Quand les armées française et anglaise se font face à Azincourt, en octobre 1415, cela fait soixante-dix-huit ans que les deux royaumes ont déclenché un conflit que l’on nommera guerre de Cent Ans. Devant les divisions politiques qui affaiblissent le royaume de France, le roi d’Angleterre Henry V en profite pour relancer les hostilités et revendique comme son arrière-grand-père Edouard III, la couronne de France et la restitution des territoires perdus. En août 1415, il débarque en Normandie.
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En octobre 1337, le roi d'Angleterre Edouard III paraphe une lettre de défi adressée à son cousin Philippe VI, roi de France : « nous vous notifions que nous avons l'intention de conquérir notre héritage par la force des armes » ; le monarque anglais est le petit-fils du roi Philippe IV le Bel, par sa mère Isabelle de France. Après la mort de ce dernier en 1314, tous les héritiers mâles en ligne directe vont décéder. La noblesse française désigne Philippe de Valois, neveu de Philippe le Bel et non son petit-fils Edouard III, comme roi de France. Inquiets de voir un étranger s'emparer du trône, ils utilisent la fameuse « loi salique » qui exclut les femmes et leur descendance de la succession royale. Au XIVe siècle, le roi d'Angleterre possède d'importants territoires français hérités de ses aïeux Aliénor d'Aquitaine et Henri II Plantagenêt : ses possessions font de lui le vassal du roi de France !
Bataille d'Azincourt : la chevalerie française décimée
À Azincourt, le 25 octobre 1415, la victoire anglaise marque le fiasco absolu de la chevalerie française : trop sûre d'elle, figée dans sa stratégie et mal organisée, elle est décimée par les archers de Henry V. Pourtant les Français sont supérieurs en nombre, 13.000 contre 9.000, selon l'historienne britannique Anne Curry, spécialiste de cette période. Les Anglais sont affaiblis par le siège d'Harfleur en Normandie et paraissent une proie facile pour les chevaliers français.
Cinq erreurs commises par le commandement de l'armée française vont coûter la vie à plus de 6.000 combattants : une tactique prévisible, l'engagement sur un terrain inadapté, une avant-garde trop fournie, une charge de cavalerie catastrophique, des troupes de secours arrivées trop tard. Depuis des siècles, la tactique française employée sur les champs de bataille a peu évolué. Elle s'appuie sur de grandes charges de cavaliers qui utilisent la vitesse et la force de leurs chevaux pour infliger des dégâts dans les premières lignes adverses. Cela fonctionne très bien à Bouvines en 1214 mais cela échoue déjà à Crécy en 1346 et à Poitiers en 1356. Après avoir été défaits par les Écossais en 1314, les Anglais vont revoir leur stratégie militaire et promouvoir une arme redoutable, l'arc long ou « long bow ». Les archers les plus habiles sont capables de décocher une quinzaine de flèches par minute, la technique s'avérant très efficace pour briser les charges des chevaliers.
Les Français ont également intégré des « gens de traits » dans leurs rangs : l'arbalète (plus lente à recharger que l'arc) est une arme de défense très précieuse lors des sièges mais son usage semble peu convaincant lors de batailles rangées. Le roi de France Charles V tente de promouvoir l'arc long à la fin du XIVe siècle, mais il ne parvient pas à l'imposer dans ses armées. Pour la noblesse française, les armes de trait ne correspondent pas à l'idéal chevaleresque privilégiant le combat à cheval et à l'épée. Les archers et les arbalétriers sont considérés comme des auxiliaires au sein de l'armée royale. Les Anglais, au contraire, vont ouvrir l'armée à toute la population dans laquelle ils recrutent l'élite des archers. À Azincourt, sur les 9.000 combattants anglais, on compte 6.000 archers. Côté français, les « gens de trait » représentent environ 30 % des 13.000 hommes présents. Les archers ne pouvant tirer avec une armure, des charges de cavalerie sont envoyées contre eux pour tenter de les neutraliser. Henry V l'a prévu et demande à ses tireurs de tailler des grands pieux pour se protéger des assauts.
