Du début du XVIe siècle à la fin du XVIIe siècle, les conséquences des affrontements religieux sont considérables et visibles sur l’ensemble du territoire européen. Pour un État, l’unité de religion reste un idéal absolu et tolérer plusieurs cultes est considéré comme une anomalie. Dans le royaume de France, l’oppression religieuse subie par les protestants, engendre un phénomène d’émigration dès le XVIe siècle qui va s’amplifier à partir des années 1680.
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Le « refuge » désigne l'exode et l'installation dans un pays d'accueil pour cause d'oppression religieuse. Les premiers départs de protestants se produisent dès la fin des années 1520, pour les luthériens des Pays-Bas soumis aux mesures de répression du très catholique Charles Quint.
L’exode des protestants ou le refuge
Le « grand refuge » du XVIIe siècle évoque l'exode protestant français à la suite de l'édit de Fontainebleau de 1685 (révocationrévocation de l'édit de Nantes, concerne au moins 200.000 personnes entre 1680 et 1700). Le « refuge » du XVIe siècle, plus limité, désigne une installation hors de France pour raison d'oppression religieuse, dès les années 1530. Les villes de Bâle et Genève (en Suisse) sont des lieux d'accueil privilégiés : Genève accorde un statut d'habitant à près de 800 réfugiés français. La ville de Calvin (réfugié à Genève en 1541) devient la capitale du protestantisme de langue française.
Après 1550, l'Angleterre devient le deuxième pays d'accueil, surtout la ville de Londres : les réfugiés viennent de Normandie, de Flandre et de Wallonie. Avec la formation des Provinces-Unies (en 1581), les membres d'églises wallonnes (environ 150.000) qui comprennent des calvinistes, luthériens et mennonites des Pays-Bas espagnols, préfèrent s'installer en Hollande plutôt qu'en Angleterre. Après 1555, il existe un refuge protestant dans le nord de l'Allemagne qui s'étend jusqu'à Aix-la-Chapelle et Cologne. Mais d'un point de vue numériquenumérique, les deux pays d'accueil principaux restent les Provinces-Unies et l'Angleterre.
Conséquences économiques de l’exode protestant
Concernant les Provinces-Unies et Amsterdam en particulier, l'essor économique n'aurait pas connu cette ampleur incroyable sans les affrontements religieux qui provoquent un basculement économique complet entre nord et sud des Pays-Bas espagnols : la jeune république des Provinces-Unies devient la première puissance maritime mondiale jusqu'à la fin du XVIIe siècle. L'essor d'Amsterdam est à rapprocher de celui de Hambourg avec la venue de négociants et d'entrepreneurs originaires des Pays-Bas espagnols. À Hambourg, l'impulsion est donnée au commerce maritime, à la banque et aux secteurs manufacturiers liés aux produits coloniaux.
Les évènements religieux interviennent également dans l'essor maritime de l'Angleterre : comme pour les Provinces-Unies, il y a bien un lien direct entre protestantisme et expansion économique. Le dynamisme anglais est marqué par la création de compagnies de commerce et les voyages d'exploration dès la fin du XVIe siècle. Ce dynamisme économique se renforce dans les mauvais rapports que l'Angleterre entretient avec l'Espagne : l'expansion maritime anglaise est vue comme un moyen de lutte politique et religieuse contre la puissance catholique espagnole. Le mythe d'Elizabeth Ière s'est largement forgé sur les océans et magnifié par la défaite de l'Invincible Armada en 1588. En fait, les marins anglais ont plus souvent rencontré ceux des Provinces-Unies et leur véritable rivalité économique commence dans les Indes Orientales au début du XVIIe siècle.
Faut-il voir dans les réussites économiques hollandaise et anglaise, une conséquence du choix religieux ? Sans aucun doute pour l'essor de la Hollande et d'Amsterdam qui ont bénéficié de l'afflux des réfugiés protestants. On peut souligner que les protestants d'Angleterre et des Provinces-Unies, face aux grandes puissances catholiques (France, Espagne), ont fait preuve d'une certaine ténacité défensive en matière de réussite commerciale.
Les affrontements religieux ont un coût
En Espagne, dès le milieu du XVIe siècle, la lutte contre l'Angleterre et la guerre aux Pays-Bas relèvent en grande partie de motifs religieux et les dépenses militaires engagées par la monarchie espagnole pèsent de plus en plus lourd dans le budget de l'État. De manière générale, dès les années 1550, les affrontements religieux ont fortement accru les dépenses des États européens.
Ainsi, en France, les guerres de religion représentent un poids financier supplémentaire pour la monarchie, nécessitant la levée d'impôts et de taxes en conséquence. Même scénario aux Provinces-Unies dès les années 1580 : elles sont obligées de dépenser d'énormes ressources pour les armées et les fortifications. Au XVIe siècle, la guerre est d'abord une guerre de siège : non seulement les populations sont soumises à des impôts supplémentaires mais elles subissent également un coût humain très important. Les ravages dus aux combats puis aux passages des troupes et à leurs exactions, laissent aux soldats une réputation désastreuse. Dans le cas d'affrontements religieux, on devine aisément le caractère particulièrement violent des combats. Les conséquences les plus visibles sont la désorganisation de la vie économique, la surpopulation des villes et la sous-alimentation qui débouchent sur des crises démographiques sévères. Exemple d'Orléans, ville prise par les protestants en 1562 et reprise par les catholiques en 1567 : on assiste à l'effondrementeffondrement de la courbe des baptêmes sur cette courte période. Pour l'ensemble du royaume, les courbes s'effondrent plutôt en fin de siècle, les guerres ayant amené leur cortège de disettes et d'épidémiesépidémies, notamment la pestepeste en 1596.
En débouchant sur des luttes armées, les affrontements religieux ont donc un coût exorbitant et de toute nature : ils ont pu amener dans certains cas, des innovations, une circulation du progrès technique mais c'est peu de choses comparé au prix humain des guerres. On peut rappeler ici l'échec retentissant de l'Espagne dont le poids des dépenses engendrées par ses conflits avec l'Europe protestante, se solde par une banqueroute de la monarchie en 1596.
À noter
L'exode français vers les principaux territoires protestants européens :
- îles britanniques, Provinces-Unies (originaires de Normandie, Bretagne, Orléanais, Berry, Anjou, Touraine, Maine, Poitou, Guyenne, Picardie, Île-de-France...) ;
- États et villes d'Allemagne, villes et cantons suisses (originaires de Languedoc, Cévennes, Provence, Dauphiné, Bourgogne, Champagne, Lorraine...) ;
- pays scandinaves, colonies britanniques d'Amérique, colonies néerlandaises de Surinam et du Cap de Bonne-Espérance, Russie ;
- Alsace (rattachée à la France en 1648, Strasbourg en 1681).