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Des chercheurs écossais ont travaillé l'invisibilité avec un métamatériau souple : le Métaflexe. © Université St Andrews
Depuis l'université St Andrews, en Écosse, Andrea Di Falco et ses collègues nous présentent le Metaflex : un métamatériau flexible, premier du genre semble-t-il. Épaisse de 4 micromètresmicromètres seulement, cette petite membrane de 5 par 8 millimètres est transparente, enfin presque... Elle retient en effet un peu de lumièrelumière visible, quelque part du côté de l'orange et du rouge, autour d'une longueur d'ondelongueur d'onde de 620 nanomètresnanomètres. La nouvelle enthousiasme les connaisseurs et les communiqués de presse parlent à nouveau d'invisibilité et de lentilleslentilles extraordinaires...
Cette valeur est en effet un exploit pour un métamatériau, c'est-à-dire un ensemble de minuscules structures périodiques réalisées à très petite échelle, capable de dévier les ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques d'une manière particulière, grâce à une propriété inconnue dans la nature : l'indice de réfractionindice de réfraction négatif. En 2006, ce domaine de recherche très pointu avait trouvé un grand écho quand avait été démontré mathématiquement qu'une telle propriété pouvait en théorie permettre de réaliser un trou d’invisibilité : une zone où pourrait se cacher un objet, qui serait invisible du monde extérieur.
Harry Potter et sa cape ont ainsi fait irruption dans les publications scientifiques quand plusieurs laboratoires ont exploré cette voie en réalisant des dispositifs expérimentaux. Dans le domaine purement optique, le principe peut aussi servir à réaliser des lentilles de qualité inédite, par exemple des lentilles plates. Sur le plan théorique, les avancées ont été très nettes et ont permis plusieurs prédictions, comme la possibilité d'exploiter le phénomène dans le domaine radio et l'effet de la polarisation.
Résultats obtenus avec une membrane gravée d'un motif en filet, assurant une double polarisation (photographie de droite, prise au microscope électronique, les mailles mesurent environ 1 micromètre). À gauche, l'atténuation observée (la zone grisée) et le calcul théorique (la courbe noire). L'effet est bien obtenu dans le visible, à une longueur d'onde (wavelength) entre 600 et 700 nanomètres. © A. Di Falco et al. / New Journal of Physics
Des structures à l’échelle des atomes
Mais un métamatériau n'influe sur le trajet de rayons électromagnétiques seulement si leur longueur d'onde est du même ordre que les dimensions des petites structures. Les premières réussites, comme celle de la Duke University en 2006, ont été obtenues avec une myriademyriade de petits anneaux métalliques dans le domaine des microondes, dont les longueurs d'onde s'étalent du millimètre à 30 centimètres. Les chercheurs se sont ensuite efforcés de réaliser des structures plus petites pour descendre vers les longueurs d'onde du visible, allant jusqu'à l'infrarougeinfrarouge et même le proche infrarouge.
Pour atteindre enfin le domaine de la lumière visible, l'équipe de St Andrews a changé de technique et utilisé les méthodes de l'électronique pour graver des structures à l'échelle des nanomètres. Le substratsubstrat est un polymère du commerce (une résine appelée SU8) et reçoit un motif gravé en or grâce à un procédé de lithographielithographie. L'équipe a pu ainsi réaliser des petites structures de différentes tailles, 100 à 200 nanomètres, espacées de 20 à 100 nanomètres.
Des superlentilles en vue
Selon la taille de ces motifs gravés, leurs petites membranes souples atténuent la lumière entre l'orange et le rouge. L'équipe peut crier victoire : c'est la première fois qu'un tel phénomène est obtenu avec des longueurs d'onde aussi petites. De plus, la souplesse du substrat laisse envisager des applicationsapplications intéressantes. L'invisibilité, mise en avant par les communiqués, n'a pas été recherchée et encore moins obtenue : ici, la lumière traverse seulement une membrane et est atténuée à certaines longueurs d'onde. L'expérience démontre que les propriétés d'un métamatériau à l'échelle atomique sont exploitables sur un support souple et cela change tout !
Les auteurs expliquent que ces membranes, très fines, pourraient être superposées, de manière à cumuler différents effets, par exemple camoufler différentes longueurs d'onde. Ensuite, un métamatériau souple peut être appliqué sur une forme complexe, par exemple celle d'une lentille. Selon les auteurs, on peut imaginer réaliser de cette manière des lentilles correctrices aux performances inégalées.
Bien d'autres applications des métamatériauxmétamatériaux ont été envisagées, puisqu'on a imaginé des lentilles acoustiques et des structures capables de détourner les tsunamis. Ils ont même inspiré un domaine apparemment très lointain : la simulation de trous noirs. L'invisibilité, même de grands objets, jusqu'à des avions et des sous-marins, reste en ligne de mire, y compris pour les chercheurs écossais. « Un dispositif réel d'invisibilité devrait être déformable et de grande dimension » soulignent-ils dans la revue New Journal of Physics. La cape du jeune sorcier n'est pas loin...