En utilisant des transducteurs à ultrason, des chercheurs de l’université de Bristol sont parvenus à produire un retour d’effet à la surface d’un écran par modulation de la pression d’air. Le système permet de ressentir les reliefs d’une interface et de la contrôler sans être en contact avec l’écran. Tom Carter, l’un des membres de l’équipe, a expliqué à Futura-Sciences le potentiel de cette innovation.

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    Pour illustrer les capacités de la technologie UltraHaptics, les chercheurs de l’université de Bristol ont créé plusieurs applications. On voit ici l’interface d’un lecteur multimédia dont le bouton et le curseur envoient un retour d’effet qui donne l’illusion de les manipuler physiquement. © Université de Bristol

    Pour illustrer les capacités de la technologie UltraHaptics, les chercheurs de l’université de Bristol ont créé plusieurs applications. On voit ici l’interface d’un lecteur multimédia dont le bouton et le curseur envoient un retour d’effet qui donne l’illusion de les manipuler physiquement. © Université de Bristol

    Pouvoir sentir ce que l'on touche sur un écran. Voilà l'un des défis techniques les plus complexes que nombre de laboratoires de recherche et développement de par le monde cherchent à relever. La plupart des tentatives sont basées sur des systèmes qui impliquent soit un contact avec l'écran, soit le recours à un appareillage chargé de transmettre un retour d'effet. C'est le cas notamment de la technologie 3D Haptic Touch mise au point par MicrosoftMicrosoft qui permet d'éprouver les formes et les texturestextures des objets affichés sur un écran 3D.

    Or, des chercheurs de l'université de Bristol ont élaboré une technologie qui apporte un retour d’effet au-dessus d'une surface interactive sans qu'il soit nécessaire d'utiliser un accessoire ou d'être en contact avec celle-ci. Bénéficier d'un retour d'effet sans toucher une surface peut s'avérer utile lorsque l'on ne voit pas l'écran, par exemple si l'on conduit, ou bien encore si l'on a les mains sales, argumentent les concepteurs d'UltraHaptics.

    Ce schéma illustre la configuration du système UltraHaptics. Un vidéoprojecteur (<em>projector</em>) diffuse l’image sur un écran microperforé (<em>screen</em>), sous lequel sont disposés 320 transducteurs à ultrasons. Les gestes sont détectés par un capteur (<em>hand tracker</em>) Leap Motion. Les informations des transducteurs sont traitées par une carte contrôleur (<em>driver circuit</em>) reliée à un PC. Une application, basée sur l’algorithme développé par l’université de Bristol, se charge de synchroniser l’image et le retour d’effet, en modulant la radiation acoustique qui traverse l’écran pour former un champ invisible dans lequel chaque doigt peut percevoir une sensation distincte. © Université de Bristol

    Ce schéma illustre la configuration du système UltraHaptics. Un vidéoprojecteur (projector) diffuse l’image sur un écran microperforé (screen), sous lequel sont disposés 320 transducteurs à ultrasons. Les gestes sont détectés par un capteur (hand tracker) Leap Motion. Les informations des transducteurs sont traitées par une carte contrôleur (driver circuit) reliée à un PC. Une application, basée sur l’algorithme développé par l’université de Bristol, se charge de synchroniser l’image et le retour d’effet, en modulant la radiation acoustique qui traverse l’écran pour former un champ invisible dans lequel chaque doigt peut percevoir une sensation distincte. © Université de Bristol

    Un retour d’effet de 5 à 35 cm au-dessus de l’écran

    Ce procédé utilise le principe de la pression de radiationpression de radiation acoustique produite par des ultrasons, capables de stimuler les mécanorécepteurs cutanéscutanés. Le dispositif crée plusieurs ondes qui se combinent pour donner une sensation de vibrationvibration. Ces mécanorécepteurs répondent à des vibrations comprises entre 0,4 HzHz et 500 Hz. Les chercheurs ont donc développé un algorithme qui commande chaque transducteur en lui demandant d'augmenter ou de diminuer l'intensité en se concentrant sur un point de focalisation virtuel.

