Des centaines de milliers de débris flottent autour de la Terre, faisant peser une grave menace sur les satellites en opération. Alors comment nettoyer l’espace poubelle ? Dévier les vieux satellites avec un rayon laser, les remorquer avec un aimant géant ou emprisonner les débris dans de la mousse : les chercheurs ne manquent pas d’imagination.
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Plus de 34.000 objets de plus de 10 centimètres et 900.000 objets de 1 à 10 centimètres errent aujourd'hui dans l'orbite terrestre selon l’agence spatiale européenne. Et cela ne risque pas de s'arranger, avec les milliers de nanosatellitesnanosatellites envoyés chaque année dans l'espace. Rien que la constellation StarlinkStarlink d'Elon MuskElon Musk prévoit à terme près de 42.000 satellites en orbite. Les satellites récents sont certes prévus pour être précipités vers l'atmosphèreatmosphère quand ils sont en fin de vie, mais ils peuvent perdre des pièces en cours de route, sans compter tous les autres débris issus de la Station spatiale internationale ou des divers objets « perdus » dans l'espace. De nombreuses institutions et chercheurs planchent donc depuis des années sur les moyens de collecter, détruire ou dévier ces déchets spatiaux. Voici les cinq méthodes les plus insolites à l'étude.
Plus de 34.000 déchets de plus de 10 centimètres orbitent autour de la Terre. © YouTube, ESA
Dévier les satellites avec un rayon laser
Plutôt que de récupérer les satellites en bout de course, pourquoi ne pas les faire fondre avec un rayon laser ? Plusieurs scientifiques visent ainsi à bombarder les vieux satellites avec un faisceau laser pour le faire dévier de leur trajectoire. Sous l'effet de l'irradiation, le matériaumatériau est « décapé » par ablationablation et les débris générés propulsent le satellite vers l'atmosphère terrestre où il va se désintégrer.
« Le problème, c'est qu'il faut absolument éviter de viser les panneaux solaires des satellites, qui risquent de se disloquer en un nuagenuage de petits morceaux presque impossible à nettoyer », atteste Egor Loktionov, un chercheur russe, auteur d’une étude sur le sujet. Il recommande donc d'utiliser des lasers spatiaux, plus précis que des lasers terrestres. Selon lui, il serait même possible de recyclerrecycler des débris spatiaux fondus en plasma pour servir de combustiblecombustible à des vaisseaux spatiaux. Une opération « 2 en 1 » qui rentabiliserait la technique.
Un remorqueur magnétique
Utiliser un « remorqueur » magnétique pour désorbiter un satellite, c'est l'ambition du français Émilien Fabacher de l'Institut supérieur de l'Aéronautique et de l'Espace, qui a présenté son projet en 2017 à l’Agence spatiale européenne. Ces remorqueurs seraient équipés d'électroaimants qui ajusteraient la trajectoire du satellite en utilisant le champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre. « Le puissant champ magnétique requis par ce "satellite chasseur" serait généré à l'aide de fils supraconducteurssupraconducteurs refroidis à des températures cryogéniques », décrit le chercheur. Le système serait ainsi capable de dévier un satellite à 10 à 15 mètres de distance sans entrer en contact avec lui, avec une précision de 10 centimètres. Le concept permettrait également de maintenir en formation un essaim de satellites chasseurs capables de traiter plusieurs morceaux de débris, ou de coordonner et de guider les débris vers un endroit spécifique.
Emprisonner les déchets dans de la mousse
L'astuce consiste ici à accroître le volumevolume d'un débris pour augmenter sa traînée et précipiter se chute vers la Terre. Décrit par des chercheurs italiens en 2011, le système est censé éjecter de la moussemousse expansible depuis une plateforme, qui va coller à la surface cible, gonfler et couvrir les débris. Selon les calculs de chercheurs, le débris doit être entouré d'une mousse d'un volume correspondant à au moins 0,07 fois sa massemasse, soit 14 mètres cubes pour un débris de 200 kgkg par exemple. Plus on augmente ce ratio, et plus la rentrée dans l'atmosphère se fait rapidement : c'est pourquoi cette méthode s'adresse plutôt aux débris de petite taille.
Une méthode similaire vise à faire converger de la poussière naturellement présente dans l’espace sur une étroite bande d'altitude, afin d'accumuler de la masse sur les débris et les désorbiter. Cela suppose de « nettoyer » régulièrement le nuage de poussière afin de ne pas laisser des objets se concentrer à cet endroit. Aucune de ces deux méthodes n'a encore été testée en condition réelle.
Un filet et un harpon pour récolter les déchets
En septembre 2018, le satellite de démonstration RemoveDebris, lancé par le Surrey Space Centre (Royaume-Uni) et financé par la Commission européenne a réussi avec succès à déployer un filet pour capturer un débris en orbite à 300 kilomètres d'altitude. Ce dernier a ensuite été précipité vers l'atmosphère terrestre où il s'est consumé. L'avantage de cette technique est qu'elle permet de capturer des déchetsdéchets de n'importe quelle taille, y compris les plus petits. Il est possible d'attraper des objets jusqu'à sept mètres de distance.
En septembre 2019, le même satellite éboueur a mené un deuxième test avec un harpon lancé à 20 mètres par seconde vers un panneau composite situé à 1,5 mètre. Le harponnage est, lui, plutôt adapté aux débris de très grande taille, comme les réservoirs et les étages supérieurs de lanceurslanceurs spatiaux. Les ingénieurs ont également dû s'assurer que l'impact du harpon sur la cible ne générerait pas de nouveaux débris. Il a donc été conçu de telle manière que les fragments créés par le choc soient projetés vers l'intérieur de la structure cible.
Le satellite « Remove Debris » lance un filet pour capturer les débris spatiaux. © Surrey Nanosats SSC Mission Delivery Team, YouTube
Des satellites qui s’autodétruisent
Vous vous souvenez des messages de Mission Impossible, qui s'autodétruisent au bout d'un certain temps ? C'est l'idée dont s'est inspirée la start-upstart-up japonaise ALE Co pour développer un satellite que l’on pourrait désorbiter à la demande. Ce dernier sera équipé d'une cathodecathode en nanotube de carbonenanotube de carbone et d'une attache électrodynamique. Une fois sa mission terminée, la sangle sera déployée vers l'espace pour modifier l'orbite du satellite induite par le champ magnétique de la Terre, forçant le satellite à plonger vers l'atmosphère.
De son côté, l'entreprise japonaise Sumitomo Forestry veut développer un mini-satellite en boisbois baptisé Lignosat, qui serait entièrement consumé dans l'atmosphère lors de sa chute. Les satellites actuels contiennent en effet des composants en KevlarKevlar ou en alliagesalliages métalliques qui résistent à l'échauffement et peuvent de disséminer dans la haute atmosphère. Le lancement du Lignosat est prévu pour 2023.