L'année 2022 devrait voir le lancement officiel du yuan numérique. Après avoir banni l’essentiel des activités privées en matière de cryptomonnaie, la Chine pourrait-elle envisager cette cryptomonnaie d’État comme un moyen de contrôle accru sur ses populations ?
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Lorsque Satoshi Nakamoto, adepte de forums de cryptographie volontiers utopistes, a lancé l'idée du Bitcoin et de la blockchain, il n'avait probablement jamais envisagé que sa création puisse un jour être détournée en vue d'un contrôle du peuple. C'est pourtant ce qui pourrait advenir en terre de Chine...
Les premières expériences sur le yuan numérique ont démarré en avril 2020. Il s'agit d'une monnaie officielle issue par la Banque centrale et donc ce que l'on appelle une MDBC - monnaie digitale de banque centrale. Et à en croire un rapport de Chainalysis, un lancement officiel est attendu pour la fin 2022, pour les Jeux olympiques d'hiverhiver à Pékin.
Comment le PCC a mis un frein aux activités privées liées à la cryptomonnaie
Le lancement de cette MDBC intervient dans un contexte très particulier. Au printemps dernier, le Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir a banni le minage de cryptomonnaies mais aussi mis un frein drastique sur le trading. La conséquence n'a pas tardé à se faire sentir : jadis 4e contrée mondiale en matièrematière de trading de cryptomonnaie, la Chine est tombée à la 13e place, toujours selon Chainalysis. Le deuxième pays asiatique du classement, Hong Kong, se situe à la 39e place, suivi par la Corée du Sud (40e) et le Japon (82e).
Ces mesures prises par le PCC ont impacté de nombreuses structures commerciales basées en Chine, qui n'ont pas pu garnir leurs réserves de BitcoinBitcoin comme elles le faisaient auparavant. Des exchanges (place de marché) tels que Binance, Huobi ou FTX ont été fortement impactés. Qui plus est, le gouvernement de Chine a lancé plusieurs campagnes visant à décourager la population d'utiliser des cryptomonnaies, notamment dans des médias nationaux.
Les premiers tests de la crypto d’État
Les premiers tests du yuan numérique ont démarré en avril 2021, en partenariat avec plusieurs banques étatiques, mais aussi sur des apps fort populaires telles que WeChatPay ou AliPay. En juillet 2021, plus de 20 millions de walletswallets (portefeuilles) de yuan numérique avaient déjà été créés, donnant lieu à des transactions sur l'équivalent de 5 millions d'euros.
Sans nul doute, le PCC voit dans ce yuan numérique un instrument à même d'accroître la rivalité avec le dollar. Qui plus est, la disponibilité de toutes les transactions sur une même blockchain est en mesure d'aider les banques à mieux tracer les flux monétaires. Mais les conséquences ne s'arrêtent pas là.
Une blockchain pour les gouverner tous ?
Depuis l'avènement des smart contractssmart contracts, l'argentargent est devenu programmable. Et certains analystes du marché interviewés par Chainalysis veulent voir là des conséquences pour le moins inattendues. « Si le gouvernement souhaite moduler le marché des actions à un moment donné, il suffit d'écrire quelques lignes de code à cet effet », fait remarquer Dovey Wan de Primitive Ventures.
Là n'est pas tout. Une MDBC pourrait se transformer en outil de surveillance financière des individus. « Il n'a jamais existé d'outil centralisé permettant à un gouvernement d'accéder aux transactions financières de tous les citoyens », fait remarquer Yaya Fanusie de New American Security.
Le PCC a déjà fait savoir que la blockchain du yuan numérique devrait aider à tracer la corruption au niveau du gouvernement. Mais comment ne pas entrevoir son usage au sein du système de notation des individus mis en place depuis plusieurs années. Une infraction pourrait-elle entraîner l'exclusion du système financier ? Si la blockchain devient ainsi un outil de surveillance des populations, une part du rêve libertaire des premiers supporters de la cryptomonnaie pourrait se retrouver bien malmené.