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Le niveau d'alphabétisation des Français, même s'il reste faible sous l'Ancien Régime, est proportionnel à l'importance de la ville dans laquelle ils vivent et les hommes sont plus alphabétisés que les femmes. La possession de livres demeure un privilège de citadin aisé : les inventaires après décès nous montrent que les bibliothèques les mieux fournies se trouvent chez les administrateurs, les ecclésiastiques et les médecins.
Le livre, une marchandise particulière
Par le contenu qu'il peut véhiculer, le livre va être rapidement contrôlé par les autorités. L'Index romain créé en 1559 par le pape a condamné les ouvrages d'Érasme, Rabelais, Montaigne, Pascal... Rabelais est également censuré par la Sorbonne. Puis les monarques absolus prennent le relais des ecclésiastiques : au XVIIe siècle sont institués les censeurs royaux qui lisent tous les manuscrits pour autoriser ou non leur publication.
La répression n'empêche pas le grand succès de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, pourtant interdite de diffusion en 1752 puis condamnée par le pape en 1759. La police n'agit pas de façon continue mais on constate tout de même qu'un quart des personnes enfermées à la Bastille entre 1660 et 1790 sont des imprimeurs, des libraires, des artisans du livre et des colporteurs. La censure s'intensifie dans les années 1770-1780 car elle vise désormais les pamphlets politiques et la libération des mœurs.
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, première édition en 1751, par Diderot et d’Alembert. Ouvrage en 17 volumes de textes et 11 volumes de planches. © Wikimedia Commons, domaine public.
Le développement de la lecture au XVIIIe siècle
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, on assiste au développement d'une production provinciale massive de livres destinés aux besoins des écoles ou liés au dynamisme des académies. L'écrit prend une importance nouvelle car le public des cafés lit désormais les journaux, réservés à une élite lettrée un siècle auparavant. Les personnes qui ne savent pas lire, y ont accès par le biais de la lecture publique : les affiches placées dans les lieux publics sont déchiffrées à haute voix pour tous. Une importance particulière est donnée à l'image qui illustre le texte et permet de frapper les esprits.
Les effectifs des collèges et universités donnent un ordre de grandeur approximatif du marché des lecteurs réguliers : on les estime à 500.000 vers 1760 (pour 25 millions de Français). La France littéraire compte environ 2.500 auteurs entre 1750 et 1790. En 1750, la police recense cinq cents auteurs marquants dont « un grand sec qui a l'airair d'un satyre » c'est-à-dire Voltaire !
Détail d’une planche consacrée à l’imprimerie dans l’Encyclopédie ; article Imprimerie, l’opération de la casse. Site « Encyclopédie de Diderot ». © 2018 Encyclopédie de Diderot.
La révolution du livre
L'écrit désormais dispose de relais puissants : les salons littéraires, les académies provinciales et les loges maçonniques qui rassemblent de nombreux citadins, bourgeois, négociants et artisans. Les académies (fondées sur le modèle parisien de l'Académie française ou de l'Académie des sciences) sont implantées dans 75 % des villes de plus de 20.000 habitants : elles assurent le lien entre le livre et la diffusion des LumièresLumières, tenant compte des réalités de leur temps et accompagnant cet ensemble de transformations qui vont amener la Révolution de 1789. À la fin du siècle, deux mille nouveaux titres sortent en librairie chaque année. De nouvelles catégories de livres émergentémergent (romans, sciences) et les petits formats apparaissent. Les classes aisées deviennent bibliophiles et adeptes des grandes collections, contribuant ainsi au développement de l'art de la reliure. La production de livres dans le royaume de France a quadruplé entre le début et la fin du XVIIIe siècle, c'est une véritable révolution !
Projet de bibliothèque royale pour Louis XVI, par Étienne-Louis Boullée en 1785. Bibliothèque nationale de France. © Gallica, BnF, domaine public