Est-ce que que les dragons pourraient cracher du feu ? Eh bien, déjà, il faudrait supposer qu’ils existent, ou alors là on parle des dragons du komodo, ces énormes lézards dont on vous avait parlé dans notre autre podcast, Bêtes de Science ! Mais bon, ils ne crachent pas de feu donc non, on parle bien des dragons des mythes et légendes, ce qui peut être intéressant à creuser du point de vue scientifique. Alors, si on veut répondre à la question, il faut qu’on commence par se demander qui ils sont, hormis des créatures que l’on croise dans les bouquins de Tolkien ou dans Game of Thrones...
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Retrouvez le podcast à l'origine de cette retranscription dans Science ou Fiction. © Futura
Les dragons sont des monstres mythologiques que l'on trouve dans de nombreuses cultures à travers le monde.
Qui sont les dragons ?
En Occident, ils sont souvent représentés comme des êtres gigantesques qui ressemblent à des reptilesreptiles, le plus fréquemment dotés d'ailes, crachant du feu, et qui incarnent clairement la force, la brutalité, et la terreur. On les voit souvent dans les légendes médiévales, où des chevaliers les affrontent pour prouver leur bravoure. En Orient, notamment en Chine, les dragons ont une symbolique différente. Ils représentent la sagesse, la puissance et la chance. On les représente habituellement sans ailes, avec un long corps qui ressemble à celui des serpents. On retrouve par exemple le dragon sur le drapeau du Bhoutan. Ils sont perçus comme des gardiens bienveillants et des maîtres des éléments naturels, en particulier de l'eau et de la pluie. Et puis, bien sûr, les dragons occupent également une place importante dans la littérature et le folklore. Dans Le Hobbit de Tolkien par exemple, le dragon Smaug est un symbole de destruction. Les dragons apparaissent aussi dans les jeux vidéojeux vidéo, les films et les séries, comme Game of Thrones, où ils jouent des rôles clés, mais je ne vous en dis pas plus, au cas où.
Bon, donc les dragons, c'est fictif, ça, c'est bon, c'est bien compris. Mais, en admettant qu'ils existent, comment est-ce qu'ils pourraient cracher du feu ? Eh bien, c'est une excellente question.
D'ailleurs, si ce genre d'interrogations vous titillent, on a consacré un autre épisode à la cape d’invisibilité d’Harry Potter et un aux sabres laser de Star Wars. Pour en revenir à nos dragons, on peut se demander quels seraient les mécanismes biologiques en jeu et les réactions chimiques qu'ils pourraient utiliser dans le monde réel. Du coup, petit rappel de chimie. Pour allumer et entretenir une flamme, il nous faut trois composants : un combustible, un agent oxydantagent oxydant qu'on appelle aussi comburant et qui est généralement l'oxygèneoxygène présent dans l'airair, et enfin une source de chaleurchaleur pour initier et entretenir la combustioncombustion. Dans notre cas, le meilleur candidat chez les combustibles pourrait être le méthane.
Trouver un combustible
Pourquoi le méthane ? Parce que les animaux en produisent lors de la digestiondigestion. C'est d'ailleurs un problème puisque, comme vous le savez peut-être, les pets de ruminants, chargés en méthane, n'ont pas un super effet dans l'atmosphèreatmosphère. Or, on le voit bien dans Game of Thrones par exemple, les dragons mangent volontiers des moutons. Bon, ceci dit, pour pouvoir brûler toute une ville, il faudrait que les dragons aient un régime alimentaire et un système digestif plus proche de celui d'une vachevache pour produire suffisamment de gazgaz. Mais on a un autre souci : le stockage du méthane. Une bouteille de méthane typique peut être conçue pour supporter une pressionpression de 150 atmosphères. Mais le truc, c'est qu'un intestin, même bien gonflé, ne tolérera pas plus d'une atmosphère. Donc là, on est face à une impasse : il n'existe aucune base biologique qui permettent aux animaux terrestres de stocker des gaz à haute pression et en suffisamment grande quantité.
Mais... peut-être que les dragons pourrait avoir une sorte de cuve de fermentationfermentation dans le bide ? Genre, un peu comme une cuve de brassage pour la bière, qui leur permettrait de produire du gaz en continu.
Alors, si on part sur cette hypothèse, il faudrait des levureslevures, qui vont produire le gaz, et un liquideliquide comme l'éthanol, du coup, qui va assurer la fermentation. Là, ils ressembleraient un peu au poissonpoisson Cyprinodon diabolis, qui vit dans les sources d'eau chaudes du Nevada, aux États-Unis. Lorsqu'il est dans des conditions de faible oxygène, sa respiration produit de l'éthanol. Le dragon pourrait donc avoir un système métabolique similaire dans ce cas ! Le souci c'est que l'on a toujours cette affaire de stockage à gérer. L'éthanol traverse assez vite les membranes, donc le conserver et pouvoir l'utiliser quand on veut, ça demanderait une biologie qui n'existe pas chez nous.