    C'est en modulant ces points de focalisation et en jouant sur la fréquence des ultrasonsultrasons qu'UltraHaptics parvient à créer un retour d'effet perceptible au toucher. Le système est suffisamment précis pour permettre de distinguer des textures. « Le retour d'effet est perçu de façon optimale à une distance comprise entre 5 et 35 cm de l'écran, a expliqué à Futura-Sciences Tom Carter, doctorant à l'université de Bristol et qui participe au projet UltraHaptics. Il n'y a pas de taille d'écran minimale ou maximale, et le matériel aussi bien que le logiciel peuvent s'adapter à n'importe quelle dimension. » Le jeune chercheur nous a également précisé qu'UltraHaptics fonctionne aussi bien à la verticale qu'à l'horizontale.

    Au niveau matériel, UltraHaptics se compose de 320 transducteurs à ultrasons de 10 mm de diamètre qui sont disposés côte à côte sur une grille de 16 x 20 cm. Ces transducteurs sont ceux qui sont utilisés par les radars de recul des automobiles. Ils produisent une pression de 20 pascals (soit 0,0002 barbar) à une distance de 30 cm avec un angle directionnel de 60°. Des caractéristiques qui ont permis aux chercheurs de contrôler avec précision la pression acoustique grâce à leur algorithme. Les transducteurs sont placés sous un écran microperforé sur lequel l'image est diffusée par un vidéoprojecteur placé au-dessus de la surface. Un capteurcapteur Leap Motion détecte les gestes et l'ensemble de ces informations est synchronisé par une applicationapplication installée sur un PC. Le retour d'effet est suffisamment précis pour pouvoir s'appliquer à chaque doigt ainsi qu'à la paume de la main.

    UltraHaptics fonctionne sans écran

    Pour illustrer la finesse de fonctionnement du système, l'équipe de l'université de Bristol a développé trois applications. La première consiste à agrandir une image en utilisant le geste « pincer pour zoomer » qui consiste à écarter le pouce et l'index. Un point de focalisation est créé sur chaque doigt et la pression acoustique de l'ultrason augmente à mesure que la personne écarte ses deux doigts, ce qui lui procure une sensation tactile corrélée à l'agrandissement de l'image.

    La deuxième application démontre l'intérêt du système pour ajouter une couche d'information tactile à une surface interactive, sans devoir la masquer en posant les mains dessus. En parcourant une carte géographique, l'utilisateur peut ressentir un retour d'effet qui correspondra à la densité de population des zones qu'il observe. La dernière application implique l'interface d'un lecteur multimédia avec des boutons de contrôle de lecture-arrêt et de volumevolume que l'on peut sentir à distance grâce à UltraHaptics. « Nous aimerions explorer comment ce retour d'effet pourrait être employé pour d'autres scénarios, nous a précisé Tom Carter. Par exemple, de quelle manière il pourrait être utilisé sans écran, dans ces situations où l'on ne reçoit qu'un retour tactile sans visuel. »

    Une technologie pour aider les non-voyants

    Dans cette perspective, UltraHaptics pourrait s'avérer pertinent pour créer des applications destinées aux personnes atteintes de déficience visuelle ou non-voyantes. Intégrée dans les mursmurs d'une habitation, cette technologie pourrait par exemple aider une personne à se guider ou à commander des interrupteurs (lumièrelumière, chauffage, etc.). Le chercheur a cependant indiqué à Futura-Sciences qu'il n'y avait pour le moment aucun projet commercial lié à cette technologie.

    La configuration technique d'UltraHaptics, et notamment le fait qu'il faille utiliser un écran microperforé et un vidéoprojecteur, ne permet pas d'envisager son intégration dans des terminaux à écran tactile type smartphone ou tablette. En revanche, le système pourrait trouver une utilité pour des écrans ou des tables interactives à vocation éducatives, touristiques ou culturelles : dans les écoles, les musées ou certains lieux publics.