L’ordre cistercien, fondé en 1098 à Cîteaux, redéfinit l’idéal monastique médiéval en prônant une austérité radicale et un retour aux sources de la règle bénédictine. De la quête de solitude de Robert de Molesme à l’architecture épurée des abbayes emblématiques comme Fontenay ou Sénanque, ce mouvement est une réponse à l’opulence clunisienne marquée par la volonté d’incarner l’ascétisme et la rigueur liturgique.
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L'ordre cistercien, fondé à la fin du XIe siècle, s'inscrit dans le mouvement de réforme de l'Eglise initié par Grégoire VII. Né d'un désir de retour aux idéaux de simplicité et de stricte observance de la règle de saint Benoît, l'ordre se distingue par son organisation rigoureuse, son architecture épurée et son rôle économique majeur dans l'Europe médiévale.
1. Origines et fondation de l’ordre
L'ordre cistercien naît en 1098 à Cîteaux (Cistercium), en Bourgogne, dans un climatclimat de réforme et de contestation interne à l'Église. Ce projet est porté par une poignée de moines désireux de retrouver la rigueur des premiers temps du monachisme bénédictin. Le mouvement clunisien qui est alors dominant et à son apogée, a enrichi les pratiques liturgiques, mais certains moines jugent que la richesse matérielle des abbayes nuit à la pureté spirituelle. Robert de Molesme, abbé de Molesme, est l'un des réformateurs convaincus que l'idéal bénédictin a été trahi par ces excès. Incapable de réaliser pleinement son idéal de pauvreté et de stricte observance de la règle de saint Benoît dans cette abbaye, il obtient l'autorisation du légat pontifical Hugues de DieDie pour fonder une nouvelle communauté dans un lieu retiré. C'est ainsi qu'en 1098, avec l'appui du duc de Bourgogne, Eudes Ier, et des vicomtes de Beaune, des cousins éloignés, Robert choisit un site isolé, au cœur d'une forêt marécageuse du bas-pays dijonnais, non loin de la vallée de la Saône. Situé à vingt-deux kilomètres au sud de Dijon, ce lieu désertique, recouvert de roseaux (appelés cistels), est propice à la vie de renoncement qu'il cherche à mener.
Le 21 mars 1098, accompagné d'Albéric, d'Étienne Harding et de vingt-et-un moines partageant son idéal, Robert s'installe sur le site de La Forgeotte, une terre concédée par Renard, vicomte de Beaune. Ce nouveau départ marque la naissance de ce qui sera temporairement appelé le Novum Monasterium (Nouveau Monastère), avant de devenir l'abbaye de Cîteaux (Cistercium). La rudesse des conditions de vie et l'isolement total du lieu ne sont pas anodins : cette région marécageuse et boisée reflète l'idéal de retrait du monde prôné par les fondateurs.
Simplicité et austérité : un idéal monastique renouvelé
La règle de saint Benoît : une observance stricte
L'ordre cistercien prône dès ses débuts un retour rigoureux à l'essence même de la règle de saint Benoît, centrée sur la prière, le travail manuel et la pauvreté. Ce retour à l'austérité répond à la critique des excès perçus chez les bénédictins de Cluny, dont les abbayes sont devenues des centres de richesse et de pouvoir qui se sont progressivement coupés d'une vertu cardinale de la règle bénédictine, celle du travail manuel. Les cisterciens, en opposition à cette opulence, définissent un idéal fondé sur l'ascétisme, la discipline stricte et la recherche d'une union intime avec Dieu dans le dépouillement matériel.
L’austérité dans l’habit et la vie quotidienne
Le rythme quotidien repose sur les principes d'ora et labora (prière et travail) et est marqué par l'alternance de l'office divin, célébré sept fois par jour, et du travail manuel, indispensable à l'autosuffisance de l'abbaye. Les moines travaillent la terre, construisent leurs bâtiments et confectionnent leurs habits, en mettant en pratique la pauvreté matérielle. Les cisterciens observent un strict silence, favorisant la contemplation. Les communications essentielles se font par gestes. Ce silence permet de créer un espace intérieur propice à la rencontre avec Dieu. A cet idéal ascétique, les moines ajoutent une dimension communautaire forte: les moines ne possèdent rien en propre et vivent en communauté, partageant leurs maigres ressources.
Les cisterciens adoptent un habit simple, fait de laine non teinte, de couleur blanche, contrastant avec les vêtements noirs ou colorés des moines clunisiens. Ce symbole de pureté et de détachement du monde est un choix volontairement modeste en réponse visuelle à l'opulence clunisienne.
L'architecture cistercienne est une manifestation tangible de l'idéal de simplicité et d'austérité prôné par l'ordre. Elle se distingue par son dépouillement, sa fonctionnalité et son harmonie géométrique, en opposition au stylestyle orné des abbayes clunisiennes.
Un idéal de pauvreté collective et d’auto-suffisance
Les cisterciens prônent un idéal de pauvreté collective qui contrastecontraste avec la richesse accumulée par d'autres ordres. Chaque abbaye devait subvenir à ses besoins sans dépendre de dons excessifs. Le travail agricole des moines, souvent assistés des frères convers, assure cette indépendance. Les cisterciens refusent les titres seigneuriaux ou ecclésiastiques qui pourraient les détourner de leur mission première.