La France, comme plusieurs autres pays européens, subissent depuis plus d’un an une campagne sournoise et sophistiquée de désinformation russe. Des clones de médias officiels français ont notamment été mis en place pour légitimer de fausses informations. Cette campagne censée faire douter l’opinion publique pour la rendre plus favorable à la Russie fait partie des armes que le Kremlin utilise pour mener sa guerre hybride contre l'Europe.
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Si, sur les champs de bataille d'Ukraine, l'armée russe montre qu'elle est loin d'être à la hauteur de ce que l'on imaginait, le pays excelle dans des manœuvres plus silencieuses. Ce sont celles de la guerre hybride que le Kremlin mène depuis des années pour influencer les pays de l'Union européenne et notamment la France.
Le dernier exemple date de ce 13 juin. Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a dénoncé ce qu'elle nomme des « ingérences numériques étrangères » affiliées à l'État russe. Des entités qui sont liées au Kremlin ont mené une campagne sophistiquée de manipulation de l'opinion publique en France pour atténuer le soutien populaire à l'Ukraine contre son agresseur russe. Dans le cas précis de la France, l'affaire a été révélée hier par un rapport émis par Viginum l'organisme gouvernemental chargé de la lutte contre les opérations d'influence.
Baptisée « Doppelgänger » dès septembre 2022, notamment par l'ONG EU Disinfo Lab, elle porteporte un nom allemand qui fait référence au sosie, plein de malices, d'une personne dans le folklore allemand et nordique. Car il s'agit bien de doubles maléfiques que cette campagne a mis en place depuis un an et elle ne touche pas uniquement la France. Les opérateurs de ces manipulations ont cloné des pages de sites officiels, comme celui des Affaires étrangères français, celui du quotidien Le Monde, de 20 minutes, des journaux Le Figaro, ou encore Le Parisien pour pousser des contenus allant dans le sens du narratif russe.
En tout, 355 noms de domaine usurpant l'identité de médias, pas uniquement en France, mais aussi dans neuf États d'Europe, en Amérique et au Moyen-Orient ont été identifiés. Les contenus sont conçus pour saper l'autorité de l'État, montrer que les sanctions contre la Russie sont inefficaces, que les États occidentaux sont russophobes. Ils veulent démontrer la barbarie prétendue des forces armées ukrainiennes et l'idéologie néonazie qu'auraient les dirigeants du pays. Ils pointent également les effets négatifs de l'accueil des réfugiés ukrainiens en Europe... Bref ! tout ce qui peut discréditer le soutien occidental à l'Ukraine, en véhiculant l'idée qu'en réalité, les populations occidentales soutiendraient la Russie.
Des clones maléfiques de sites de grands médias
Selon le rapport de Viginum, la source principale de ces narratifs provient du média Reliable Recent News (RNN). Créé le 10 mars 2022, quelques jours après l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe, ce « média » s'est accompagné depuis de nombreux autres sites européens qui reprennent ses contenus déclinés dans plusieurs langues.
En France, on en comptait notamment cinq avec des noms bien français, comme : La Virgule, Allons-y ou encore Notre Pays. On n'y parle pas de foot, ni de culture, mais bien de sujets tournant autour de la vie politique française et européenne. Avec la désinformation assumée en plus dans le cas de ces sites, c'est à peu près ce que faisait le média russe RT-France avant d'être banni. L'idée restait toujours d'apporter des informations permettant de dénigrer l'action du pouvoir en se focalisant sur certains sujets polémiques. Pour pousser ces contenus malicieux auprès du public, la campagne a généré de nombreux comptes sur les réseaux sociauxréseaux sociaux.
Des armées de bots pour pousser les contenus
Pour passer outre la modération de Meta, et afin de diffuser leurs informations, les acteurs de ces manipulations ont opté pour les contenus sponsorisés sur FacebookFacebook. Plus de 600 d'entre eux ont été identifiés par Viginum. Le tout a été accompagné de réseaux de bots sur TwitterTwitter pour repartager les contenus, notamment en guise de réponses aux tweets des médias et de personnalités politiques.
De son côté, dès fin décembre dernier, Meta a pu bloquer cette campagne et l'a attribuée à deux sociétés russes : Structura National Technologies et Social Design Agency. Elles sont toutes deux liées au Kremlin et dirigées par une personnalité politique proche du pouvoir. Les comptes des réseaux sociaux de la diplomatie russe locale et les organisations œuvrant pour le soft power russe ont eux aussi contribué à la diffusiondiffusion de ces contenus. Mais attention ! Ce n'est pas parce qu'elle a été démasquée que cette campagne est neutralisée. Elle se poursuit actuellement et fait évoluer constamment son mode opératoire pour passer au travers des mesures prises pour la contraindre.