Issue du CNRS et dirigée par Timothée Laurent, la start-up parisienne Greenerwave a mis au point une technologie révolutionnaire pour interagir avec les ondes électromagnétiques. Geoffroy Lerosey, son cofondateur, nous révèle les avantages de sa solution et son expérience d’entrepreneur.
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Créée en 2016 par Geoffroy Lerosey et Mathias Fink, deux chercheurs de l'Institut Langevin (filiale du CNRS et de l'ESPCI Paris), Greenerwave est une pépite de la Deep tech française. La start-up, qui a déjà levé près d'un million d'euros, conçoit des métasurfaces reconfigurables qui, associées à des algorithmes, permettent de contrôler les ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques. Une véritable rupture technologique qui concerne aussi bien le secteur du commerce que la voiture autonome, la 5G ou la future ville intelligenteville intelligente.
En quoi consiste votre technologie ?
Geoffroy Lerosey : Greenerwave conçoit des métasurfaces qui « sculptent » les ondes électromagnétiques. Ces matériaux peuvent modifier leurs propriétés en temps réel et devenir ainsi « intelligents ». Prenez par exemple une table ou un murmur : nous sommes capables, en la recouvrant de nos métasurfaces, de bloquer les ondes qui s'y réfléchissent, de les concentrer ou de les orienter dans une direction précise pour adapter leur comportement à une situation donnée.
À quoi cela peut-il s’appliquer ?
G. L : Un des premiers domaines possibles est la distribution. Les boutiques de vêtements comme Décathlon ou Zara équipent leurs articles de puces RFIDpuces RFID pour faciliter la gestion des stocks. Mais si vous voulez effectuer l'inventaire précis, et en temps réel, d'un linéaire, par exemple, il faut déployer des centaines d'antennes et des câbles partout ; c'est très cher et pas du tout opérationnel. Notre technologie rend le rayon « intelligent » : il suffit d'intégrer notre métasurface au meuble et une seule antenne suffit. De la même manière, elle s'applique aux radars des voitures autonomes et des robots. Nous couvrons ainsi n'importe quelle fréquence de 100 MHz à 100 GHz.
L’arrivée de la 5G fait beaucoup parler d'elle. Là encore, vous avez des solutions ?
G. L : La 5G va en effet faciliter l'émergenceémergence de toute une série d'applicationsapplications, mais elle nécessite davantage de bande passante. Pour obtenir un tel débitdébit (de l'ordre du Gigabit/s), il faudrait déployer des milliers d'antennes contiguës et des amplificateurs très coûteux. Avec notre technologie, nous développons des antennes capables d'orienter les ondes vers un dispositif précis, comme un téléphone particulier, et qui s'adaptent en temps réel à sa position, le tout avec une électronique relativement simple. Au total, les coûts d'infrastructure sont divisés par dix !
Votre rêve pour la suite, c’est la smart city ?
G. L : C'était effectivement notre idée de départ quand on a monté la startup avec mon associé Mathias Fink. Nous voulons rendre chaque habitat ou mobilier urbain intelligent de telle sorte qu'il sera possible d'interagir avec lui. L'information pourra être transmise de manière personnalisée avec un minimum d'infrastructures et d'énergieénergie. Songez qu'aujourd'hui les réseaux de téléphonie mobilemobile consomment environ 2 % de l'électricité totale en France avec toutes leurs stations de base... En récupérant l’énergie des ondes elles-mêmes ou de la lumièrelumière, nos métasurfaces consommeront zéro électricité, ce qui sera autant de pollution en moins !
Après avoir passé 10 ans dans la recherche fondamentale, est-il facile de passer au statut d’entrepreneur ?
G. L : Sur le plan administratif, c'est hyper simple. J'ai obtenu un détachement de 5 ans auprès du CNRS et je n'ai eu que quelques papiers à remplir. Sur le plan humain, par contre, c'est beaucoup plus difficile. Ce sont deux mondes totalement différents. Quand vous travaillez dans un laboratoire, vous n'avez pas vraiment de deadline pour vos travaux, vous côtoyez des chercheurs venus du monde entier tous les jours, vous bossez sur vos publications. Dans une start-up, vous courez en permanence après le temps, les échéances et l'argentargent. Il y a beaucoup plus de stressstress et de tension. Mais c'est une expérience tellement enrichissante !
Le CNRS vous a-t-il aidé pour démarrer ?
G. L : Effectivement, il a financé notre projet à hauteur de 350.000 euros. Nous sommes même un cas d'école. Le CNRS accompagne désormais de plus en plus les start-up issues de ses laboratoires de recherche. Le reste des fonds [600.000 euros] a été levé auprès de business angels et fonds de capital-risque.
La technologie du futur selon vous ?
G. L : Le stockage de l’énergie. Je ne sais pas encore quelle technologie émergera, mais c'est une question fondamentale pour l'avenir.
Portrait Greenerwave
Domaine : électronique
Création: 2016
Fondateurs: Geoffroy Lerosey et Mathias Fink
Montant des levées de fonds : 950.000 euros
Le saviez-vous ?
Le terme Deep tech désigne les start-up qui commercialisent des produits ou des services sur la base d’innovations dites de rupture. À la différence de leurs aînées qui innovent à partir de technologies existantes, ces start-up opèrent un transfert de connaissances et de découvertes résultant de la recherche universitaire ou privée vers une production industrielle commercialisée. Elles s'attaquent à la résolution des grands défis du XXIe siècle (réchauffement climatique, santé, intelligence artificielle, robotique etc.).