Un record mondial de 250 km/h , une accélération de 0 à 200 km/h en 6 secondes : le ski de vitesse, ou kilomètre lancé – KL pour les initiés –, illustre parfaitement la course aux performances des sports de glisse ! Mais avant d'en arriver là, nombre de chercheurs ont planché sur les caractéristiques des matériaux, modélisé la pénétration dans l'air du skieur de vitesse, ou KListe. Tout cela pour améliorer son matériel et lui trouver la position optimale, garants du record de vitesse.

au sommaire


    La modélisation des skieurs en mouvement permet de représenter les forces qui s'exercent sur eux.© LABM - IFR Marey

    La modélisation des skieurs en mouvement permet de représenter les forces qui s'exercent sur eux.© LABM - IFR Marey

    Au laboratoire d'aérodynamique et biomécanique du mouvementmouvement (LABM) que dirige Daniel Favier à Marseille, Éric Berton s'ingénie justement à analyser le geste du sportif. « Nous équipons un skieur de haut niveau de capteurscapteurs aux articulationsarticulations et à la tête, puis nous le filmons en mouvement à l'aide de plusieurs caméras », annonce-t-il. Pourquoi ? Pour reconstituer un homme virtuel en 3D et modéliser les mouvements filmés en conditions réelles ou en soufflerie. « On peut alors remonter aux efforts articulaires fournis par le sportif », poursuit le chercheur. Comment ? Par exemple, dans un tunnel de soufflerie, des KListes chevronnés, fixés au sol, font l'expérience d'une descente... sur place. À leurs pieds, une plate-forme calcule et enregistre les appuis qu'ils prennent au sol. Les données recueillies, puis modélisées seront utiles à la traumatologie sportive bien sûr, mais également à la quête du geste parfait, le plus efficace, le moins demandeur d'énergieénergie.

    Autre atout de la soufflerie : penché en avant, la tête courbée pour offrir le minimum de prise, le skieur-cobaye essaye différentes positions et configurations de matériel (combinaison, casque, ailerons, bâtons...). Pour chaque paramètre, le coefficient de pénétration dans l'airair est calculé. Les résultats obtenus depuis des années ont sculpté une silhouette futuriste aux Klistes : ailerons à l'arrière des chaussures, casque profiléprofilé à la Dark Vador pour éviter une rupture aérodynamique entre la tête et le dosdos... Les compétitions ressemblent à des scènes de science-fiction...

    Pour étudier les virages en slalom géant, l'équipe d'Éric Berton procède au même type d'expérience mais cette fois, le skieur-cobaye est fixé sur une plate-forme animée d'un mouvement automatisé de rotation et de mise en dérapage autour de l'axe vertical. « Les sportifs sont demandeurs de ce type d'expérience, car ils ne réalisent pas toutes les forces qui s'exercent sur eux. » Même si, comme le souligne Alain Midol, du Laboratoire de tribologietribologie 2 et dynamique des systèmes (LTDS) de Lyon, « le sportif de haut niveau est un très bon capteur » : vibrationsvibrations, sensations de vitessevitesse... il enregistre tous ces paramètres et adapte parfois de lui-même sa position. Un capteur tellement sensible que lorsque les chercheurs mettent au point un ski qui absorbe trop les vibrations, les sportifs le délaissent, faute de pouvoir le « contrôler ».

    Les dessous des skis

    Mais au fait, sur quoi glissent nos skieurs fous ? Sur la neige ? Oui et non. Plus exactement sur une pellicule, ou film, d'eau fractionnée en gouttelettes, à l'interface entre les cristaux de neige et la semelle des skis. Les frottements provoqués par le passage du ski génèrent de la chaleurchaleur, à l'origine de la fontefonte de la neige et de la formation du film. Et tout l'art du bien glisser réside dans la qualité de ce « lubrifiantlubrifiant ». Ni trop fin, ni trop épais. Or le comportement de la neige au passage du ski diffère selon sa qualité. « Si les neiges sont froides et fraîches, le film d'eau sera plus difficile à obtenir, détaille Alain Midol. Au niveau de la spatule, la pressionpression exercée par le ski est moins forte : il est alors intéressant d'avoir des rugosités plus importantes, qui vont augmenter les frottements sur la neige, et donc la création du film d'eau. » Car non, une semelle de ski n'est pas lisse, au contraire, elle est recouverte de micro- et macrorugosités. Dans le cas d'une neige humide, il se forme un important film d'eau, générateurgénérateur d'un effet de succion au niveau du patin. À éviter absolument pour bien glisser ! Du coup, Hassan Zahouani, directeur du groupe Surface au LTDS a réussi à mettre au point une rugosité adaptée et un rainurage de la semelle des skis pour fractionner le film d'eau. Son évacuation sur les côtés en est ainsi facilitée.

    Autre aspect sur lequel se sont penchés les tribologues du LTDS : le fart. MatériauMatériau hydrophobehydrophobe enduit sur la semelle, il empêche l'eau de s'étaler sous le ski. Généralement constitué de paraffine, il peut contenir des cires micro-cristallines pour le durcir et des additifs fluorés pour le rendre plus hydrophobe. « Le polyéthylènepolyéthylène, couche extérieure des semelles de ski, et la paraffine possèdent la même structure : c'est ce qui permet à cette dernière de mieux s'accrocher au ski », souligne Alain Midol. Mais généralement, le fart s'élimine au cours des descentes, surtout dans le cas du ski de vitesse. Pour remédier à cela, le LTDS, en partenariat avec le Laboratoire de sciences analytiques de Villeurbanne, a conçu un nouveau procédé de traitement de surface des skis qui permet au produit de s'y fixer très fortement. Sur les semelles, mais aussi sur la combinaison des compétiteurs, car le traitement, objet d'un brevet, améliore également la pénétration dans l'air. « Nous estimons un gain sur les phénomènes de glisse de 10 à 15 %, et selon les disciplines, cela peut représenter un gain de 0,02 % à 5 % de la performance », conclut Alain Midol.

    Toujours plus de vitesse, de performance, un matériel de plus en plus sophistiqué. On en oublierait presque les simples plaisirs de la glisse...

    Julie Coquart

    Contact :

    Éric Berton
    [email protected]

    Alain Midol
    [email protected]

    Hassan Zahouani
    [email protected]