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A bord d'un vaisseau spatial, l'eau est le consommable nécessaire au support vie dont la massemasse est la plus importante. « Par jour, un être humain consomme trois litres d'eau pour ses seuls besoins métaboliques » , précise Christophe Lasseur, responsable des études de support-vie à l'ESAESA. « S'il se lavelave, il faut ajouter à cela 20 à 25 litres ». Sur des missions de longue duréedurée, le ravitaillement en eau est donc un problème fondamental, qui devient critique si l'on quitte l'orbiteorbite basse. Pour pouvoir un jour préparer des missions vers l'espace lointain, ou sur une autre planète, il va d'abord falloir résoudre la question du recyclagerecyclage de l'eau.
Les études menées par l'ESA ont permis de démontrer le grand potentiel de la technologie des membranes pour la purification des « eaux grises », c'est-à-dire les eaux uséeseaux usées issues des activités de toilette et de lavage ainsi que de la condensationcondensation (par opposition aux « eaux jaunes » et aux « eaux noires », chargées en urine et en matièresmatières fécales).
A Montferrier-sur-Lèz, près de Montpellier, le GIE Techno-Membranes, spécialiste des technologies membranaires pour des applicationsapplications environnementales, travaille depuis plus de dix ans avec l'ESA sur le sujet et vient d'achever le développement d'une unité de traitement des eaux pour une première campagne d'essais en vraie grandeur dans la base polaire franco-italienne de Concordia, sur le plateau continentalplateau continental antarctiqueantarctique.
Accessible tout juste deux à trois mois par an et conçue dans un souci d'impact minimal sur l'environnement qu'elle doit étudier, la station polaire de Concordia constitue un laboratoire exceptionnel pour les technologies de recyclage et plus généralement pour la plupart des systèmes de support-vie qui permettront de préparer des missions habitées dans l'espace lointain, comme celles étudiées par l'ESA dans le cadre du programme Auroraprogramme Aurora.
La station Concordia, crédits : ESA
Réalisée pour l'Institut Polaire Français Paul Emile Victor (IPEV) et le Programme Italien de Recherche en Antarctique (PNRA) en coopération avec l'ESA, cette unité de 1 500 kgkg traite l'eau avec un débit maximal de 300 litres par heure. La capacité journalière est de 2 400 à 2 800 litres, ce qui correspond aux eaux grises d'environ 25 personne (vaisselle, douches, hygiène, lessive, lavage des sols et eaux de cuisson). L'objectif est d'atteindre un taux de recyclage de l'eau supérieur à 90% pour des applications d'hygiène.
Membranes organiques et céramiques
L'unité comporte quatre niveaux de purification. Après élimination des éventuels grosses particules, l'eau circule dans un premier temps à travers une membrane organique d'ultrafiltrationultrafiltration. Il s'agit en fait d'un faisceau de fibres creuses réalisées dans un matériaumatériau polymèrepolymère poreux capable d'arrêter toutes les moléculesmolécules de masse molairemasse molaire supérieure à 100 000 g. « L'écoulement se fait tangentiellement, à l'intérieur des fibres, pour éviter la formation de dépôts » explique Jean-Christophe Lasserre, responsable des essais chez Techno-Membranes.
Le premier module de l'unité de traitement chez Techno-Membranes. La colonne métallique au centre contient les membranes de nanofiltration en céramique, crédits : ESA
La deuxième phase fait appel à des membranes céramiquescéramiques qui se présentent sous la forme de longs prismes hexagonaux percés de multiples canaux dans le sens de la longueur. Ce matériau permet une nanofiltrationnanofiltration en arrêtant toute molécule de masse molaire supérieure à 1 000 g ainsi que les ionsions multivalents (calciumcalcium, magnésiummagnésium, aluminiumaluminium, sulfates). La surface d'échange atteint 15 m2 dans l'unité d'ultrafiltration, puis 9 m2 en nanofiltration.
Les deux dernières phases font appel à un autre procédé, l'osmoseosmose inverse, déjà utilisée pour le dessalement de l'eaudessalement de l'eau de mer. Un premier étage se compose de trois membranes organiques se présentant sous la forme de modules spiralés pour une surface d'échange totale de 240 m2. Le second étage ne comporte qu'une seule membrane de 80 m2 et fournit une eau pure, totalement déminéralisée.
Le second module de l'unité de traitement chez Techno-Membranes. Les quatre cylindres verts contiennent les membranes pour le traitement par osmose inverse, crédits : ESA
Avant l'Antarctique, la Lozère
Dans un premier temps, l'unité sera mise à l'essai pendant deux mois dans un environnement bien plus facile d'accès que la station de Concordia : le Lycée Aquacole de La Canourgue, en Lozère.
« Avant de la transférer dans l'Antarctique, où toute intervention technique sera impossible, nous devons nous assurer que tout fonctionne parfaitement » , explique Jean-Christophe Lasserre. « Le lycée de la Canourgue, avec son internat, est représentatif du niveau d'utilisation auquel l'unité sera soumise à Concordia. »
Cette campagne préliminaire en conditions réelles permettra de suivre le comportement des membranes et en particulier de définir les cycles d'entretien. « Il faut notamment éviter la formation d'un film de matière organique sur la membrane d'ultrafiltration » note Jean-Christophe Lasserre. Les autres membranes devraient demander un entretien moins fréquent.
L'été prochain, l'unité sera transférée vers l'Australie où elle attendra l'été austral pour pouvoir être transportée à Concordia. A terme des systèmes de ce type pourraient trouver leur place sur une future station martienne.
Les technologies développées par Techno-Membranes pour l'ESA ne se limitent pas à des applications spatiales ou polaires. En partenariat avec le Programme de Transferts de Technologies de l'ESA, les solutions membranaires ont pu être appliquées ou étudiées pour des environnements bien moins hostiles, comme le recyclage de l'eau dans les avions gros porteurs ou le traitement des eaux pour des habitats très dispersés.
Une présentation de l'unité de retraitement destinée à Concordia aura lieu le 9 février, dans les locaux de Techno-Membranes.