Une autre idée, du coup ?
Ben, ça commence à devenir un peu compliqué, mais si on essaie de conserver un pied dans notre biologie réelle, on pourrait envisager quelque chose comme de l'huile pour notre combustible. Vous avez peut-être déjà expérimenté malgré vous la poêle à frire qui prend feu. D'ailleurs si ça vous arrive, j'en profite pour vous dire de ne surtout pas envoyer de l'eau dedans, c'est encore plus dangereux, il vaut mieux jeter un linge mouillé, comme vous pouvez, par-dessus pour couvrir. Bref, en tout cas, ce système là existe chez les fulmars, des oiseaux des régions polaires qui produisent une huile gastrique riche en énergieénergie qu'ils régurgitent pour nourrir leurs oisillons. Mais c'est pas fini ! Cette huile a aussi un effet dissuasif puisque quand il est menacé, l'oiseauoiseau vomit cette huile collante et nauséabonde sur ses prédateurs. Franchement, heureusement qu'ils n'ont pas encore trouvé un moyen pour l'enflammer, on serait dans de beaux draps !
Donc là, on aurait notre combustible ! Et après ?
Quel comburant utiliser du coup ?
Eh bien après, il faut alimenter les flammes, avec donc un comburant. Comme pour la plupart des incendies, il s'agira probablement d'oxygène. Mais évidemment, comme il faut tout voir en grand avec les dragons, il faudra plus que l'oxygène dans l'air ambiant pour générer un jet d'huile enflammée sous pression suffisamment chaud pour faire fondre la Tour Eiffel par exemple. L'oxygène doit être bien mélangé au combustible, et plus il est abondant, plus la flamme est chaude. Chimiquement, le dragon pourrait s'inspirer du coléoptèrecoléoptère bombardier. Cet insecteinsecte a développé des réservoirs adaptés au stockage du peroxyde d'hydrogèneperoxyde d'hydrogène, et quand il est menacé, il pousse ce composé chimique dans un vestibulevestibule contenant des enzymesenzymes qui le décomposent rapidement en eau et en oxygène. Ce faisant, il transfère de l'énergie à l'environnement et, dans ce cas, augmente la température du mélange jusqu'au point d'ébullition.
Et ce serait efficace ça ? Eh bien, il faut bien se rendre compte que cette réaction est si agressive et violente qu'elle est parfois utilisée pour propulser des fusées. L'augmentation de la pression causée par la production rapide d'oxygène et l'ébullition de l'eau force le mélange nocif à sortir d'un évent dans l'abdomenabdomen du coléoptère et à se diriger vers sa proie ou son prédateur. Franchement, utilisée par un dragon, cette réaction serait super intéressante. Ça pourrait créer la pression nécessaire pour alimenter le jet de carburant, la réaction exothermiqueexothermique chaufferait l'huile, ce qui la rendrait plus apte à la combustion, et surtout, elle générerait de l'oxygène qui alimenterait la réaction de combustion et donc la flamme. En gros, le dragon aurait besoin d'une sorte d'équivalent biologique à un carburateur de moteur à essence pour mélanger l'huile à l'oxygène et créer un mélange explosif.
Donc, à partir de là, on est d'accord qu'il nous faudrait quand même une étincelle pour enflammer le mélange ?
Feu à volonté !
Exactement, c'est le dernier point manquant. Mais là du coup, il faudrait que les dragons possèdent un organe électrique comme on peut en trouver chez les anguillesanguilles électriques ou autres poissons. Ces organes peuvent générer de courtes impulsions qui vont jusqu'à 600 voltsvolts, ce qui suffit amplement à créer une étincelle dans l'air. Et si ces étincelles se forment sur les conduits situés à l'arrière de la bouche d'un dragon, c'est encore mieux puisqu'elles peuvent enflammer le jet à haute pression d'huile et d'oxygène.
Eh bien, avec tout ça, on s'en sort du coup, non ?
Ouuuiii... Mais bon. Déjà, ça fait beaucoup de particularités physiquesphysiques à combiner. Et, on le sait, l'évolution est un processus coûteux, donc les chances qu'une bestiole comme ça apparaisse sont pas folles. Ensuite... effectivement, les dragons n'existent pas, en tout cas à ma connaissance. Donc, oui, sur le papier, on s'en sort, mais il s'agirait de ne pas oublier que tout ça c'est de la fiction. Même si c'est hyper intéressant de voir quelle science se cache là-dedans, on ne devrait pas voir de dragon de sitôt !
