvait causer des irritations mécaniques des yeuxyeux et des inflammationsinflammations des voies respiratoires), le dioxyde de titane a été considéré comme potentiellement cancérigène pour l'homme il y a quelques années par les experts du Centre international de recherche sur le cancercancer (CIRC).

    En effet, des études ont montré qu'avec de fortes expositions, des animaux comme les souris et les rats pouvaient développer des cancers des poumonspoumons. On pouvait donc s'attendre à ce qu'il en soit de même chez les personnes travaillant dans l'industrie et exposées à du dioxyde de titane. Pour le moment, les études n'ont pas permis d'établir un lien entre l'exposition professionnelle au TiO2 et l'augmentation du risque de cancer.

    Les nanoparticules ont ceci de spécifique que leurs petites tailles changent les propriétés physiquesphysiques et chimiques des matériaux. En particulier, l'augmentation de la surface d'exposition (le rapport surface/volumevolume pour une sphère varie en raison inverse du rayon de la sphère) peut catalyser des réactions n'opérant pas ou peu avec des particules d'un matériaumatériau de tailles micrométriques.

    La question est posée pour les travailleurs des entreprises utilisatrices

    C'est pourquoi depuis quelque temps, prévoyant l'envahissement des nanotechnologie, de multiples recherches sont effectuées pour évaluer plus précisément leur impact sur la santé et l'environnement. Les nanoparticules de dioxyde de titane n'y ont pas échappé. Un groupe de chercheurs mené par Robert Schiestl de l'UCLA's Jonsson Comprehensive Cancer Center vient de publier des résultats sur l'effet de ces nanoparticules sur l'ADNADN des souris.

    Ils ont exposé pendant plusieurs jours des souris à de fortes doses de nanoparticules dans l'eau qu'elles ingéraient. La duréedurée était équivalente à plus d'une année et demie d'exposition pour une personne travaillant dans une usine employant des nanoparticules de TiO2. Les études ont montré qu'au bout du cinquième jour d'exposition et d'accumulation de ces nanoparticules dans le corps des souris, des dommages au niveau des chromosomeschromosomes et des ruptures des brins d'ADN étaient déjà visibles. Or, il est bien connu que ces types d'altération peuvent augmenter les risques de développement d'un cancer.

    Il faut bien sûr être prudent car ce qui est toxique ou dangereux chez les souris ne l'est pas forcément chez l'homme. De plus, si l'on considère le cas des crèmes solaires, il ne semble pas, sauf lorsque la peau n'est pas intacte, que les nanoparticules de TiO2 puissent pénétrer en profondeur. Généralement aussi, les nanoparticules sont incluses dans des solidessolides ou des liquidesliquides et ne sont donc pas facilement inhalées ni avalées. Reste que des risques apparaissent comme bien réels si l'on n'y prend garde avec des expositions fortes ou longues.

    Les études doivent donc se poursuivre et il est trop tôt pour affirmer que les nanoparticules de dioxyde de titane sont automatiquement toxiques pour l'homme. Cependant, comme le dit Schiestl, « il se pourrait qu'une certaine portion de cancers soit due à une exposition à ces nanoparticules. Certaines personnes pourraient être plus sensibles que d'autres à l'exposition à ces nanoparticules ».

    Ce genre d'étude s'ajoute à celles déjà réalisées sur les nanotubes de carbonenanotubes de carbone et qui ont montré que lorsque ces derniers sont trop longs, on peut craindre des risques analogues à ceux de l'amiante. Elle alimentera certainement le débat public sur les nanotechnologies, malheureusement parfois gâché par certains néoluddistes technophobes.