Un petit message pour un grand boum. Hier après-midi, au Liban, les petits bipeurs qu’utilisent les membres du Hezbollah ont explosé simultanément. Des milliers de leurs porteurs ont été blessés, certains tués. S’agit-il d’un hack engendrant l’explosion de la batterie ? D’une cyberattaque ? Futura fait le point et livre son hypothèse la plus probable.


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    Au Liban, ce mardi 17 septembre, en début d'après-midi, un peu partout dans le pays, des bipeurs se mettent à sonner, quelques secondes après, ils se mettent à exploser. Certaines personnes les tenaient en main, ce qui a engendré, de surcroît, de nombreux cas de cécités. Le bilan est lourd : en tout, cette explosion simultanée et individuelle de bipeurs a tué neuf personnes et blessé 2 800 autres, selon les derniers bilans. Les porteurs du bipeur sont des membres de l'organisation Hezbollah. Quatorze de ces membres ont été également impactés en Syrie.

    Si l'organisation dote son personnel de bipeurs chiffrés, c'est pour une raison de sécurité. Ils sont considérés comme plus sûrs que des téléphones puisqu'il ne s'agit que de récepteurs. Ils n'envoient aucun signal et ne sont pas géolocalisables. Le réseau ne sait donc pas où se trouve l'appareil, ni si le message a été délivré. C'est pour cette raison que si l'appareil n'est pas en mesure de recevoir le message lorsqu'il est transmis, celui-ci n'arrivera jamais. 

    Israël à la manœuvre ?

    À l'issue de cet événement très impressionnant, très rapidement, le Hezbollah et le Liban ont accusé Israël. S'agit-il d'une cyberattaque, d'un hack ? Comment ces bipeurs ont-ils pu exploser simultanément en causant autant de dégâts ? Les hypothèses ont fusé hier après-midi. Le fait que tous les bipeurs aient détonné en même temps suggère l'envoi d'un message spécifique qui a déclenché la commande.

    Voici ce qu'il reste d'un bipeur après explosion. La détonation de la seule batterie ne peut pas produire ce genre de résultat. © DR
    Voici ce qu'il reste d'un bipeur après explosion. La détonation de la seule batterie ne peut pas produire ce genre de résultat. © DR

    Pour le reste, il apparait impossible que ce soit un piratage entraînant une surchauffe de la batterie qui ait pu faire exploser le bipeur. Une batterie qui explose va d'abord générer de la fumée et prendre feu. De même, l'explosion a peu de chance de se produire au même instant sur tous les appareils. Cela signifie donc que ces bipeurs ont été modifiés physiquement et qu'un explosif a été ajouté. Et justement, 3 000 téléavertisseurs, essentiellement des AR924 de Gold ApolloApollo auraient tous été importés, il y a cinq mois. Reuters, de son côté affirme, qu'en tout, ce sont probablement 5 000 appareils qui auraient été modifiés.

    Un message explosif

    La marque taïwanaise Gold Apollo s'est dédouanée ce matin en précisant que c'est l'un de ses partenaires, le Hongrois BAS -- produisant sous licence les appareils -- qui a fabriqué ces bipeurs. Reste à savoir si c'est directement dans l'usine ou plutôt sur la chaîne logistique que des agents infiltrés ont pu modifier les bipeurs. Dans tous les cas, il est peu probable que des « clonesclones » de ces appareils, préparés à l'avance, aient remplacé ces bipeurs. Leur production aurait été onéreuse, demandé beaucoup de temps et certainement engendré des retards de livraison que l'organisation aurait remarqués.

     Le bilan est lourd : l'explosion simultanée et individuelle de bipeurs a tué neuf personnes et en a blessé 2 800 autres selon les derniers bilans. © Capture d'écran sur X
     Le bilan est lourd : l'explosion simultanée et individuelle de bipeurs a tué neuf personnes et en a blessé 2 800 autres selon les derniers bilans. © Capture d'écran sur X

    Il est donc très probable que les composants permettant l'explosion aient été directement ajoutés sur la chaîne de production. Il s'agit d'ailleurs sans doute d'une modification du circuit électrique de l'appareil. Selon Reuters, une petite carte intégrant une vingtaine de grammes d'explosif aurait été ajoutée. Un simple code, sous la forme d'un message, aurait alors permis de le déclencher. L'explosif serait, selon Sky News Arabia, un composé de tétranitrate de pentaérythritol (PETN).

    L’explosif employé pourrait être du PETN. Il ne faut que quelques dizaines de grammes de ce produit pour générer une forte détonation. © DR
    L’explosif employé pourrait être du PETN. Il ne faut que quelques dizaines de grammes de ce produit pour générer une forte détonation. © DR

    Pour vérifier si c'est bien la réceptionréception d'un message qui a engendré l'explosion, il faudrait savoir si tous les récepteurs ont bien été impactés. S'il s'agit effectivement de recevoir un message pour déclencher l'explosif, à partir du moment où le bipeur est éteint, ou hors de portée du signal, il ne le recevra jamais.

    Les membres du Hezbollah marqués à vie

    Dans tous les cas, la manœuvre est spectaculaire et impressionnante. En attendant de savoir si c'est effectivement Israël qui était à la manœuvre, toucher autant de personnes simultanément grâce à leur bipeur est un coup de maître. Désormais, les communications seront forcément très limitées, et le Hezbollah va devoir utiliser d'anciennes méthodes, comme des boîtes aux lettres mortes, ou d'autres astuces de communication secrète, avec la lenteur que cela suppose. De même, l'auteur de la manœuvre a aussi marqué physiquement à vie les porteurs des bipeurs. À l'avenir, ils pourront être identifiés rapidement en raison de la localisation de leurs anciennes blessures en cas de capture.