Comment concrétiser le sujet complexe de la sobriété numérique dans une entreprise ? Des pistes de réponses avec Tanguy Dade, manager informatique à la MAIF, qui a initié la démarche au sein de la Digital Factory en charge de tous les assets numériques de la MAIF.


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    Comment en êtes-vous venu à vous intéresser au sujet ?

    Tanguy Dade : Il y a un peu plus d'un an, j'ai suivi une formation certifiante sur le green IT avec Frédéric Bordage, un des spécialistes français du numérique responsable. Forts de ça, nous avons étudié toutes les mises en applicationapplication possibles en termes d'optimisation de performance d'affichage de nos différents supports numériques. Ce sujet de la sobriété numérique était en plus complètement aligné avec la stratégie de la MAIF, ses valeurs identitaires mais aussi son business, car plus les supports sont efficaces, plus nos adhérents sont satisfaits.

    Tanguy Dade, manager informatique à la MAIF. © Emmanuelle Brisson
    Tanguy Dade, manager informatique à la MAIF. © Emmanuelle Brisson

    Quels objectifs poursuivez-vous avec cette démarche ?

    TT. D. : Les gains attendus portent essentiellement sur la performance d'affichage donc la lutte contre l'obésiciel, c'est-à-dire l'utilisation excessive de ressources système ou de fonctionnalités inutiles. La vitessevitesse d'affichage des pages favorise ainsi un meilleur référencement sur les moteurs de recherche. La démarche contribue aussi à une meilleure expérience utilisateur. L'idée est de rendre possible l'accès au contenu dans toutes les situations de connexion, par exemple en 3G, et donc de répondre aux attentes de nos sociétaires ou adhérents, même ceux qui se trouvent dans des zones à faible débit. Il est question en plus de ne pas contribuer au renouvellement systématique des devices dont la fabrication a un impact particulièrement négatif sur les ressources de la Planète. Même avec un « vieux » smartphone, il doit être fluide d'accéder à nos services.

    Évolution du speed index sur les produits MAIF. © MAIF
    Évolution du speed index sur les produits MAIF. © MAIF

    Comment rendez-vous tout cela opérationnel ?

    T. D. : Nous avons monté une équipe pluridisciplinaire, car la démarche n'est pas simplement technique, elle implique aussi beaucoup d'autres métiers. Comme le marketing et la communication par exemple, puisque l'amélioration de la performance d'affichage des pages a un impact sur les services offerts et l'image de marque véhiculée. Nous disposons ainsi au sein de notre équipe d'une dizaine de profils : product ownerproduct owner, scrum masterscrum master, experts techniques, développeurs, experts SEO/SEA, digital analyst, designers UX/UI...

    Quelle feuille de route avez-vous défini ?

    T. D. : Les actions isolées, ou quick win, n'amènent pas de gain significatif. Il est donc nécessaire de travailler de manière cohérente sur des sujets plus structurants. Il faut comprendre que, que ce soit côté réseau ou côté CPU (de l'internaute) il y a de la parallélisation et donc ce n'est pas la suppression d'un élément qui change réellement le temps d'affichage. Une analogieanalogie serait d'imaginer avoir des voituresvoitures roulant en parallèle sur une autoroute : si on en enlève une, les autres n'iront pas plus vite... Il n'y a pas de recette magique en matièrematière de sobriété numérique ! Nous analysons donc les pain points de nos supports pour élaborer des pistes avec un bon équilibre entre gain espéré et complexité de mise en œuvre. Cela concerne autant la réduction des temps de chargement des pages, des outils de tracking, la mise en cache... Nous travaillons par POCPOC pour vérifier toutes ces pistes.

    Comment vous assurez-vous de la pertinence de vos actions ?

    T. D. : Pour viabiliser l'amélioration des performances, nous nous servons de plusieurs outils comme Dareboost, avec son speed index qui permet de jauger l'expérience utilisateur sur un site. Nous suivons aussi différents indicateurs, notamment ceux de GoogleGoogle qui influent sur le positionnement du référencement : les Core Web Vitals, à savoir LCP (Largest Contentful PaintPaint ou la mesure du temps de chargement de l'élément le plus volumineux de la page), CLS (Cumulative Layout Shift ou l'évaluation du temps nécessaire pour que l'affichage de la page soit stabilisée) et FID (First Input Delay ou la mesure du temps de réaction lors d'un clic sur un lien).

     DareBoost avec évolution puis correction de l'indicateur CLS. © MAIF 
     DareBoost avec évolution puis correction de l'indicateur CLS. © MAIF 

    Quels conseils donner à une entreprise qui voudrait se lancer dans la démarche ?

    T. D. : Pour une frugalité numérique, il faut vraiment trouver un juste équilibre entre People, Planète, Profit. Ça veut dire qu'il ne faut pas être dans une démarche punitive afin de bien embarquer les utilisateurs finaux et qu'ils en comprennent l'intention. Il ne faut pas non plus tomber dans le piège du greenwashing à annoncer tout et n'importe quoi, mais bien communiquer quand les résultats sont viables et probants. Je pense aussi que d'avoir un sponsor au niveau de la direction de l'entreprise permet au sujet de se déployer dans le temps et à tous les niveaux de l'entreprise. Il faut enfin se laisser le temps et ne pas hésiter à rejoindre des associations ou communautés spécialisées sur le sujet. La MAIF est, par exemple, membre de l’Institut du numérique responsable. Rejoindre ces mouvementsmouvements, c'est bénéficier de la force d'un collectif, d'idées et de bonnes pratiques afin que le sujet devienne une vraie stratégie d'entreprise.