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L'ordinateur en classe
"Plus de 90 % des enseignants utilisent un ordinateur ou l'internet pour préparer les leçons. Soixante-quatorze pour cent les utilisent également comme outil pédagogique, mais là encore les différences sont importantes: 96 % au Royaume-Uni, 95 % au Danemark, 36 % en Grèce et 35 % en Lettonie
". La France, pour sa part, arrive en 21e position sur 27 : 66% seulement des enseignants avaient utilisé l'ordinateur en classe l'année précédant l'enquête. Et 64% de ceux qui s'en sont servi l'ont fait dans moins de 10% de leurs cours, contre 3% dans plus de la moitié des cas. Les quatre raisons principalement évoquées sont le manque d'ordinateurs (63%), l'incompétence des enseignants en la matièrematière (33%), le manque de matériel adéquat (26%) et leur conviction que les ordinateurs ne présentent guère d'intérêt (22%). L'étude relève également que si 88% des écoles primaires françaises ont un accès internet, la moyenne européenne est de 96%.
On dénombrerait pourtant 12,5 ordinateurs pour 100 enfants en France, contre 11,3 en moyenne en Europe. L'explication serait à chercher du côté de la perception qu'ont les enseignants de l'informatique, et des usages, ou plutôt de l'absence d'usage, qu'ils en ont. Avec la Grèce, le Portugal et la Hongrie, la France fait en effet partie des pays où les enseignants se sentent le moins compétents pour utiliser l'internet en classe. Avec la Lettonie, la Lithuanie et le Portugal, la France fait également partie des pays où les enseignants sont le moins bien formés aux NTICNTIC (en l'espèceespèce, il s'agissait de savoir s'ils se sentaient plus ou moins capables d'utiliser Word, PowerPoint, le courrier électronique, et de télécharger et installer un logiciel).
Par ailleurs, 63% des écoles européennes, mais seulement 29% des écoles françaises, ont un site web. Ce qui n'empêche nullement Skyblog, qui cible essentiellement les moins de 18 ans, d'être la principale plateforme de blogs française, et surtout, un phénomène presque unique au monde. Peut-être faudrait-il proposer aux adolescents de donner quelques cours particuliers aux enseignants réfractaires, ou défaillants... Plus sérieusement, cette étude pose une fois de plus la question des usages : on peut être bien équipé, mais ne pas se servir de ses outils, et, a contrario, on peut avoir l'un des plus grands taux européens d'enseignants se sentant incompétents, et être le pays qui compte le plus de blogueurs adolescents.
Reste à savoir comment interprêter ces statistiques. Le premier réflexe naturel consiste à lever les yeuxyeux au ciel : décidément, l'Ecole en France est bien le mammouthmammouth que certains décrivent ! Mais si l'on prend du recul, on peut se poser la question autrement : la norme implicite dans de telles études, qui consiste à penser que plus d'usage de l'ordinateur en classe, c'est forcément mieux, a-t-elle un sens ? Les écarts statistiques n'expriment-ils pas d'autres différences plus profondes, entre systèmes éducatifs - le système primaire et secondaire français n'étant, selon toutes les études, pas si mauvais que ça ? On sait en tout cas qu'il n'y a guère de preuves que l'usage de l'ordinateur en classe produise des effets pédagogiques particulièrement positifs (ou négatifs, d'ailleurs)...
Autrement dit, ce qu'exprimerait l'étude, c'est d'abord que l'Ecole française fonctionne de manière assez profondément différente de la société. Un tel choix pourrait se concevoir, s'il s'agissait bien d'un choix. On peut aussi penser que cette situation contribue à faire de l'école un dispositif de reproduction des inégalités : il est sans doute plus facile de fonctionner dans une école-sanctuaire quand on dispose de bases solidessolides, de repères qui facilitent le passage d'un universunivers à l'autre, et d'ordinateurs à la maison.