Les historiens reconnaissent aujourd'hui que la Gaule constitue un "espace politique commun" même si les cellules de base de l'organisation gauloise sont la tribu et le clan. La Gaule se décline donc au singulier et au pluriel : Jules César décrit la grande diversité des peuples gaulois dans un ouvrage qui présente sa conquête des Gaules à la tête des légions romaines, de 58 à 51 avant J.C.


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    Les Commentaires de la guerre des Gaules ont été écrits par Jules César, à l'automneautomne de l'année 52 avant J.C., au moment où il vient de battre Vercingétorix ; il souhaite faire connaître les circonstances de sa prestigieuse conquête à l'opinion publique romaine, avant sa candidature à un second consulat. La rédaction de La Guerre des Gaules est avant tout l'acte d'un chef militaire vainqueur, qui raconte les faits à son profit afin de neutraliser ses ennemis politiques. César écrit ses Commentaires en puisant dans les rapports qu'il a adressés au Sénat après chaque campagne. 

    Tête en marbre de Jules César (46 avant J.C.) trouvée dans le Rhône. Musée départemental Arles Antique. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Tête en marbre de Jules César (46 avant J.C.) trouvée dans le Rhône. Musée départemental Arles Antique. © Wikimedia Commons, domaine public.

    César et les trois Gaules

    Lorsque la conquête militaire débute en 58 avant J.C., la Gaule présente un territoire composé de nombreuses tribus et s'étend sur une grande partie de la France actuelle, de la Belgique, des Pays-Bas, de l'Allemagne, du Luxembourg et du nord de l'Italie. En fonction des régions, les Gaulois ne partagent ni les mêmes coutumes ni la même langue : face à cette hétérogénéité territoriale et sociale, César parle de "guerre des Gaules". Dans ses Commentaires, il débute son récit en décrivant la Gaule de la manière suivante : "L'ensemble de la Gaule est divisé en trois parties : l'une est habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisième par le peuple qui, dans sa langue, se nomme Celte, et, dans la nôtre, Gaulois. Tous ces peuples diffèrent entre eux par le langage, les coutumes, les lois". 

    Carte de la Gaule à la veille de la conquête romaine. Auteur: Treanna, 2004. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Carte de la Gaule à la veille de la conquête romaine. Auteur: Treanna, 2004. © Wikimedia Commons, domaine public.

    L'armée de conquête

    On estime que César a pu disposer d'une armée d'environ 100.000 hommes (légionnaires et auxiliaires). Les légionnaires sont des professionnels : fantassins lourds formés par un entraînement intensif, ils sont répartis en légions de 5.000 hommes, elles-mêmes divisées en cohortescohortes, manipules et centuries. Ces légionnaires descendent souvent de Gaulois anciennement établis en Italie du nord ou "Gaule cisalpine". Les légionnaires sont secondés par des auxiliaires (les socii) qui complètent les troupes de cavaliers, les frondeurs et les archers ; ces auxiliaires viennent de tout l'Empire romain mais surtout de Gaule. 

    Stèle trouvée à Glanum (Saint Rémy de Provence), groupe de légionnaires en formation. Musée gallo-romain de Fourvière, Lyon. Auteur : Ursus, 2011. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Stèle trouvée à Glanum (Saint Rémy de Provence), groupe de légionnaires en formation. Musée gallo-romain de Fourvière, Lyon. Auteur : Ursus, 2011. © Wikimedia Commons, domaine public.

    Une majorité de soldats est détachée pour effectuer des tâches de "services" : artillerie, génie, renseignement, logistique... César accorde une grande importance au renseignement : sur le territoire des Gaules, les éclaireurs précèdent toujours l'armée en marche ; le général en chef sait s'entourer de notables locaux et fait interroger voyageurs et prisonniers. En cas de besoin, Jules César transforme ses légionnaires en hommes du génie : constructionconstruction de ponts, de camps avec fossés défensifs ... Il accorde une importance particulière à la logistique car une armée en déplacement a de multiples besoins en équipement, en eau et en vivres. En fait, les Romains paient pour leur ravitaillement en territoire ami et pillent en territoire ennemi. César est passé maître dans l'art du siège, comme celui d'Alésia en 52 avant J.C.. L'armée romaine sait organiser tous les types de combat : la bataille en milieu urbain, en montagne ou de nuit, la contre-guérilla et la guerre navale.

    Réplique des fortifications utilisées lors du siège d'Alésia ; archéodrome de Beaune, Bourgogne. Auteur : Christophe Finot, 2004. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Réplique des fortifications utilisées lors du siège d'Alésia ; archéodrome de Beaune, Bourgogne. Auteur : Christophe Finot, 2004. © Wikimedia Commons, domaine public.

