Voulez-vous vendre des maisons sur l’eau ? Former des ouvriers à manœuvrer des machines dangereuses ? Montrer des têtes embaumées de guerriers Mahori ? Il y a une solution : la réalité virtuelle. Née dans les labos mais désormais émancipée, elle trouve des applications très pragmatiques, même si cette discipline inspire toujours des travaux étonnants. Faites avec nous une petite visite en image…


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    La réalité virtuelle au service de la toupie, ou comment expliquer les lois de la physique à des enfants tout en créant un bel objet. © Futura-Sciences

    La réalité virtuelle au service de la toupie, ou comment expliquer les lois de la physique à des enfants tout en créant un bel objet. © Futura-Sciences

    Tous les ans à la même date, les hôtels de Laval (Mayenne) affichent complet et des touristes pas comme les autres débarquent, venus de France et de bien d'autres pays. C'est l'heure de Laval Virtual, qui réunit des spécialistes de la réalité virtuelle pour montrer des savoir-faire dans l'exposition (ouverte au public ce weekend) ou discuter interfaces haptiques dans de savantes conférences.

    Pour ceux qui doutent de l'utilité pratique de la réalité virtuelle, un petit tour à Laval peut remettre les idées en place. « Prenez plutôt en photo la poterie, les têtes de guerriers Mahori, c'est un sujet sensible » nous prévient Jean-Marc Minière, président de Virtua Sense. Au fil des expéditions aux XIXe et XXe siècles, des têtes embaumées de guerriers du peuple Mahori ont été disséminées dans de nombreux musées occidentaux. Aujourd'hui, elles repartent vers leurs terres originelles pour y être inhumées selon la coutume. Alors certaines ont été photographiées sous tous les angles et c'est leur image que l'on observe désormais.

    La pseudo-raquette est une loupe. Le dodécaèdre une sorte de souris. C'est cela, la réalité virtuelle. © Futura-Sciences
    La pseudo-raquette est une loupe. Le dodécaèdre une sorte de souris. C'est cela, la réalité virtuelle. © Futura-Sciences

    Mais pour l'exemple, nous prendrons donc une - magnifique - poterie. Jean-François Minière présente un dodécaèdre en boisbois dont chaque face (pentagonale) porteporte trois points réfléchissants : c'est la souris. En manipulant cet objet dans le champ des systèmes à infrarougeinfrarouge (un émetteur et une caméra, conçus par Personal Space technologies), on fait tourner l'image de la poterie sur l'écran. Pour regarder de plus près un détail, il suffit de prendre une sorte de raquette de tennis sans cordage, portant elle aussi des points réfléchissants : c'est la loupe. En approchant cet instrument du dodécaèdre, on obtient un grossissement de l'objet à l'écran. Utilisation simplissime, plus longue à expliquer qu'à montrer.

    Ce principe du positionnement d'un objet qui devient une interface est aujourd'hui largement utilisé, même avec le corps humain comme dans Sixth Sense. C'est un exemple très concret d'une réalité pas si virtuelle que ça. « Il y a plusieurs définitions de la réalité virtuelle, explique Simon Richir, directeur du laboratoire Conception de produits nouveaux et innovants de l'Istia, co-organisateur et cofondateur de Laval Virtual. La plus simple est celle-ci : interaction en temps réel avec des objets virtuels. » Avec cette définition, poursuit-il, utiliser un smartphone entre déjà dans ce cadre. Selon lui, ces petits appareils n'ont pas fini d'aller plus loin dans le virtuel, comme avec les claviers tactiles à effet 3D, qui pourraient faire ressentir des boutons.

    Cherchez le téléphone. © Futura-Sciences
    Cherchez le téléphone. © Futura-Sciences

    « Le téléphone sonne, décroche la banane »

    On a du mal à y croire : dans un panier à fruits (en plastiqueplastique), une bananebanane sonne. On la prend. Elle est aussi légère peut l'être un objet en plastique creux. Vraiment, il n'y a rien à l'intérieur. Avec l'hésitation d'une personne ayant le sentiment d'être le dindon de la farce, on la porte à son oreille et on entend « Allô ? Bonjour ! ». Mais il y a mieux : l'expérimentateur du stand du laboratoire Ishikawa Komuro (connu également pour ses robots basketteurs) s'empare... d'une boîte à pizza (vide). « Maintenant, regardons la télévision ».

    À peine s'est-il saisi de la boîte qu'une image animée apparaît sur le carton blanc et que le son semble sortir de la boîte, même quand la boîte bouge. Explication : une caméra a reconnu ici la banane (grâce à sa forme), là la boîte à pizza (grâce à ses marqueurs noirs et blancs). Un projecteurprojecteur envoie l'image sur la boîte mais aussi le son ! Le « projecteur sonore » est un petit circuit capable de produire un faisceau directif d'ultrasonsultrasons, lesquels verront leurs fréquences diminuer lorsqu'ils seront réfléchis par un objet, devenant ainsi audibles.

