Futura a rencontré Sandeep Bhambra, le directeur du design des concept-cars chez Renault. Il nous a livré la vision de la marque sur la voiture du futur. Elle mixera une motorisation électrique à batterie et une pile à combustible à hydrogène. Elle sera également décarbonée à 90 % pour tout son cycle de vie. Interview.


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    Si la nouvelle Renault 4 E-Tech est la vedette du stand de la marque de cette édition du Mondial de l'auto 2024, un concept discret prend place aux côtés des autres modèles. Il s'agit de l'Emblème. Un nom qui porteporte le symbole de la philosophie que le blason de la marque imagine pour la fin de la décennie. Rétroéclairé, le losange de la calandre est animé, presque vivant, comme le reste de la signature lumineuse de cette berline longue de 4,80 mètres et assez haute. L'auto arbore un design arrondi, tout en disposant de lignes fortes. Elle est cependant loin des concepts extravagants d'autres constructeurs. L'Emblème fait dans un réalismeréalisme retenu et il n'est pas difficile de l'imaginer, presque telle quelle, dans le trafic d'ici quelques années. Mais, derrière la carrosserie, se cache une philosophie tournée intégralement vers la décarbonation et la durabilitédurabilité.

    Futura a pu échanger sur cette vision de l'avenir de la marque avec Sandeep Bhambra, le directeur du design des concept-cars. Il est un passionné intarissable sur le design et l'ADNADN de ce qui constituera l'esprit de Renault pour ses véhicules dans le futur.  

    Futura : En regardant le concept Emblème, il semble avant tout être une étude stylistique avec, certes, des lignes fortes, mais sans casser vraiment les codes du design. En dehors de sa forme, en quoi sera-t-il représentatif du futur de la marque ?

    Sandeep Bhambra : L'Emblème reflète sans doute, au niveau du design, ce à quoi ressembleront les véhicules de la gamme Renault de 2029 à au moins l'horizon 2035. Mais, au-delà du stylestyle, l'Emblème est surtout l'expression d'un message fort sur la décarbonation de la marque dans l'avenir.

    Plus que sur son design, c'est au niveau de sa motorisation que le concept Emblème est original. Contrairement à ce que l'on peut imaginer du véhicule du futur chez Renault, sur le papier, l'auto ne sera pas du tout un foudrefoudre de guerre. Sa puissance est limitée à 160 kW, ce qui produit l'équivalent d'environ 215 ch. Mais ce qui est encore plus marquant, c'est sa petite batterie de 40 kW. C'est peu et c'est même la moitié de ce que dont dispose la Renault Scenic E-Tech. Et contrairement aux mastodontes du moment, avec sa plateforme électrique qui repose sur la nouvelle AmpR Medium, elle ne pèse que 1 750 kilos. C'est assez léger pour une berline électrique et c'est, entre autres, ce qui lui permet d'atteindre une autonomie de 350 kilomètres. Elle est aidée par son design associé à des astuces pour réduire la traînée aérodynamique. C'est notamment le cas de ses jantes pratiquement pleines.

    Futura : En 2029, une autonomie de 350 kilomètres pour un véhicule électrique, c'est ridiculement peu, non ?

    SB : Pour le milieu urbain, c'est tout à fait suffisant, mais il est vrai que pour sortir de la ville et entreprendre de longs trajets en empruntant l'autoroute, ce n'est pas assez. Justement, pour aller plus loin, cette voiturevoiture du futur cache un autre type de motorisation : une petite pile à combustiblepile à combustible à hydrogènehydrogène. Elle délivre jusqu'à 30 kW de puissance. Cette rallonge d'autonomie permet de parcourir 350 kilomètres de plus. Autrement dit, pas besoin de faire de longues pauses pour assurer la recharge. L'hydrogène est contenu dans un petit réservoir de 2,8 kilos avec 700 barsbars de pressionpression. Au final, cette combinaison permet de gagner du temps en retrouvant la praticité que peut délivrer un véhicule thermique tout en disposant d'une batterie plus petite, et donc plus légère, pour une meilleure efficacité énergétique en ville.

    Quand le réservoir d'hydrogène est vide, il suffit de le recharger en quelques minutes dans une station-service. Pour la ville, l'usage reste celui d'une voiture électrique classique.

    Futura : Miser sur l’hydrogène, n'est-ce pas risqué pour 2030 ?

    SB : Effectivement, on ne sait pas encore si l'hydrogène va se développer pour la mobilité du futur, mais il s'agit d'un concept, et associer une motorisation électrique à batterie classique avec une pile à combustioncombustion offre dès aujourd'hui des options intéressantes pour Renault. C'est d'autant plus important que dans l'avenir ces deux technologies devraient évoluer vers une plus grande vertu écologique, avec des batteries plus denses et une production d'hydrogène plus verte.

    Futura : Une masse allégée avec une petite batterie, une motorisation mixte, l’Emblème se veut aussi décarbonée et durable dans sa conception. En quoi est-ce le cas ?

    SB : L'Emblème engage également une révolution invisible à l'œilœil. Dans son cycle de vie, l'auto du futur chez Renault sera décarbonée jusqu'à 90 %. D'ici quelques semaines, nous présenterons nos partenaires et équipementiers qui jouent cette carte de la décarbonation de leurs productions. L'essentiel des composants de l'auto sont conçus en France pour raccourcir les circuits. L'objectif est d'employer des matériaux bas carbonecarbone. Plutôt que d'apposer plusieurs couches de matériaux différents, que ce soit pour la structure du véhicule ou son habillage qui contribue au design, nous avons mis au point une approche « monomatériau ». Un même matériaumatériau doté d'un coloris identique peut ainsi être utilisé pour un même élément qu'il soit structurel ou de confort. Par exemple, nous utilisons du composite de linlin pour certains habillages. Le lin est produit en France. Il est naturel et recyclable. En développant cette philosophie, nous nous sommes rendu compte que même les écrans peuvent être décarbonés !

    Cette conception vient réduire considérablement le bilan des émissionsémissions carbone sur tout le cycle de vie du véhicule. Aujourd'hui, il faut être clair, Renault n'est pas plus vertueux que les autres malgré ses efforts. Ainsi, sur un Captur ayant parcouru autour de 200 000 kilomètres, le bilan atteint les 50 tonnes de CO2. Avec l'électrique, ce chiffre est déjà divisé par deux. En employant notre stratégie utilisée pour la conception de l'Emblème, l'auto du futur n'émettra, au final, sur tout son cycle de vie que 5 tonnes de CO2, soit 10 fois moins qu'aujourd'hui !