Une assertion vraie comme 2 + 2 = 4 ne peut impliquer qu’une autre assertion vraie mais les assertions fausses ont un privilège extraordinaire : elles peuvent impliquer n’importe quoi !
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Pourquoi les assertions fausses ont-elles un privilège extraordinaire ? Cela vient de la définition même de l'implication par sa table de vérité.
A | V | V | F | F |
B | V | F | V | F |
A Þ B | V | F | V | V |
Dans cette table, V signifie « vrai » et F, « faux ». Ainsi, la première colonne signifie que, si A et B sont vraies, A => B est vraie, la seconde que si A est vraie et B fausse, A => B est fausse, etc. La lecture de cette table montre que, si A est fausse, A => B est vraie quelle que soit la valeur de vérité de B. Cela ne suffit pas toujours pour convaincre !
Bertrand RussellBertrand Russell, le célèbre logicien du début du XXe siècle, en donna un exemple « plus concret » en prouvant que, si 2 + 2 = 5, il était le pape ; ce qui, pour un athée convaincu, était particulièrement piquant. Nous vous invitons à suivre son exemple en prouvant que vous êtes le pape ou la reine d'Angleterre si vous préférez.
Question :
En admettant que 2 + 2 = 5, prouvez que vous êtes le pape.
Réponse :
Si 2 + 2 = 5, en retranchant 2 à chaque membre de cette égalité 2 = 3 et en retranchant 1, 2 = 1. Vous, Russel et le pape font 2 et comme 2 = 1, vous et le pape sont la même personne.
La logique mathématique réserve parfois des surprises, voici un petit théorème qui pourrait vous en persuader davantage.
Théorème :
Il existe au moins un individu dont on peut affirmer : s'il boit, tout le monde boit.
Question :
Prouver ce théorème.
Réponse :
En voici la preuve. Il s'agit de trouver un individu, que nous appellerons le buveur universel, dont on peut affirmer : s'il boit alors tout le monde boit. Autrement dit, l'assertion « le buveur universel boit » implique l'assertion « tout le monde boit ». La table de vérité de A Þ B permet de déterminer le buveur universel. En effet, l'implication ne peut être fausse que si le buveur universel boit et tout le monde ne boit pas. Nous considérons donc les deux possibilités : tout le monde boit ou tout le monde ne boit pas.
Dans le premier cas, on choisit le buveur universel au hasard ; dans le second, on choisit le buveur universel parmi ceux qui ne boivent pas. Dans les deux cas, l'implication est juste. En remplaçant, « boire » par « mourir », nous obtenons l'existence d'un individu semant la mort et particulièrement inquiétant : s'il meurt dans la seconde, tout le monde meurt dans la même seconde.
Faut-il en conclure qu'on devrait inscrire sur tout livre de logique mathématique : attention, l'abus de logique mathématique peut nuire gravement à la santé mentale ?
Hervé Lehning
En savoir plus sur Hervé Lehning
Normalien et agrégé de mathématiques, Hervé Lehning a enseigné sa discipline une bonne quarantaine d'années. Fou de cryptographie, membre de l'Association des réservistes du chiffre et de la sécurité de l'information, il a en particulier percé les secrets de la boîte à chiffrer d'Henri II.
- Son blog MATH'MONDE sur Futura
- Le dernier livre d'Hervé Lehning :
À découvrir également : L'univers des codes secrets de l'Antiquité à Internet paru en 2012 chez Ixelles.