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Image d’un nanopoint obtenue par microscopie à force atomique. © C. Moutafis
« Les états magnétiques à symétrie radiale que nous avons identifiés sont une manifestation d'objets mathématiques non triviaux ». Bien sûr, les explications de Christoforos G. Moutafis, de l'université de Cambridge (Grande-Bretagne), manquent de clarté mais la découverte de son équipe (qui collabore avec des chercheurs allemands et japonais) pourrait faire date. Elle vient d'être publiée dans la revue Physical Review B.
Ces objets mystérieux sont des agencements particuliers d'atomesatomes décelés au centre de galettes circulaires de 100 nanomètresnanomètres à 2 micromètresmicromètres de diamètre, appelées « nanopoints » (nanodots en anglais) et formées de ferfer et de platineplatine. Les particules métalliques forment des dipôles magnétiques, comme des aiguilles de boussoles. Les chercheurs ont observé, au cœur de ces nanopoints, qu'elles figent leur axe magnétique selon deux ou trois directions privilégiées, selon les cas, formant des cylindres concentriques. Près et loin du centre, les aiguilles de ces boussoles sont dirigées selon deux directions perpendiculaires opposées, vers le haut et vers le bas si l'on imagine le cercle horizontal. Entre les deux, il arrive qu'elles pointent le centre du cercle.
Christoforos Moutafis a appelé ces structures magnétiquement organisées des monobulles magnétiques. Cet arrangement symétrique des dipôles n'apparaît que pour certaines tailles et certaines épaisseurs des nanopoints. Dans tous les autres cas, les aiguilles pointent dans toutes les directions.
Schéma du sommet de la monobulle. Il faut imaginer des couches successives de ces mêmes structures concentriques, dont l’ensemble forme un cylindre. Les petits traits et les couleurs indiquent les orientations prises par les dipôles magnétiques. On en voit trois. Une telle structure pourrait mémoriser de l’information, comme les zones magnétisées d’un disque dur enregistrent des 0 et des 1. © C. Moutafis
Voilà donc ces « monobulles magnétiques dans des nanopoints » selon l'expression des scientifiques débarquant dans l'arsenal déjà fourni d'objets microscopiques susceptibles d'enregistrer de l'information. Les termes employés peuvent d'ailleurs prêter à confusion. On appelle aussi nanopoints toutes sortes de structures ponctuelles de petite taille. Quant aux mémoires à bulles, elles existent depuis longtemps mais n'ont rien à voir avec les monobulles, ces objets mathématiques non triviaux, décrits par Moutafis et ses collègues.
Un pétaoctet dans mon sac à main
Leur travail relève de la découverte scientifique plutôt que de la mise au point d'une technologie. On comprend bien le parti que l'on pourrait tirer de ces structures si on pouvait les contrôler. Il serait possible d'orienter les différents axes des dipôles enfermés dans une monobulle de plusieurs manières. Sur un disque dur, une zone magnétisée comporte des particules orientées dans un sens ou dans un autre, mémorisant un 0 ou un 1, soit un bit. Une monobulle, elle, peut prendre plusieurs configurations et donc enregistrer plusieurs bits.
A partir de la taille des nanopoints, Christoforos Moutafis estime la densité d'informations et n'hésite pas à annoncer des capacités mille fois supérieures à celles des disques durs actuels. On peut se laisser aller à rêver à des supports enregistrant 1.000 To (téraoctets), soit 1 Po (pétaoctet) de la taille d'une boîte de biscuits. On peut même diviser ce nombre par l'encombrement en octets d'un film enregistré en MPeg-4 (disons 700 Mo pour deux heures) pour imaginer que la collection complète d'une boutique de DVD bien achalandée tiendrait dans un sac à main.
Ce n'est pas pour tout de suite bien sûr. Mais il a suffi de quelques années pour que l'innovation de la GMR (le phénomène quantique de la magnétorésistance géante, qui a valu le prix Nobel de physiquephysique 2007 à Albert Fert et Peter GrünbergPeter Grünberg) multiplie la capacité de nos disques durs...