    Le terminal le moins cher du marché... © Futura-Sciences
    Le terminal le moins cher du marché... © Futura-Sciences

    C'est cela aussi la réalité virtuelle. « Nous, nous faisons le contraire. Nous avons les objets réels mais nous voulons maintenant les créer en virtuel ! » plaisante Jean-François Venier, directeur technique de TWHB. Son métier à lui consiste à construire des maisons qui flottent, sur des étangs, sur une rivière, sur la mer... Comme l'explique son responsable commercial, Nicolas Le Guen, les clients potentiels ont parfois du mal à se représenter ce que cela pourrait donner.

    Alors l'entreprise s'est adressée à l'ESCIN (École supérieure de création interactive numérique, Laval) pour la création d'une représentation virtuelle d'un village flottant, comme il en existe déjà dans plusieurs pays. Depuis, tout change pour cette PME qui vient de recevoir un trophée Design et développement durabledéveloppement durable pour ses maisons-bateaux en bois.

    Une belle image de synthèse de maison sur l'eau, telle qu'elle existe peut-être. © TWHB
    Une belle image de synthèse de maison sur l'eau, telle qu'elle existe peut-être. © TWHB

    Montrer une voiture qui n’existe pas

    « L'avenir de la réalité virtuelle ? C'est la 3D partout dans l'entreprise, à la conception mais aussi à la direction, au marketing ou au service commercial ». L'homme qui parle ainsi s'appelle Christophe Chartier. Il a fondé Immersion, une société spécialisée dans la réalité virtuelle depuis ses débuts... en 1994. Sa démarche n'est pas sans rappeler celle de Bruno Bonnell et de Robopolis dans le domaine de la robotique : d'abord distributeur de produits, Immersion a commencé à concevoir des interfaces, comme le CubTile, ce cube à cinq surfaces tactilessurfaces tactiles. La société fournit aujourd'hui, par exemple, des salles de visualisations, où une équipe entière travaille autour d'un prototype virtuel. Renault veut maintenant utiliser ce principe chez les concessionnaires pour montrer leur future voiturevoiture aux clients.

    Comment s'entraîner à poser de l'enduit sans consommer aucune matière première ? Le centre de recherche Clarté (Laval) sait le faire. © Futura-Sciences
    Comment s'entraîner à poser de l'enduit sans consommer aucune matière première ? Le centre de recherche Clarté (Laval) sait le faire. © Futura-Sciences

    On peut aussi s'entraîner sans risque à des travaux dangereux grâce à la réalité virtuelle comme le montre la jeune société Emissive avec le logiciel V3S, pour Virtual reality Safe Seveso Subcontractors, coordonné par l'UTCUTC (Université de technologie de Compiègne) et réalisé par un vaste partenariat. Comme son nom l'indique, l'outil est destiné aux entreprises travaillant sur des sites classés « Seveso ». Avec un grand écran, la 3D et un logiciel de simulation, les ouvriers peuvent s'entraîner à loisir et commettre toutes les erreurs possibles.

    Une autre réalisation, faite avec Dassault Systems, a eu les faveurs du grand public - et des lecteurs de Futura-Sciences : la reconstitution de la construction de la pyramide de Kheops selon l'hypothèse développée par l'architectearchitecte Jean-Pierre Houdin. Des outils semblables ont permis de réaliser une simulation 3D de la conduite du bateau du Défi de Michel Desjoyaux et du pilotage du Blériot XI...

    Oui, on peut simuler un Blériot XI (celui de la traversée de la Manche, le 25 juillet 1909). Dassault Systems l'a fait, avec la jeune entreprise Emissive. © Dassault Systems
    Oui, on peut simuler un Blériot XI (celui de la traversée de la Manche, le 25 juillet 1909). Dassault Systems l'a fait, avec la jeune entreprise Emissive. © Dassault Systems

    Comme beaucoup, Emissive utilise Virtools, un logiciel très utilisé en réalité virtuelle. « C'est comme de la poterie, explique un ingénieur. On crée l'objet, puis on le peint avec une texturetexture. On le pose ensuite dans une vitrine - la scène - et on le met en mouvementmouvement ou on place d'autres objets. » Simple, non ?

    Non loin de là, des chercheurs japonais montrent un étrange blouson gonflable. Il faut l'enfiler puis étreindre amoureusement un mannequin. On sent alors sur son corps des pressionspressions là où on sert le mannequin. Une expérience pas plus étrange que celle de ce couple qui, en dansant et en se touchant, produit des sons et fait vibrer une courbe sur un écran voisin, grâce à de mystérieux capteurscapteurs portés à la ceinture et qui détectent la proximité de l'autre. Il faut rêver un peu pour explorer les possibilités ouvertes par la réalité virtuelle...