Un groupe de chercheurs européens propose d'utiliser le réseau sous-marin de câbles en fibre optique pour détecter les tremblements de terre. Comment ? En projetant un faisceau laser à une extrémité de la fibre optique et en surveillant la lumière qui sort à l'autre extrémité.

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    Transformer les câbles sous-marinssous-marins qui font circuler l'internet entre les continents en sismographes géants, telle est l'idée défendue dans un article paru dans la revue Science par le professeur Giuseppe Marra, du National Physical Laboratory au Royaume-Uni (NPL, le laboratoire national britannique pour les poids et mesures). Lui et son équipe ont mis au point un équipement qu'ils ont testé avec succès dans diverses conditions depuis 2016.

    La plupart des stations sismiques sont situées sur la terre ferme et seulement quelques-unes sont installées dans les fonds marins. Le professeur Marra est parti d'un constat simple : 70 % de la surface de la planète sont couverts d'eau et plus d'un million de kilomètres de câbles sous-marins en fibre optique sont déployés au fond des mers. L'idée d'exploiter ces installations pour faire de la sismologiesismologie est venue du fonctionnement même du NPL. Ce dernier est relié à d'autres laboratoires européens par des connexions en fibre optique qui servent à synchroniser les mesures des horloges atomiqueshorloges atomiques. Or, ces câbles passent sous les routes et les vibrationsvibrations du trafic engendrent un bruit qu'il faut corriger en permanence.

    Cette infographie illustre l’un des essais effectués par le professeur Marra et son équipe sur un câble sous-marin reliant la Sicile à Malte. En bleu, les relevés de sismographes sous-marins classiques. En rouge, les relevés pratiqués sur le câble à fibre optique. Le sismographe N°1 près de l'extrémité maltaise du câble, plus proche de l'épicentre du séisme, a détecté le séisme peu avant le câble. Le sismographe près de l'extrémité de la Sicile l'a identifié peu de temps après. © G. Marra Et Al/Science

    Cette infographie illustre l’un des essais effectués par le professeur Marra et son équipe sur un câble sous-marin reliant la Sicile à Malte. En bleu, les relevés de sismographes sous-marins classiques. En rouge, les relevés pratiqués sur le câble à fibre optique. Le sismographe N°1 près de l'extrémité maltaise du câble, plus proche de l'épicentre du séisme, a détecté le séisme peu avant le câble. Le sismographe près de l'extrémité de la Sicile l'a identifié peu de temps après. © G. Marra Et Al/Science

    Un laser femtoseconde

    Pour utiliser un câble de télécommunication comme capteurcapteur sismique, les chercheurs injectent le faisceau d'un laserlaser dans une extrémité de la fibre optique et surveillent la lumièrelumière qui sort de l'autre extrémité. Quand une onde sismiqueonde sismique secoue le câble, elle déforme la lumière qui le traverse. En comparant le signal laser d'origine avec la lumière qui sort du câble, les chercheurs déterminent de combien le faisceau a été déformé en cours de route et en déduisent la puissance de la secousse sismique. Or, sur des câbles de plusieurs milliers de kilomètres les variations sont infimes, d'où le recours à un laser femtosecondefemtoseconde.

    En associant les mesures sur plusieurs câbles, il est possible d'effectuer une triangulationtriangulation qui permet de déterminer l'épicentreépicentre du séisme. L'utilisation des câbles sous-marins permettrait de recueillir des données sur les tremblements de terre qui commencent au milieu de l'océan et qui sont trop faibles pour être enregistrés sur des capteurs sismiques terrestres. Cela pourrait notamment contribuer à améliorer la détection des tsunamistsunamis et les systèmes d'alerte.

    Améliorer la détection des tsunamis et les systèmes d’alerte

    L'équipe du professeur Marra a conduit plusieurs expérimentations qui ont permis de valider le principe technique. Un câble de 79 kilomètres dans le sud de l'Angleterre a détecté des vibrations liées à des séismes, en Nouvelle-Zélande et au Japon, que les sismomètressismomètres ont évaluées respectivement à 7,9 et 6,9. En septembre dernier, un câble sous-marin qui s'étend sur 96 kilomètres de la Sicile à Malte a détecté un tremblement de magnitudemagnitude 3,4 émanant du milieu de la mer Méditerranéemer Méditerranée. En novembre, des câbles, cette fois-ci terrestres situés au Royaume-Uni et en Italie, ont détecté un séisme de magnitude 7,3 qui s'est produit à la frontière entre l'Irak et l'Iran.

    « Nous avons détecté des tremblements de terretremblements de terre sur des liaisons terrestres et sous-marines d'une longueur de 75 à 535 km et une distance géographique de l'épicentre du séisme allant de 25 à 18.500 km », écrivent les chercheurs. Mais ils précisent qu'il va leur falloir à présent éprouver leur dispositif en conditions réelles sur des liaisons transocéaniques.