Envie de retour à la nature, de liberté, en quête de sens et d'une meilleure qualité de vie, désir d’être son propre patron, voici quelques unes des raisons qui poussent les cadres de plus en plus nombreux à vouloir changer de travail. Un tiers d’entre eux aurait même entamé une véritable reconversion professionnelle. La preuve que la tendance de fond est bien plus que la simple expression d’un rêve inaccessible.
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Les études le montrent : un véritable mouvement de fond vers un changement de vie professionnelle s'opère chez les cadres. Même s'ils aiment leur travail, ils ont une profonde envie « d'ailleurs », d'autre chose. Changer de travail est pour beaucoup d'entre eux, et de plus en plus, l'une de leur priorité. D'après une enquête Cadremploi- Ifop de 2017, si 73 % d'entre eux se disent optimistes quant à leur situation personnelle, un tiers exprime clairement la volonté de changer de poste en 2019. Pour preuve, 39 % sont dans une démarche active dans les six derniers mois.
Certains de ces « cols blancs » en quête de reconversion professionnelle ont aussi envie d'un changement de métier assez radical : 12 % veulent devenir entrepreneur ou indépendant, en d'autres termes, être leur propre patron. Des taux qui connaissent une croissance marquante ces dernières années. Peut-être, est-ce dû à l'arrivée sur le marché du travail de la génération Y, les Millennials, et avec elle, des désirs nouveaux ?
Les plus jeunes cadres sont, en effet, particulièrement sensibles au mouvement de reconversion : 17 % des 18-24 ans aspirent à se mettre à leur compte ou à créer leur société ; c'est 8 % chez les 35-49 ans. Selon une étude menée en ligne en 2017 par le site Nouvelleviepro.fr, parmi les cadres qui ont une envie de réorienter leur carrière, 54 % veulent apprendre un nouveau métier ou changer de secteur d'activité, 25 % veulent monter leur entreprise, 13 % envisagent même de reprendre des études. Si les seniors semblent moins nombreux que les jeunes à vraiment « sauter le pas », même s'ils en rêvent autant, ce n'est pas pour autant une tendance marginale. Elle ne fait certainement que commencer !
Qui sont ces ex-cadres ?
Ex-ingénieur dans la dépollutiondépollution des eaux devenu plombier, ex-chef de projet réorienté comme tapissier, couple d'ex-managers dans les nouvelles technologies métamorphosés en cultivateurs de plantes aromatiques, ex-DAF d'un grand site industriel reconverti en ébéniste, ex-chercheuse devenue éleveuse de chèvres, ancien DRH devenu chef de son propre restaurant, ancien directeur marketing ouvrant des chambres d'hôtes... La liste, non exhaustive, est longue et les exemples fleurissent chez ces anciens cadres qui ont eu une sorte « d'appel d'air » en s'engageant dans une totale reconversion professionnelle.
“ex-managers dans les nouvelles technologies métamorphosés en cultivateurs de plantes aromatiques...”
Les métiers de l'artisanat comme les métiers de bouche ont la cote. Ces hommes et ces femmes, qui s'intéressent à ces métiers manuels, sont des personnes qui, à un moment donné de leur carrière, sont face à une certaine lassitude professionnelle, alors même que leur salaire est attractif. Ce ne sont donc pas des raisons financières qui les motivent.
Après leurs études supérieures, ils reviennent souvent sur les bancs de l'école pour y passer des diplômes bien concrets, dans l'artisanat, les métiers de bouche ou l’agriculture : un CAP de cuisine, d'ébénisterie, de jardinier, de mécanique, de boulangerie... Bref, des métiers manuels où l'on met « les mains dans le cambouis », aux antipodes de leur précédent métier, cérébral... Selon l'étude de Nouvelleviepro.fr, parmi les cadres qui se sont reconvertis, 56 % ont changé de métier, 37 % ont quitté leur secteur d'activité, 18 % ont monté leur entreprise.
Les Millennials, première génération à amorcer le mouvement
Pourquoi la génération Y est-elle la première classe d'âge la plus nombreuse à réaliser cette reconversion professionnelle ? Nés entre les années 1980 et 2000, les cadres « digitaldigital natives », que l'on nomme aussi les « managers Millennials », sont ceux qui font de cette tendance un mouvement de fond. Ils sont la première génération à ne plus vouloir faire de compromis entre vie personnelle et vie professionnelle. Ils sont aussi les enfants de la société du chômage de masse et ont conscience que le travail n'est pas un acquis ni une fin en soi. Ils ont aussi une nouvelle manière de concevoir le monde du travail en imaginant que la route d'une carrière n'est pas droite : reprise des études, formations, prise de risques, création d'entreprise, statut d'indépendant... Pour ceux qui deviennent cadres, il s'agit moins de faire carrière que d'avoir la latitudelatitude de changer littéralement de cap pour construire son chemin de vie, professionnel et personnel.
Pourquoi changer de travail devient-il une nécessité ?
Lorsque la question est posée aux cadres sur ce qui est le plus difficile dans leur travail, arrive loin devant à 80 %, le stress. Les cadres aiment la plupart du temps leur métier, mais ils subissent au quotidien une énorme pression, omniprésente dans une situation économique globale très tendue, et avec toutes les répercussions sur l'ambiance de travail que cela implique aussi.
Le choix spécifique des métiers manuels a d'autres fondements comme sortir de grandes entreprises et devenir son patron, s'épanouir dans un métier non cérébral, plus créatif, et travailler de ses propres mains en créant des objets utiles, beaux ou bons, qui procurent un sentiment d'utilité ; il peut être question aussi de s'éloigner des grandes villes pour avoir une meilleure qualité de vie familiale, retrouver un contact direct avec les autres et le sens du service...
En quête de sens
Mais ce qui semble être la raison la plus essentielle pour tous ces cadres en reconversion professionnelle, c'est bien la quête de sens. Pourquoi cette course effrénée après l'argentargent, la promotion, la compétition ? Le cadre qui opte pour un métier manuel a profondément envie d'une autre vie, souvent plus en accord avec la nature, plus éthique, un rythme de vie plus lent ; parfois, il est même mû par une sorte de quête spirituelle.
“Le plaisir au quotidien devient bien plus important que le prestige du diplôme, des écoles, de la fonction”
La perte du statut professionnel et social n'est pas une problématique pour ces ex-cadres qui aspirent à redonner du sens à leur vie, et recherchent le bien-être physique et psychologique. Le plaisir au quotidien dans leur nouveau travail devient bien plus important que le prestige du diplôme, des écoles, de la fonction.
Qu’est-ce qui a changé ?
Elle est bien loin l'époque où les salariés passaient leur vie professionnelle entière au sein d'une même entreprise, où celle-ci représentait même une deuxième famille. Développement de l'individualisme et mutations économiques obligent, changer d'entreprise, de poste, voire de de métier, devient banal pour tout un chacun. La possibilité de reconversion professionnelle est aujourd'hui omniprésente parmi toutes les couches de la population, et les cadres n'échappent pas à la règle. Au cœur des raisons qui expliquent ce nomadisme des cadres modernes, avoir une activité plus en phase avec ses passions arrive en tête avec 20 %, tandis que 18 % des cadres ont fait le « tour de leur poste » ou alors leur métier ne correspond plus à l'idée qu'ils en avaient.