Former une image sans lentille ni le moindre miroir peut sembler relever de la magie pure. C'est pourtant possible et déjà fait ! De quoi réaliser des caméras molles ou des tissus qui voient...

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Des capteurs sont installés dans chacune des seize fibres optiques, selon une symétrie radiale. La fibre elle-même fait office de matériau diélectrique (insulator), c'est-à-dire résistant au passage du courant électrique. Les parties grises, métalliques, sont les conducteurs reliant les composants en matériau semi-conducteur. Cette structure capte la lumière et détecte aussi la direction de la source lumineuse. L'image d'un smiley a pu être reconstituée par l'analyse des signaux reçus. © Sorin et al., Nano Letters, Online edition (2009)

Des capteurs sont installés dans chacune des seize fibres optiques, selon une symétrie radiale. La fibre elle-même fait office de matériau diélectrique (insulator), c'est-à-dire résistant au passage du courant électrique. Les parties grises, métalliques, sont les conducteurs reliant les composants en matériau semi-conducteur. Cette structure capte la lumière et détecte aussi la direction de la source lumineuse. L'image d'un smiley a pu être reconstituée par l'analyse des signaux reçus. © Sorin et al., Nano Letters, Online edition (2009)

Depuis des siècles, les lois de l'optique démontrent que pour former une image sur une surface sensible, rétine, pellicule ou capteur numérique, il faut installer un matériau transparent ayant un certain indice de réfraction et dont la surface est courbe, bref, une lentille. Isaac Newton a trouvé un autre moyen, à l'aide d'un miroir parabolique pour utiliser la réflexion plutôt que la réfraction. La chambre obscure, superbe astuce bien décrite par Léonard de Vinci, forme une image grâce à un simple trou.

Aujourd'hui, des chercheurs démontrent qu'il existe une autre solution, permettant d'obtenir une image sans aucun dispositif optique grâce aux nanotechnologies et à l'optronique. Au MIT (Massachusetts Institute of Technology), Yoel Fink et son équipe travaillent depuis plusieurs années sur les « fibres multimatériaux » (multimaterial fibers, selon leur propre terminologie). Ce sont des fibres optiques au sein desquelles sont inclus des semi-conducteurs. Grâce à eux, il devient possible de détecter l'intensité et la fréquence (la couleur donc) de la lumière incidente mais également - c'est là la clef pour comprendre le principe - la direction des rayons.

Dans l'article publié dans la revue Nano Letters, les scientifiques décrivent un dispositif constitué d'un maillage grossier de deux séries de huit fibres croisées à 90°, couvrant 0,1 mètre carré. La lumière pénètre donc dans les fibres par leur surface latérale et non par leurs extrémités.

Image médiocre mais prometteuse

Chaque fibre contient des composants d'environ 100 nanomètres de large, réalisés en matériaux conducteurs (métalliques) et semiconducteurs. Un système informatique récupère les signaux reçus par le réseau de fibres. L'analyse permet de reconstituer la source des rayons lumineux incidents.

L'équipe a démontré le fonctionnement de son curieux appareil en plaçant un smiley devant le capteur. Le système informatique a pu restituer de l'objet une image reconnaissable.

La qualité obtenue n'a pas de quoi inquiéter un fabricant de lentilles. Il est hautement vraisemblable que l'optique traditionnelle conservera sa supériorité pour très longtemps encore. Mais un tel principe ouvre des applications tout à fait innovantes.

On peut imaginer des surfaces faisant office de capteurs visuels. Les chercheurs pensent déjà à des applications militaires, le vêtement du soldat lui transmettant les images vues par derrière. Un tel capteur pourrait aussi être intégré dans un papier peint. Durant la Seconde guerre mondiale, en pleine espionite, des affiches exhortaient les passants ou les ouvriers à être discrets en expliquant que « les murs ont des oreilles ». Ils pourraient bien un jour avoir des yeux...