De toutes les recherches en intelligence artificielle, la capacité à représenter en images ce à quoi nous pensons apparaît comme la plus préoccupante pour les libertés fondamentales. C’est pourtant sur une telle technologie que Meta dit avoir réalisé d’importantes avancées…
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Voilà une annonce qui risque de susciter bien des frissons... La capacité de lire dans les pensées est un thème qui a inspiré bien des auteurs ou réalisateurs de science-fiction. Dans Minority Report, la vision de trois « précogs », humains reliés à une machine sert à prédire les crimes avant qu'ils ne se produisent. Dans Inception, les « voleurs de rêves » se servent d'une technologie avancée pour entrer dans les rêves des personnages afin d'en extraire ou d'y intégrer des informations. Et n'oublions pas la fameuse « police de la pensée » qui est à l'œuvre dans 1984 pour traquer les subversifs.
Pour le meilleur ou pour le pire, trois chercheurs de Meta (FacebookFacebook) viennent de publier un article scientifique faisant le point sur une IA révolutionnaire qui serait capable de décoder en quelques millisecondes les représentations visuelles du cerveaucerveau...
Une représentation en temps réel des images depuis le cerveau
La technologie de Meta repose sur un MEG (magnétoencéphalographe), une technique de neuroimagerie qui se base sur les champs magnétiqueschamps magnétiques issus de l'activité neuronale dans le cerveau. À partir de la captation de milliers de mesures à chaque seconde, les chercheurs prétendent qu'ils pourraient afficher les images correspondant à l'activité de l'intellect.
Le trio infernal
Le système de Meta comporte trois composants :
encodeur d'image : un système à même de transformer une image quelconque en un format assimilable par l'IA.
encodeur cérébral : celui-ci fait correspondre les signaux MEG aux images créées par l'Encodeur d'Image.
décodeur d'image : ce dernier engendre une « image plausible » à partir des données du MEG.
Des images imparfaites ! Comme pour mieux nous rassurer, les chercheurs de Meta insistent sur le fait que les images ainsi produites seraient d'un niveau générique et pourraient montrer des faiblesses sur des détails spécifiques.
Pour quels usages ?
À quoi peut bien servir une telle technologie ? À des applicationsapplications de réalité virtuelle améliorée, ou encore des aides à l'expression pour ceux qui auraient perdu la capacité à parler. Hmm... Comment ne pas prévoir toutes sortes d'usages abusifs comme la tentative de repérer des dissidents dans les États non démocratiques, ou à une plus petite échelle, le vol de mots de passe ou d'informations confidentielles.
Une initiative non isolée
Qui plus est, l'initiative de Meta n'est pas isolée. Deux chercheurs japonais, Yu Takagi et Shinji Nishimoto ont prétendu qu'ils auraient produit, en couplant Stable Diffusion à des signaux d'IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelleimagerie par résonance magnétique fonctionnelle), des résultats similaires et encourageants. À l'Université du Texas, le professeur Alexandre Hut travaille sur une intelligence artificielle qui pourrait tôt ou tard générer un texte dès lors qu'un individu imagine une histoire.
De son côté, l'Université de Californie (Berkeley) a démontré une technologie similaire liée à l'audio : les participants devaient penser à la chanson Another Brick in the Wall de Pink Floyd, et l'IA a généré une musique proche de l'originale. Nous savons par ailleurs que la société Neuralink, fondée par Elon MuskElon Musk, élabore des composants électroniques qui seraient implantés dans le cerveau pour diverses applications, y compris la lecture des pensées.
Un arsenal juridique
Cette capacité à traduire les pensées en images est sans doute la plus grande menace que fait peser l’IA sur la vie privée de chacun et il apparaît urgent que les législateurs des principales nations se penchent sur la question afin d'éviter tout usage non consenti de telles technologies.