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Persécutés après la révocation de l’Édit de Nantes (1685), les protestants sont condamnés à se convertir au catholicisme. Nombre d'entre eux choisissent l'exil, bien qu'il leur soit interdit de quitter le royaume. Ceux qui choisissent de rester se font le plus discret possible, comme la famille Calas, dont le père est marchand d'étoffe, à Toulouse. Les condamnations subsistent toujours et les adeptes de l'Église réformée, les huguenots, sont perçus comme une menace, y compris par la population.
Ainsi, dans ce climatclimat de tension et de suspicion où quatre réformés venaient d'être pendus à Toulouse, le père, Jean Calas, découvre son fils mort étranglé. Il tente de maquiller le suicide en meurtre pour ne pas jeter le déshonneur sur sa famille. Car, sous l'Ancien régime, le corps des suicidés était traîné par un cheval dans la rue, face contre terre, sous les huées du peuple puis, jeté aux ordures. Meurtre ou suicide, les médecins légistes soupçonnent surtout le père d'avoir voulu empêcher leur fils de se convertir au catholicisme, soupçons alimentés par la rumeur.
Faute de preuves établissant la culpabilité de Jean Calas, il est fait appel à témoin. C'est sur la base d'indices et de présomptions que le 18 novembre 1761, la famille Calas, le père, la mère et leurs enfants, sont accusés du meurtre. Ami de Jean-Jacques Rousseau, Loyseau de Mauléon, leur avocatavocat, n'empêchera pas cependant la condamnation à mort de Jean Calas qui subit les pires supplices.
Jean Calas, condamné à tort. Voltaire s'emparera de l’affaire publiquement et obtiendra la réhabilitation de protestant toulousain. © Auteur inconnu. Source Blog Ravachol, Actes et faits de l'histoire de France, Domaine public
Voltaire s'empare de l'affaire publiquement
Malgré d'affreuses séances de torture, durant lesquelles il est roué vif, passé à la question, puis étranglé avant d'être brûlé, Jean Calas clame son innocence jusqu'à son dernier souffle. Son épouse est acquittée, les deux filles sont enfermées au couvent. Condamné à l'exil perpétuel, l'un de ses fils, Pierre Calas, décide après la mort de son père de rencontrer Voltaire à Genève pour persuader le philosophe que son père a bien été condamné à tort.
Le philosophe, anticlérical, est pourtant difficile à convaincre tant les réformés ne lui paraissent guère valoir mieux que les catholiques. Mais son exigence de justice et de liberté d'expression l'emporte. Convaincu à son tour, Voltaire va dès lors tout entreprendre pour défendre la mémoire de Jean Calas et porter l'affaire publiquement. Il organise un groupe de pression avec ses amis et rassemble tous les documents afin d'obtenir la révision du procès.
Plus qu'une injustice, Voltaire voit dans cette affaire l'expression d'une intolérance religieuse des catholiques vis-à-vis des protestants.
Les adieux de Calas à sa famille. © Œuvre de Daniel Chodowiecki, Wikimedia Commons, Domaine public
La mémoire de Calas réhabilitée
C'est ainsi qu'un an après la mort de Jean Calas, Voltaire publie en 1763 son « Traité sur la tolérance », ouvrage dans lequel il s'en prend violemment aux fanatismes religieux.
Cette publication remet l'affaire sous la lumière, et la famille Calas obtient un entretien auprès du roi Louis XV. Le procès sera dès lors révisé, et un arrêt sera obtenu suite au combat de Voltaire. Une assemblée de quatre-vingts juges et le Conseil du Roi réhabiliteront Jean Calas en le déclarant finalement innocent le 9 mars 1765.
À savoir
Avec son intervention pour faire réviser le procès Calas, Voltaire est considéré comme le premier homme de lettres en France à s'investir publiquement dans une affaire judiciaire. Par l'Édit de Versailles, le 7 novembre 1787, Louis XVI met fin à la répression envers les protestants. La liberté de culte fut définitivement adoptée avec la Déclaration de l’homme et du citoyen, en août 1789.