Le plan de bataille français
Au début des années 1980, dans les archives de la British Library de Londres, un historienhistorien anglais a retrouvé le plan de bataille élaboré par le commandement français avant Azincourt. Ce document, probablement rédigé par le maréchal Boucicaut, a été récupéré parmi ses effets lorsqu'il a été capturé à l'issue du combat. Il apparaît que le plan est élaboré au moins dix jours avant l'affrontement, sans étude préalable de la configuration du terrain puisque les Français veulent pousser Henry V et ses troupes, à se battre à découvert dans une grande plaine plus à l'est qu'Azincourt, du côté d'Aubigny-en-Artois.
Les Français vont masser près de 5.000 hommes dans l'avant-garde, encadrée par deux ailes de 600 combattants chacune. Derrière, le corps de bataille compte moins de 4.000 hommes à pied. Les arbalétriers prévus initialement sur les ailes, semblent avoir été rejetés à l'arrière. En garnissant les premiers rangs de chevaliers représentant la haute noblesse du royaume, le duc Charles d’Orléans pense inspirer la terreur dans les rangs anglais. Ce choix stratégique est au contraire catastrophique : les archers anglais déciment les premières lignes, privant l'armée française de ses chefs. La charge de la chevalerie française à Azincourt est un fiasco total : le terrain extrêmement boueux défavorise les chevaux déjà exposés à un déluge de flèches. Surpris par les pieux dressés par les archers anglais, les chevaliers encore en selle, rebroussent brusquement chemin et sèment la pagaille dans l'avant-garde, renversant les soldats qui avancent à pied.
Enfin, s'il n'est pas possible de rassembler assez de chevaliers pour dévaster les lignes anglaises, c'est parce que l'armée française n'est pas encore totalement regroupée à Azincourt quand la bataille s'engage. Charles d'Orléans et ses hommes n'arrivent sur place que le matin de l'affrontement, ce qui peut expliquer l'incapacité des Français à réajuster un plan de bataille inadapté au terrain. Le duc Antoine de Brabant rejoint Azincourt lorsque les combats sont déjà engagés ; le gros de ses troupes arrive le lendemain de la bataille. Même chose pour les milliers d'hommes conduits par le duc Jean V de Bretagne : au moment où la bataille s'engage, ils sont encore à Amiens.
Bataille d'Azincourt : un bilan désastreux
La débâcle d'Azincourt fait suite à celles de Crécy et de Poitiers et prive momentanément la France de nombreux cadres administratifs et militaires. Outre les 5.000 soldats et plus de 1.000 chevaliers morts au combat, elle met en évidence la conception dépassée de la guerre menée par la chevalerie française alors que les Anglais ont déjà organisé une armée unie et disciplinée. Des dizaines de prisonniers prestigieux sont emmenés en Angleterre et vont devoir s'acquitter d'énormes rançons : le duc de Bourbon y reste dix-sept ans et Charles d'Orléans vingt-cinq ans.
La haute noblesse française est décimée, le royaume est ouvert à l'invasion anglaise et par le traité de Troyes de 1420, le roi d'Angleterre est proclamé roi de France ; il épouse Catherine, fille du roi Charles VI dont le fils, le dauphin Charles, est déchu de ses droits à la Couronne. La bataille d'Azincourt fait naître dans la population française, un sentiment anti-anglais qui va perdurer plusieurs siècles. En 1515, à Marignan, François Ier renoue avec la tradition du roi chevalier et guerrier victorieux.
À visiter
Le centre « Azincourt 1415 » est un centre d'interprétation historique ayant pour mission de valoriser et entretenir la mémoire de la bataille d'Azincourt et de témoigner de l'héritage historique et culturel légué par la guerre de Cent Ans.