En adaptant les techniques de pliage de l’origami, une équipe de chercheurs de l’université d'État de l'Arizona a créé une batterie lithium-ion qui peut être compressée, étirée, pliée et vrillée sans perdre sa capacité énergétique ni sa puissance. Qui plus est, elle est fabriquée avec les matériaux utilisés pour les batteries lithium-ion actuelles. Le professeur Hanqing Jiang a confirmé à Futura-Sciences que cette technologie pourrait très rapidement être mise sur le marché.

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    La batterie lithium-ion déformable conçue par les chercheurs de l’université d’État de l’Arizona utilise un pliage origami à 45° appelé Miura, du nom de son inventeur japonais qu’il l’a élaboré pour les panneaux solaires des engins spatiaux. © Université d'État de l'Arizona

    La batterie lithium-ion déformable conçue par les chercheurs de l’université d’État de l’Arizona utilise un pliage origami à 45° appelé Miura, du nom de son inventeur japonais qu’il l’a élaboré pour les panneaux solaires des engins spatiaux. © Université d'État de l'Arizona

    La démonstration vidéo parle d'elle-même. Une batterie lithiumlithium-ionion est compressée, étirée, tordue, vrillée, enroulée autour d'un doigt sans que varie la puissance affichée sur le multimètre électrique auquel elle est branchée. Une prouesse technique réalisée par une équipe de chercheurs de l'université d'État de l'Arizona (ASU), qui sont parvenus à créer une batterie lithium-ionbatterie lithium-ion ultraflexible en se servant de l'origami, la méthode ancestrale de pliage japonaise. Une avancée très prometteuse pour la création d'appareils électroniques flexibles, qu'il s'agisse de vêtements ou d'objets connectés, de smartphones ou de papier électronique. D'autant plus que cette batterie est conçue à partir des matériaux standard utilisés pour les batteries lithium-ion actuelles. « Jusqu'à présent, aucune approche combinant un haut niveau de déformabilité et une grande capacité surfacique qui soit compatibles avec des technologies de fabrication existantes n'a été démontrée », affirment les chercheurs dans leur article scientifique publié dans Nature Communications.

    « Nous travaillions depuis plusieurs années sur les circuits électroniques flexibles et étirables et étions confrontés à un problème : réaliser des systèmes hautement déformables sans recourir à des matériaux élastomèresélastomères », explique Hanqing Jiang, professeur en génie mécanique et aérospatial de l'ASU. « L'idée d'utiliser l'origami est venue de façon accidentelle en discutant avec un artiste spécialisé dans le pliage de papier. Nous avons alors imaginé pouvoir utiliser ce concept pour créer cette déformabilité sans élastomère. »


    La batterie lithium-ion façonnée en origami peut être étirée, compressée, vrillée, tordue et même enroulée autour d’un doigt sans que la puissance qu’elle développe en soit affectée. Les chercheurs de l’université d'État de l'Arizona vont désormais travailler à lui conférer la même capacité énergétique qu’une batterie lithium-ion standard. © Université d'État de l'Arizona, YouTube

    Batterie lithium-ion pliable et déformable à l’envi

    Pour créer cette batterie, les scientifiques de l'ASU ont employé le pliage Miura, du nom de son inventeur japonais Koryo Miura. Il a été conçu en 1995 pour réaliser des panneaux solaires pliables pour les engins spatiaux qui soient peu encombrants et faciles à déployer. Cette technique d'origami est aussi utilisée pour les cartes géographiques et permet de les plier et déplier très rapidement en tenant deux coins opposés. Appliqué à la batterie lithium-ion, ce pliage permet de la rendre extrêmement flexible sans altérer sa capacité énergétique ou sa puissance. La densité de puissance surfacique est d'environ 1 à 2 mAh par centimètre carré, et elle pourrait être augmentée en ajoutant plus de matériaux actifs. « Nous avons réalisé 50 pliages et dépliages, 50 torsionstorsions et 50 courbements sans observer de perte d'efficacité », précise Hanqing Jiang. En revanche, il ne précise pas si le fonctionnement de la batterie se dégrade au-delà de cette limite. Une chose est sûre : pour envisager une commercialisation, il faudra qu'elle puisse supporter des milliers de déformations correspondant à la duréedurée de vie du produit qu'elle alimente.

    Le gros avantage de ce procédé est qu'il peut être mis en œuvre à partir des matériaux standard utilisés pour la fabrication des batteries lithium-ion. Notre interlocuteur en a détaillé la composition. L'anodeanode utilise de l'oxyde de titanetitane-lithium (Li4Ti5O12, ou LTO) comme matériaumatériau actif, un feuillet de nanotube de carbonenanotube de carbone ou de cuivrecuivre comme collecteur. La cathodecathode utilise du dioxyde de cobaltcobalt et de lithium (LiCoO2, LCO) comme matériau actif, et un feuillet de nanotubes de carbone ou de cuivre comme collecteur. L'électrolyte emploie de l'hexafluorophosphate de lithium (LiPF6), le séparateur est en polypropylènepolypropylène et l'emballage en aluminiumaluminium-polyéthylènepolyéthylène. « En dehors de l'oxyde de titane-lithium qui n'est pas un matériau actif standard, les autres matériaux sont des standards et employés pour les batteries du commerce », ajoute Hanqing Jiang.

    Deux scénarios pour la fabrication

    Selon lui, cette technologie serait prête à être utilisée dans des produits électroniques. « Étant donné que nous ne sommes pas dans la phase industrielle, nous ne pouvons pas donner de délai précis. Mais cela pourra se faire très bientôt à partir du moment où une industrie s'y intéresse. » La conception de la batterie est « totalement » compatible avec les processus de fabrication actuels, nous assure le chercheur, ajoutant que le surcoût lié au pliage ne serait pas très conséquent.

    Dans son article scientifique, l'équipe de l'ASU envisage deux scénarios pour l'usage de cette batterie flexible pour des applicationsapplications commerciales. La première option serait de fabriquer un appareil autosuffisant en appliquant le pliage en origami non seulement à la batterie, mais aussi à son système de collecte d'énergieénergie (des cellules photovoltaïques par exemple) ainsi qu'à sa partie fonctionnelle (comme un écran). Le second scénario, plus conventionnel, consiste à concevoir une batterie lithium-ion selon le principe de l'origami et à l'enrober d'élastomère afin d'obtenir un produit fini plat et flexible qui se conformerait plus aisément aux designs variés des appareils électroniques. Les travaux de recherche vont se poursuivre, avec pour principal objectif d'améliorer la capacité énergétique afin de la rendre équivalente à celle d'une batterie lithium-ion classique. En outre, Hanqing Jiang indique qu'il envisage la création d'une société pour l'exploitation commerciale de cette innovation.