Sous l'étendard du projet Megaframe, cinq organismes du vieux continent se sont rassemblés, dans le but de créer une technique d'acquisition vidéo à même de décomposer le mouvement au rythme d'un million d'images par seconde.

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Le dernier prototype de capteur où l'on discerne clairement les 1.024 pixels ou SPAD. © 2009 MEGAFRAME - Million Frame Per Second, Time-Correlated Single Photon Camera

Le dernier prototype de capteur où l'on discerne clairement les 1.024 pixels ou SPAD. © 2009 MEGAFRAME - Million Frame Per Second, Time-Correlated Single Photon Camera

Le projet Megaframe a pour but d'aboutir à la création d'une caméra capable de capter 16.384 photons à un rythme d'un million d'images par seconde. Toutefois la famille des caméras ultrarapides n'est pas nouvelle. Elle fit ses premiers pas dans l'ère du développement chimique. Déjà, en 1878, le photographe anglais Eadweard J. Muybridge parvint à photographier un cheval au galop à un rythme de cent images par seconde. En 1930 Eastman Kodak développa une caméra 16 mm atteignant le rythme de 1.000 images seconde. Une course aux images était lancée... Elle profita ensuite à la science mais fut aussi largement utilisée à des fins artistiques et commerciales. Lors des fameux ralentis du film The Matrix, réalisés à l'aide de la société Photo-Sonics, le grand public a pu par exemple se familiariser avec le procédé.

Caméra ultra-rapide à pellicule 35mm. © Photo-sonics
Caméra ultra-rapide à pellicule 35mm. © Photo-sonics

L'ère de la pellicule révolue, le numérique n'est pas resté sur la touche. Si la mise en place d'une acquisition avec une pellicule 35 mm classique demandait des dispositifs mécaniques lourds et bruyants, le numérique permet de capter l'image plus simplement. L'avènement des capteurs utilisant la technologie CMos (Complementary Metal Oxide Semiconductor) dans les appareils grand public a relancé la course au rythme d'acquisition de vidéo. Le projet Megaframe s'inscrit dans cette nouvelle lignée de pionniers de l'image. Le groupe de recherche est parvenu à combiner des SPAD (Single-Photon Avalanche Diodes), des micro-objectifs et des chronomètres de haute précision pour chaque pixel de leurs différents prototypes de capteurs. Chaque SPAD est à même de capter un photon tous les millionièmes de seconde. Ce traitement particulier d'un photon par pixel permet d'atteindre une sensibilité record. Pour lors le capteur est encore un prototype se présentant sous la forme d'un carré de 32 pixels de côté soit 1.024 pixels. Les chercheurs travaillent à l'élaboration d'une nouvelle version de 16.384 pixels, correspondant à 0,016384 megapixel... On est donc encore loin d'atteindre la résolution d'image d'un appareil photo numérique grand public.

Un vaste panel d'applications

Une telle caméra pourrait être utilisée dans des industries diverses pour, par exemple, surveiller le cycle de mouvement d'un mécanisme à une fréquence élevée. Les enjeux sécuritaires sont réels et ouvrent la voie à de nouvelles méthodes de diagnostics dans l'automobile ou bien encore l'aérospatiale.
A l'échelle microscopique des utilisations sont aussi envisageables en biologie cellulaire notamment pour obtenir des images plus précises des cycles de reproduction ou être capable de percevoir certaines réactions organiques jusqu'ici trop rapides pour être perçues.

La capacité de chaque pixel du capteur à chronométrer la lumière, avec une haute précision, offre la possibilité de mesurer la distance des objets. Appelé Time-of-light, le procédé consiste à émettre un jet de lumière vers l'avant et de mesurer le temps qu'elle met à revenir, à la manière d'un sonar, avec une précision variant de 50 à 200 picosecondes. L'opération permet d'établir une depthmap(cartographie du volume), utilisée pour génèrer l'image en 3D. Attention, révolution ! Jusqu'ici, la 3D stéréoscopique nécessitait deux capteurs...

Edoardo Charbon, le coordinateur du projet Megaframe, affirme que « la camera 3D pourrait être dans votre téléphone mobile dans cinq ans, et dans des applications médicales d'ici dix années ». Comme beaucoup de promesses dans les nouvelles technologies, ces affirmations sont à prendre avec des pincettes, mais la technologie éprouvée des capteurs CMos et le faible coût envisageable à terme joueront peut-être en faveur de ce procédé.