Des bactéries du sol ont trouvé comment joindre l’utile à l’agréable. Plutôt que de dégrader simplement des antibiotiques pouvant leur causer du tort, elles les mangent ! La sulfaméthazine et la tylosine seraient particulièrement appréciées. 

Les animaux de production sont souvent élevés en groupe de nos jours, ce qui favorise la transmission d'infections bactériennes dommageables pour l'exploitant. Afin de réduire ce risque, de nombreux éleveurs administrent préventivement des antibiotiques à leurs animaux, même s'ils sont sains. Or, ces substances sont en grande partie excrétées dans les fèces. Elles se retrouvent donc dans le fumier puis, à l'occasion, épandues sur de nombreux champs.

Edward Topp d'Agriculture and Agri-Food Canada cherche depuis quelques années à comprendre les conséquences à long terme que cette pratique peut avoir sur les bactéries du sol. En effet, face à une exposition prolongée à des antibiotiques, ces bactéries tendent à développer des résistances grâce, entre autres, à la mise en place de mécanismes permettant soit de dégrader les molécules toxiques, soit de les évacuer rapidement hors du corps.

Avec des confrères canadiens et français, Edward Topp vient de découvrir un nouveau mécanisme de résistance. Une bactérie du genre Microbacterium dégraderait des antibiotiques employés par de nombreux vétérinaires, la sulfaméthazine et la tylosine... pour se nourrir ! Ce fait vient d'être rapporté dans le Journal of Environmental Quality (JEQ).

Le fumier est un mélange d'excréments d'animaux et de litière (paille, fougère). Il s'agit d'un fertilisant apportant de la matière organique et de l'azote à la terre. © chasbayprogram, Flickr, cc by nc 2.0

Le fumier est un mélange d'excréments d'animaux et de litière (paille, fougère). Il s'agit d'un fertilisant apportant de la matière organique et de l'azote à la terre. © chasbayprogram, Flickr, cc by nc 2.0

Des antibiotiques qui favorisent la croissance de bactéries

Durant 14 ans, des parcelles expérimentales ont reçu chaque année entre 0 et 10 mg par kg de sol d'antibiotiques (un mélange de sulfaméthazine, de tylosine et de chlorotétracycline). Afin de comprendre l'impact que ces actions ont eu sur les communautés microbiennes, un champ vierge de toute expérience a dernièrement été traité en même temps que les autres. 

Les chercheurs ont alors suivi l'évolution des concentrations de chaque médicament dans le sol. Étonnamment, la sulfaméthazine et la tylosine ont disparu 5 fois plus vite dans la parcelle qui a reçu 10 mg d'antibiotiques par kg de sol annuellement depuis 2005 que dans le champ témoin. À la longue, l'épandage annuel de ces médicaments a donc favorisé la croissance de bactéries pouvant les dégrader.

Une biodégradation bénéfique des antibiotiques ?

Des échantillons de sol ont été prélevés puis placés au sein de microcosmes en laboratoire. Ils ont alors reçu de la sulfaméthazine composée d'isotopes radioactifs du carbone (14C). De la radioactivité a rapidement été détectée dans le CO2 émis par les organismes, ce qui prouve qu'ils métabolisent bien le médicament. Ils l'utiliseraient pour se fournir en carbone et en azote. Les chercheurs ont en réalité trouvé une nouvelle souche de Microbacterium, qui a reçu le nom de C448. Elle appartiendrait au groupe des actinomycètes.

L'accélération de la biodégradation des antibiotiques n'aurait pas que des implications négatives. En effet, plus les médicaments disparaissent rapidement de l'environnement et moins ils peuvent agir contre lui ou sur d'autres organismes !