La marine royale est véritablement née de la volonté de Louis XIV et de son conseiller, Colbert. Elle accompagne la politique économique et coloniale du souverain : le contrôle de la mer, commercial et militaire, implique l’essor d’une flotte de guerre permanente, garante des intérêts maritimes français, telle que la concevait Richelieu.
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Dès 1624, Richelieu décide de doter le royaume de France d'une véritable marine militaire d'État et crée les trois premières escadres françaises basées à Brouage, Brest et au Havre. En 1637, la flotte compte une quarantaine de vaisseaux mais les carencescarences de cette marine royale sont nombreuses : le corps des officiers, peu discipliné, doit être renouvelé à chaque campagne militaire. Le recrutement des équipages reste très sommaire : les matelots sont raflés dans les ports pour être embarqués de force, c'est le système de la « presse » pratiqué également en Angleterre. Dans les années 1640, Mazarin est contraint de réduire le budget de la marine : pour la monarchie française, l'engagement maritime reste secondaire, la priorité budgétaire allant aux opérations militaires terrestres. En 1661, la marine royale se limite à une trentaine de bâtiments mal équipés et naviguant peu.
L’armada royale
Changement de politique avec Louis XIV, très inspiré par Colbert qui souhaite doter le pays de forces navales qui le porteraient au niveau des Provinces-Unies et de l'Angleterre, l'objectif étant de s'assurer la maîtrise des mers par la supériorité numériquenumérique. Colbert supervise officiellement le département de la marine dès mars 1669. En 1671, le roi fixe les effectifs de la flotte à 120 vaisseaux, 22 frégates et 38 bâtiments de charge qui accompagnent les escadres en assurant leur logistique. La France va ainsi se doter de la flotte la plus importante à l'échelle mondiale. Cette armada suppose l'existence de ports et d'arsenaux parfaitement équipés et judicieusement situés. Le roi retient les bases navales de Dunkerque, Le Havre, Brest, Rochefort, Port-Louis (avant-port de Lorient, base de la Compagnie des Indes orientales). Les galères sont concentrées à Marseille, et Toulon accueille l'escadre de la Méditerranée.
Arsenal de Toulon vers 1670 ; montage d'un vaisseau avec charpentiers de marine et pièces de bois. Extrait de « l'Album de Colbert », ministère de la Culture.©Wikimedia Commons, domaine public
La formation des officiers de marine
En dix ans, le nombre d'unités quadruple (de 30 à 120) : les arsenaux français ne peuvent soutenir seuls le rythme des commandes, il faut également acheter des navires en Hollande. Cette progression à pas de géant s'accompagne de la formation du personnel naval : un corps d'officiers des vaisseaux du roi est créé, le système des classes se met en place pour doter la marine d'équipages destinés à des navires de plus en plus imposants. La formation des officiers de marine va s'effectuer dans les écoles royales d'hydrographie. Elle est identique pour les officiers de la marine marchande ou de la marine de guerre mais les officiers de la marine marchande sont des roturiers alors que les officiers de la marine de guerre sont issus de la noblesse. Ils ont tendance à croire que leurs quartiers de noblesse leur suffisent pour être compétents.
Colbert a choisi Dieppe et le Havre pour implanterimplanter les premières écoles royales d'hydrographie. Une ordonnance royale de 1681 définit les matières d'enseignement, le recrutement, les différents postes sur les navires... Les roturiers vont à l'école d'hydrographie afin d'obtenir un emploi dans la marine marchande mais ils peuvent devenir « officiers auxiliaires » de la marine royale en temps de guerre. Après avoir commencé comme moussemousse entre douze et quinze ans, le jeune homme devient « novice » puis « volontaire » quand il débute la carrière d'officier.
Coupe d'un vaisseau à trois ponts français de 104 canons, vers 1690. Dessin de Henri Sbonski de Passebon. ©Wikimedia Commons, domaine public
L’apogée de la Royale
Jusqu'au milieu des années 1690, Louis XIV est à l'apogée de sa puissance et sa marine aussi. Premier sur terre et sur mer, il inquiète jusqu'à ses propres alliés. De 1689 à 1693, la France lance 17 vaisseaux par an, performance unique dans son histoire. À partir de 1691, les arsenaux fonctionnent à plein régime, les commandes pour la marine atteignant un niveau inédit. La Royale compte alors 154 bâtiments dont 102 vaisseaux de premier et deuxième rangs (le rang symbolise le nombre de canons sur le navire ; premier rang : jusqu'à 120 canons à bord). La flotte de galères culmine à 40 unités en Méditerranée et 15 autres sont construites à Rochefort. En raison de leur manque d'artillerie, les galères sont chargées de missions d'escorte ou de reconnaissance.
« Bataille du Texel » en juin 1694 (escadre du corsaire dunkerquois Jean Bart, victoire française contre les Hollandais), par le peintre officiel de la marine Eugène Isabey, XIXe siècle, musée national de la Marine. ©Wikimedia Commons, domaine public
À noter
Les forêts françaises abritent encore aujourd'hui des chênes plusieurs fois centenaires, reliques de la politique engagée par Colbert pour la constructionconstruction des navires de guerre de la marine royale. Pour ne plus acheter de vaisseaux étrangers en cas de guerre, Colbert décide de réorganiser toute la filière de fabrication, de la culture du chêne jusqu'au chantier naval. Désormais, la forêt du royaume est préservée par intérêt militaire et économique.