En faisant appel à la prometteuse technique de la plasmonique, associée à un dispositif à « tête volante », une équipe américaine propose un moyen de gravure, pour des circuits au silicium ou pour des disques type DVD, capable de dessiner des motifs dix fois plus fins.

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Pour graver les circuits électroniques, la technique actuelle est celle de la photolithographie. Un rayonnement lumineux puissant attaque une surface sur laquelle a été posé un masque. On dessine ainsi un motif, un peu comme avec un pochoir. Bien rôdé, ce principe est continuellement amélioré pour affiner la gravure, afin d'augmenter le nombre de composants élémentaires (transistors, résistances, condensateurs...) réalisés sur le silicium d'une puce électronique.

Mais la technique approche aujourd'hui d'une limite physique : la finesse de gravure dépend de la longueur d'onde utilisée. La lumière ultraviolette, classiquement utilisée aujourd'hui, ne permet pas de graver des traits de moins de 35 nanomètres. Les industriels cherchent pourtant à faire mieux. Intel commence à commercialiser des processeurs à 45 nanomètres et promet les 32 nanomètres.

Pour progresser en deçà des 35 nanomètres fatidiques de l'ultraviolet, plusieurs techniques existent déjà, consistant toutes à remplacer ce rayonnement trop mou par des longueurs d'onde plus courtes voire des faisceaux d'électrons ou d'ions. Mais alors, les coûts s'envolent.

A l'université Berkeley, Xiang Zhang et son équipe affirment avoir mis au point une méthode efficace et peu onéreuse pour augmenter d'un facteur dix la finesse de gravure. Le procédé s'appuie sur la plasmonique, un phénomène dont l'étude est récente et qui excite l'imagination de scientifiques dans plusieurs domaines. Il survient à l'interface entre un métal et un milieu diélectrique, comme l'air. Un rayonnement électromagnétique, par exemple des UV, peut y interagir avec les électrons libres qui se promènent à la surface du métal. Si l'on s'y prend bien, il est possible de créer des mouvements oscillants d'électrons, appelés plasmons. Ces résonances électroniques peuvent alors, secondairement, générer un rayonnement de longueur d'onde plus faible.

Seize lentilles constituées de simples cercles concentriques gravés sur une plaque d'argent. Sous l'effet d'un rayonnement ultraviolet, elles émettent des ondes de longueurs d'onde plus courtes au niveau du trou central. (Cliquez pour agrandir.) © Xiang Zhang Lab/UC Berkeley

Seize lentilles constituées de simples cercles concentriques gravés sur une plaque d'argent. Sous l'effet d'un rayonnement ultraviolet, elles émettent des ondes de longueurs d'onde plus courtes au niveau du trou central. (Cliquez pour agrandir.) © Xiang Zhang Lab/UC Berkeley

Sur une minuscule lame d'argent, l'équipe de Xiang Zhang a gravé une série de cercles concentriques entourant un minuscule trou de moins de 100 nanomètres de diamètre. Cet ensemble se comporte comme une lentille à effet plasmonique. Eclairée avec une lumière ultraviolette, elle induit un rayonnement secondaire dont la longueur d'onde dépend du diamètre du trou et qui peut être très inférieure à celles des UV. Les 100 nanomètres actuels ne suffisent pas mais il serait possible, selon les auteurs, de descendre ce diamètre entre 5 et 10 nanomètres.

Gravure rapide

Les chercheurs de Berkeley ont testé un dispositif dans lequel une série de seize lentilles sont installées sur une tête qu'ils qualifient de volante. Elle est en effet fixée au bout d'un bras et vient frôler la surface d'un disque tournant à grande vitesse, à la manière de la tête de lecture d'un disque dur ou d'un CD. Le circuit à graver est solidaire de cette surface et il est alors possible d'y dessiner les composants à grande vitesse.

La distance entre les lentilles et la surface à graver doit être très faible. L'équipe a mis au point un système mécanique pour contrôler les efforts aérodynamiques de sorte de maintenir une distance de 20 nanomètres. Sous cette tête, la surface du dispositif expérimental filait à 12 mètres par seconde.

La résolution atteinte par ce premier prototype n'est que de 80 nanomètres mais les chercheurs affirment que la technique permet de faire beaucoup mieux. Selon eux, des têtes comprenant 100.000 lentilles dont les trous seraient plus fins que ceux du prototype, générant donc des longueurs d'onde plus courtes, permettraient de graver « des microprocesseurs plus de dix fois plus petits ». La même technique serait également applicable à la gravure de disques optiques, qui stockeraient « dix à cent fois plus de données que les modèles actuels ».

Quoiqu'il en soit, l'intérêt de la méthode est qu'elle repose sur des technologies relativement simples, peu éloignées des procédés actuels et peu coûteuses à mettre en œuvre. Intel et consorts n'ont pas encore réagi...