Le Ier juillet 1751 paraît le premier volume de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. C’est le début d’une aventure éditoriale sans précédent qui va bousculer les idées reçues en France et dans toute l’Europe. La production de dictionnaires et de grands ouvrages littéraires caractérise le siècle des Lumières. L’Encyclopédie en est l’ouvrage le plus représentatif, à une époque où un nouvel esprit philosophique se constitue, basé sur l’amour de la science et la tolérance.
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En octobre 1750, un Prospectus présente le projet de Diderot pour convaincre d'éventuels souscripteurs de participer à son financement ; quatre mille personnes vont répondre à l'appel. L'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, veut décrire de manière la plus complète possible, les arts, les sciences et les métiers de son époque. Au XVIIIe siècle, les arts désignent toutes les activités humaines : le travail manuel, le travail des machines (les « arts mécaniques »), le travail de l'esprit (les arts dits « libéraux » comme l'astronomie, la musique, la logique...), les beaux-arts.
Le projet de Diderot
La diffusion à grande échelle de l'état des connaissances dans tous les domaines est une entreprise inédite et révolutionnaire. On n'a encore jamais mis à contribution dans le même ouvrage, les philosophes et les détenteurs d'un savoir scientifique et technique. L'Encyclopédie est une œuvre pédagogique à visée éducative : l'ouvrage procède à un recentrage des savoirs autour de l'Homme.
L'initiative du projet revient à l'écrivain et philosophe Denis Diderot (1713-1784) mais c'est une entreprise collective qui fait appel aux spécialistes de leur domaine : d’Alembert (qui a rédigé le Discours préliminaire en 1751) s'occupe des mathématiques, Bellin contribue à la géographie, Daubenton à la biologie, Rousseau à la musique et l'économie politique, Tronchin à la médecine... On trouve aussi Montesquieu, Voltaire, d'Holbach (chimie), Turgot, Forbonnais et Quesnay (économie), Berthoud (horlogerie), parmi plus de cent cinquante collaborateurs, techniciens et praticiens, liés aux activités productives de leur temps.
L'Encyclopédie est un dictionnaire raisonné qui utilise un classement par branche de savoir, l'ordre alphabétique et le système des renvois entre articles. Elle intègre les « arts mécaniques » au sein des connaissances : la description des arts et des métiers impulsée par Diderot, offre un inventaire des procédés de fabrication, des inventions techniques et même des secrets d'ateliers. Elle inclut une collection sans précédent de définitions ; Diderot devient le premier homme de lettres à considérer la technologie comme une partie de la littérature.
L'Encyclopédie propose onze volumes de planches, indispensables à la description des métiers. Les dessins et les gravuresgravures illustrent à merveille l'anatomieanatomie, l'histoire naturelle, les outils, les gestes du travail, la manufacture, bref tous les secteurs de la technique et de la production.
La censure
L'Encyclopédie est certainement l'ouvrage le plus surveillé et censuré de son temps et atteste de ce que représentent les Lumières : appétit de savoir, liberté de penser, nécessité de douter. Elle fournit donc un savoir mais aussi une critique du savoir véhiculé par les habitudes, les dogmes et les autorités. Ses prises de position audacieuses vont lui occasionner de nombreux ennuis qui débutent avec un article sur la Genèse. En février 1752, les Jésuites exigent la condamnation et l'interruption de la publication : le Conseil d'État du roi interdit de détenir les deux premiers volumes parus. Madame de Pompadour (maîtresse en titre de Louis XV) et Malesherbes, favorable à l'Encyclopédie et directeur de la Librairie (organe créé par Colbert, chargé d'octroyer des permissions et privilèges pour toutes les impressions réalisées en France), font lever l'interdiction et permettent la parution des cinq tomes suivants.
En 1757, les dévots attaquent les encyclopédistes coupables de critiquer la religion catholique : ils estiment que le but de l'Encyclopédie est d'ébranler le gouvernement et la religion. Le pape Clément XIII condamne l'ouvrage et le met à l'Index en mars 1759 : il demande aux catholiques de brûler les exemplaires en leur possession. À la même date, le Conseil du roi interdit la vente de l'Encyclopédie et exige le remboursement de tous les souscripteurs.
En septembre 1759, Malesherbes obtient du roi la permission de faire publier les volumes de planches ; ils vont paraître à partir de 1762. D'Alembert ayant renoncé à poursuivre l'aventure, les dix derniers tomes sont publiés clandestinement par Diderot en 1765 et les deux derniers volumes de planches illustrées paraissent en 1772. En vingt ans, vingt-huit volumes ont ainsi été publiés.
Dès le début des années 1770, Diderot reprend son activité d'écrivain car l'Encyclopédie est achevée. Cependant il ne publie aucun texte qui lui ferait courir de risques, en raison de ses positions sur l'athéisme, la colonisation... Certains de ses écrits ne seront connus qu'un siècle plus tard.
À savoir
Entre 1776 et 1780, est publié le Supplément à l'Encyclopédie, composé de quatre volumes de textes, d'un volume de planches et de deux volumes de tables. Diderot ne participe pas en tant que rédacteur à cette entreprise. L'ensemble des volumes de l'Encyclopédie plus le Supplément, constituent les trente-cinq volumes de l'édition dite « de Paris ».
L'Encyclopédie a occupé un millier d'ouvriers pendant plus de vingt-cinq ans. Près de soixante-douze mille articles ont été produits, Diderot en a composé plus de mille. Le prix d'achat de la première édition (in-folio) s'élève à 980 livres tournois, le salaire annuel moyen d'un ouvrier ou d'un domestique se situant autour de 300 livres. Le poids d'un volume est d'environ dix kilogrammeskilogrammes et son format proche du « A3 » actuel.