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Cette première opération, la décomposition d'un nombre en facteurs premiers, est essentielle en cryptanalyse, une discipline qui consiste à découvrir les clefs de chiffrement des messages codés.
Ces clefs sont en effet souvent composées à partir de la multiplication entre eux de nombres premiersnombres premiers, divisibles uniquement par 1 et par eux-mêmes, comme 3 et 5.
Car, s'il est facile de créer des clefs de cette manière, la décomposition du nombre ainsi obtenu en ses facteurs premiers est si ardue qu'elle peut demander plusieurs centaines d'années aux ordinateurs actuels. Le temps de calcul croît en effet de façon exponentielle avec la taille des clefs.
Mais les ordinateurs quantiques - où les 0 et les 1 (bits) figurés par les portesportes logiques des transistors sont remplacés par l'information portée par l'orientation du champ magnétiquechamp magnétique de simples atomesatomes (q-bits, pour bits quantiques) - offrent, en théorie, une puissance de calcul en parallèle incommensurable.
En 1994, Peter Shor, des laboratoires AT & TT, avait imaginé un algorithme mettant à profit cette propriété pour factoriser de très grands nombres dans un temps "polynomial", ce qui signifie, en langage mathématique, que l'accroissement de la taille des clefs de cryptage ne serait plus un obstacle insurmontable.
Une soupe d'atomes
L'article des chercheurs du centre Almaden d'IBMIBM et de l'université Stanford, en Californie, que vient de publier Nature, décrit le premier "craquage" d'une clef de cryptage par cet algorithme utilisable seulement sur un ordinateur quantique. Certes, l'opération peut paraître modeste puisqu'elle ne concernait que la factorisation en nombres premiers du chiffre 15 : soit 3 x 5. La performance est ailleurs, dans la conception même de l'embryonembryon d'ordinateur qui a permis de la réaliser.
Isaac Chuang, qui a dirigé ces travaux, avait déjà été à l'origine de plusieurs "premières": un prototype à deux q-bits en 1996, une machine à trois q-bits en 1999, à cinq en 2000. Cette fois, une formule à sept q-bits a été nécessaire pour réaliser la factorisation.
Leur support : des atomes de carbonecarbone et de fluorfluor inclus dans une solution dopée avec des composés ferreux. Cette soupe, placée au cœur d'une machine à résonancerésonance magnétique, a subi toute une série d'impulsions électromagnétiques afin de réaliser pas à pas les étapes de l'algorithme de Shor. Tout en évitant les effets indésirables, comme la décohérence du système, qui fait perdre aux atomes leurs propriétés quantiques. Et en disposant d'un dispositif de mesure suffisamment subtil pour tirer profit d'une des propriétés des q-bits, qui est précisément de changer d'état lorsqu'on veut le mesurer.
"En dépit de ses propriétés exceptionnelles, notre moléculemolécule est clairement poussée dans ses derniers retranchements par l'algorithme de Shor", reconnaissent les signataires de l'article. De la même façon, ils admettent que si leur méthode de stockage de l'information quantique dans des noyaux atomiques est en principe extensible à des systèmes comportant de nombreux q-bits, leur expérience ne prouve pas que ce changement d'échelle soit possible.
Nul doute cependant que leurs résultats raviveront la compétition avec les autres équipes en lice qui, elles, tablent sur des q-bits fixés sur des substratssubstrats solidessolides ou sur des photonsphotons prisonniers dans des cavités optiques.
La cryptographie quantiquecryptographie quantique se trouve à son tour être le théâtre de l'éternel conflit entre l'épée et la cuirasse : si les communications cryptées par des grains de lumièrelumière, les photons, ne peuvent en théorie être cassées par des ordinateurs classiques, le calculateur quantiquecalculateur quantique pourrait un jour être en mesure de le faire.