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Une abeille n'a qu'un million de neuronesneurones dans son cerveaucerveau, ou plutôt son ganglionganglion cérébral (car l'insecteinsecte a d'autres ganglions dans le thoraxthorax et l'abdomenabdomen). Pourtant ses prouesses n'en finissent pas d'étonner. Concernant la vision, par exemple, les scientifiques se sont longtemps demandés comment les insectes volants pouvaient analyser aussi rapidement leur environnement. La réponse intéresse l'entomologisteentomologiste mais aussi le roboticien qui espère y trouver des idées nouvelles. On sait aujourd'hui que l'analyse visuelle du vol chez les insectes repose sur un travail assez simple. En est-il de même pour la reconnaissance de formes ?
A l'université Monash (campus de Clayton), en Australie, Adrian Dyer, spécialiste de la physiologie de la vision chez les insectes, s'est penché sur la question. En 2005, lui et son équipe publiaient d'étonnants résultats sur la reconnaissance de formes dont sont capables les abeilles. Entraînées par un jeu de récompenses (un liquideliquide sucré) et de punitions (un liquide amer, à la quininequinine), ces insectes apprennent en une journée à reconnaître des photographiesphotographies de visages humains !
Plusieurs images de différentes personnes étaient piquées sur une plaque et les insectes devaient y reconnaître un visage présenté auparavant. Les biologistes ont juste découvert une limite à cette performance : présentée à l'envers, une photographie de visage n'est jamais reconnue.
Récemment, le même Adrian Dyer, avec Quoc Vuong (université de Newcastle, Royaume-Uni), a poussé l'expérience plus loin en étudiant la reconnaissance de visages humains présentés sous différents angles... L'idée était de comprendre comment les insectes visualisent les objets tridimensionnels. La difficulté est grande car des angles de vue différents modifient profondément l'aspect d'un objet. Comme le soulignent les chercheurs dans leur article paru dans la revue PlosOne, on sait que ce travail exige un apprentissage chez le jeune primateprimate. Qu'en est-il chez des animaux au cerveau minuscule ?
L'expérience de 2005. Les abeilles apprennent à reconnaître parmi plusieurs photographies de visages (A) celui qu'elles ont appris à reconnaître (B) et qu'elles parviennent donc à distinguer d'autres visages (C). © Adrian Dyer et al. / PlosOne
Une abeille peut créer mentalement une reconstitution en 3D
Pour les insectes butineurs, cette performance est pourtant très utile car ils doivent reconnaître une certaine fleur quelle que soit la position dans laquelle elle se présente. Comme dans la première expérience ce 2005, les biologistes ont entraîné les abeilles à reconnaître des visages humains (en fait un parmi deux). Mais cette fois, les photographies apparaissaient sur un écran permettant de montrer trois angles de vue différents (0°, 30° et 60°), pour l'apprentissage ou pour la phase de test.
Quatre groupes d'insectes ont été constitués, qui ont permis de comprendre un des secrets de la vision en relief des abeilles. Entraînés à reconnaître un visage présenté sous un seul angle, les insectes échouent à le reconnaître lorsqu'il est présenté sous un autre angle. Par exemple, ceux qui le connaissent de face (à 0° donc) ne le reconnaîtront ni à 30° ni à 60°. En revanche, les abeilles qui ont appris à reconnaître un visage montré sous un angle de 0° et sous un angle de 60° ne se tromperont pas devant le même visage à 30° !
Conclusion des chercheurs : le très modeste cerveau des abeilles est capable d'interpolation. Ayant vu un objet de face et sous un angle de 60°, elles sauront identifier une vue intermédiaire comme si elles avaient construit mentalement une représentation en trois dimensions.
Les biologistes sont encore loin de comprendre les mécanismes en jeu mais ils s'intéressent déjà aux neurones activés dans ce genre d'exercice. Si l'on parvenait à comprendre comment s'organisent les réseaux de neurones pour résoudre ce genre de problème, la technique pourrait inspirer la programmation de logiciels de reconnaissance de formes ou de traitement d'image. C'est pourquoi l'armée de l'airair des Etats-Unis (plus précisément le US Air Force Office of Scientific Research) soutient ce projet depuis deux ans...