    Les guerriers gaulois

    Les Celtes et les Gaulois partagent des valeurs, des croyances et des traditions communes ; leur proximité est prouvée par des similitudes linguistiques. Pourtant c'est leur division politique et leur absence de stratégie qui vont devenir leur pire ennemi face à l'armée romaine. Pourtant l'efficacité des Gaulois au combat est connue avant César : les Celtes ont fourni des mercenaires appréciés aux Carthaginois et aux Grecs. Les Belges qui vivent entre le Rhin et l'axe Seine-Marne, sont considérés par César comme les plus combatifs. Les Gaulois disposent d'un bon encadrement fourni par leur aristocratie mais ils ne possèdent pas la culture militaire des officiers romains.

    Armement gaulois découvert sur le site d'Alésia (Alise-Sainte-Reine) : casque, pointes de lance et épées en fer. Musée d'archéologie nationale et domaine national de Saint-Germain-en-Laye. © RMN - Grand Palais / Thierry Le Mage.
    Armement gaulois découvert sur le site d'Alésia (Alise-Sainte-Reine) : casque, pointes de lance et épées en fer. Musée d'archéologie nationale et domaine national de Saint-Germain-en-Laye. © RMN - Grand Palais / Thierry Le Mage.

    Les Gaulois fondent leur force militaire sur l'infanterie mais leur équipement est plus léger que celui des légionnaires romains : pas de cuirasse mais un bouclier, une lance et une épée à deux tranchants. La cavalerie recrutée dans l'aristocratie joue un rôle essentiel au sein de l'armée. Les Vénètes du Morbihan ont construit une marine qui va poser problème aux Romains, lorsqu'ils les affrontent en 56 avant J.C. : les éperons des galères romaines passent sous les coques de leurs navires à fond plat et la hauteur des côtés empêche l'abordage. Dans le domaine des fortifications, les Gaulois inventent le "murus gallicus" (murmur gaulois) qui fait l'admiration de César et dont on peut voir une reconstitution sur le site de Bibracte (mont Beuvray, en Bourgogne). 

    Reconstitution du mur gaulois (<em>murus gallicus</em>) de l'oppidum de Bibracte ; photo Jochen Jahnke, 2005. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Reconstitution du mur gaulois (murus gallicus) de l'oppidum de Bibracte ; photo Jochen Jahnke, 2005. © Wikimedia Commons, domaine public.

    La guerre des Gaules

    Elle peut être divisée en cinq phases : en 58 avant J.C., César cherche le prétexte pour entreprendre une guerre longue et attaque les Helvètes puis les Germains d'Arioviste. En 57 et 56 avant J.C., il attaque les Belges, considérés comme les plus dangereux puis s'en prend aux peuples de l'Océan (Vénètes, Aquitains, Morins et Ménapiens). De 55 à 53, il mène des expéditions destinées autant à sa communication qu'à l'efficacité militaire : il se rend deux fois sur l'île de Bretagne (Grande-Bretagne actuelle) et en Germanie. Il réprime les révoltes des Trévires et des Éburons : face à la guérilla de ces peuples, il met en place une contre-guérilla efficace.

    Denier romain commémorant les conquêtes gauloises de Jules César (<em>Caesar</em>) ; à l'avers, tête de Vénus ; au revers, trophée gaulois (48 avant J.C.). Auteur : CGB, 2014. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Denier romain commémorant les conquêtes gauloises de Jules César (Caesar) ; à l'avers, tête de Vénus ; au revers, trophée gaulois (48 avant J.C.). Auteur : CGB, 2014. © Wikimedia Commons, domaine public.

     

    La quatrième phase débute en 52 : une vaste révolte éclate et la majorité des peuples gaulois se placent sous le commandement de Vercingétorix. Ce chef impose une guerre de logistique, selon la stratégie de la terre brûlée. L'armée gauloise est massée sur le versant est du Massif central, César est contraint à la retraite : il aurait perdu la guerre si Vercingétorix n'avait pas changer de méthode, en s'enfermant dans Alésia et en comptant sur une armée de "secours". La guerre des Gaules s'achève en 51 : quelques tribus irréductibles s'opposent encore à César et s'enferment dans Uxellodunum (Puy d'Issolud, à Vayrac dans le Lot), ce sera leur dernier échec.

    Carte de la Gaule soumise à Jules César en 51 avant J.C. (en rose). Auteur : Cristiano 64, 2007-2008. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Carte de la Gaule soumise à Jules César en 51 avant J.C. (en rose). Auteur : Cristiano 64, 2007-2008. © Wikimedia Commons, domaine public.

    Les conséquences de la guerre des Gaules sont dramatiques : on estime le nombre de morts entre 400.000 et un million, et le nombre de soldats vaincus réduits en esclavage entre 200.000 et 500.000 personnes. La civilisation romaine va se superposer aux traditions celtiques : la conquête des Gaules par César nous permet aujourd'hui de parler une langue latine, notre droit dérive du droit romain. Nous lui devons également l'architecture de nos villes et de nos paysages.