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Le supercalculateur Deep Blue d'IBM était capable de calculer 200 millions de positions de jeu en une seconde. Toutefois contrairement à ce que supposait Kasparov, il n'appliquait aucune stratégie de jeu, mais jouait seulement au coup par coup. Pourtant, depuis cet événement, plus aucun champion n’est parvenu à battre un supercalculateur, concluant en général la rencontre par un match nul. © IBM Research/Flickr
Il y a plus de 15 ans, le 11 mai 1997, le grand champion d'échec Garry Kasparov s'était incliné face à Deep Blue, un superordinateur conçu par IBMIBM. Une situation déroutante pour le Russe qui prétendait ne jamais pouvoir perdre face à une machine.
Lors de la rencontre, c'est vers la fin de la première partie, au 44e déplacement, que le supercalculateur avait réalisé un coup osé et surprenant en sacrifiant un de ses pions. Alors qu'auparavant, il se limitait à répondre au coup par coup, il a donné au champion, avec cette manœuvre imprévisible, l'impression qu'il mettait en place un jeu stratégique de longue haleine. Face à ce jeu contrintuitif, cherchant le piège, le champion a pensé que Deep Blue possédait une intelligence supérieure, ce qui a eu pour effet de le déstabiliser jusqu'au bout de la rencontre, qu'il a perdue (1 victoire, 3 nulles, 2 défaites).
Ainsi, il y a 15 ans, la machine était devenue plus intelligente que l'Homme. Mais la commémoration de cet événement est troublée par la sortie d'un ouvrage intitulé The Signal and the Noise (Le signal et le bruit)) rédigé par Nate Silver un statisticien américain influant. En partant de l'exemple des prévisions météorologiquesprévisions météorologiques, l'auteur explique que les supercalculateurs sont incapables d'assurer tout seuls les prédictions, car leurs capacités d'interprétation sont limitées. Parmi les exemples qu'il égrène au fil des pages, il parle de la victoire de Deep Blue en 1997. Ce qu'il révèle remet fortement en question la supposée supériorité de « l'intelligenceintelligence » de Deep Blue.
L'échiquier virtuel de Deep Blue. À l’issue de sa défaite contre Deep Blue, Kasparov suspectait une intervention humaine pour réaliser un coup aussi sophistiqué. Il s'agissait en réalité d'un bug qui a suffi à perturber le grand champion jusqu'à la fin de la rencontre. © IBM Research/Flickr
Deep Blue : un bug pour un joli coup de bluff
L'auteur a en effet interrogé Murray Campbell, l'un des trois principaux concepteurs de Deep Blue. Selon lui, ce fameux coup proviendrait en réalité d'un bugbug... Alors qu'elle était programmée pour résoudre jusqu'à 200 millions de positions par seconde, la machine s'est avérée incapable d'en choisir une. C'est donc de façon totalement aléatoire qu'elle a déplacé un pion, engendrant son sacrifice. Ayant alors une toute autre perception de Deep Blue, Kasparov a totalement changé de stratégie.
Au final, le supercalculateur n'avait pas imaginé un coup de maître, mais a simplement eu de la chance face à un adversaire déstabilisé.
C'est à partir de ce succès bien involontaire que le supercalculateur d'IBM a ouvert la voie de l'informatique cognitive. Ainsi, son descendant aux États-Unis, également conçu par IBM, a remporté début 2011 le jeu télévisé Jeopardy face à deux champions. IBM souhaite aller encore plus loin en cherchant maintenant à simuler entièrement le cerveaucerveau humain avec son supercalculateur pour pouvoir détecter, apprendre et même prévoir. S'il y parvient, les coups de bluff ne seront plus les conséquences de bugs informatiques lors des parties d'échecs.
Certains seront donc rassurés, c'est une erreur de programmation bien humaine qui a permis de faire gagner la machine et non son intelligence.