Desiderius Erasmus, connu sous le nom d’Erasme, est né vers 1466 à Rotterdam. Considéré comme le prince de Humanistes, cet homme d’une grande érudition pose les bases d’un humanisme à la fois critique et modéré. Mais au-delà de son érudition, quelles valeurs défend-il à travers ses œuvres et son action ?


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    En 1511, Érasme publie Éloge de la folie, un pamphlet satirique dans lequel il critique les dérives de l'Église et de la société. Humaniste convaincu, il incarne une pensée où la raison, la tolérance et l'éducation sont les fondements du progrès.

    La vie d’Erasme

    Son éducation est marquée par la mort de ses deux parents - sa mère meurt en 1483 lors de l'épidémieépidémie de pestepeste - et son expérience dans une école de BoisBois-le-Duc qui s'achève lorsque le peste vient à nouveau s'immiscer dans la vie du jeune homme. Il est profondément marqué par les méthodes "barbares" qui y sont employées et par la rigidité de l'enseignement. De retour sous l'autorité de ses tuteurs légaux, il cède alors à leur pression, devient chanoine régulier puis prononce ses vœux au monastère de Stein vers 1488. Il est ordonné prêtre en 1492 avant de quitter le monastère l'année suivante. Sa parfaite maîtrise du latin lui permet de devenir secrétaire de l'évêque de Cambrai, Henri de Bergues. C'est en suivant l'évêque qu'il découvre Saint Augustin dans la bibliothèque du prieuré de Groenendael. Il obtient alors la permission de l'évêque de partir étudier à l'Université de Paris, il quitte alors sa région pour rejoindre Paris vers 1495. Dans ce haut lieu des études scolastiques, Erasme rencontre Robert Gaguin. Il se rend en Angleterre pour la première fois en 1499.

    Portrait d'Erasme par Hans Holbein le Jeune. National Gallery, Londres - © Wikimédia Commons, domaine public
    Portrait d'Erasme par Hans Holbein le Jeune. National Gallery, Londres - © Wikimédia Commons, domaine public

    Il y rencontre les penseurs anglais majeurs de son époque - Thomas More, John Colet ou encore Thomas Linacre, avec qui il noue de solides liens d'amitié. Que ce soit avec des penseurs, des élèves, de puissants laïcs ou encore des princes, il s'avère être un épistolier prolifique. Sa correspondance s'adresse à l'ensemble des cours européennes. Prolifique, il l'est également lorsqu'il s'agit de ses œuvres.

    L’importance de l’éducation et du savoir

    La conviction que l'éducation est la clé du progrès humain est au cœur de la pensée érasmienne. Il promeut une éducation fondée sur la paideia grecque, c'est-à-dire une formation complète de l'homme, alliant culture littéraire et développement moral. Dans son ouvrage LiberLiber ratione studii (1511), Érasme retranscrit son expérience en tant que précepteur à la toute fin du XVe siècle. Il propose une méthode d'éducation élémentaire qui repose sur une confiance fondamentale dans les capacités intellectuelles et cognitives des enfants quant à l'apprentissage. Il rejette avec force la coercition mais insiste sur l'importance du contrôle des connaissances. Il donne toute sa place à la rhétorique et à la maîtrise du verbe. Il poursuit sa réflexion sur la pédagogie tout au long de sa carrière puisqu'il publie en 1530 son oeuvre De pueris instituendis (De l'éducation des enfants),traité dans lequel il insiste sur l'importance d'une éducation fondée sur la vertu, les lettres classiques et le développement moral des enfants. Il envisage l'éducation comme un processus de formation morale qui doit mener à l'amélioration de l'individu et, par extension, de la société. 

    Érasme est également un fervent partisan de la reformatio intellectuelle, c'est-à-dire le retour aux sources pour échapper aux erreurs accumulées au fil des siècles. Il rédige une version critique du Nouveau Testament en grec, accompagnée d'une nouvelle traduction latine. (1516). Il réalise ce fastidieux travail à partir de 6 ou 7 manuscrits grecs afin d'identifier les différences avec la Vulgate. Il est alors accusé d'hérésie par l'Eglise. Sa traduction sert de base à toutes les traductions modernes du Nouveau Testament.

    La critique des abus de pouvoir

    Érasme, bien que lié à des cercles de pouvoir, n'hésite pas à critiquer les dérives de l'autorité, tant spirituelle que temporelle. Dans son célèbre ouvrage Éloge de la folie (1511), il utilise l'ironie pour dénoncer les abus de l'Église et des puissants. Publié en 1509 et dédié à son ami Thomas More, L'Éloge de la folie (Moriae Encomium) est une oeuvre satirique sous forme de déclamation écrite en latin vers 1509 en à peine quelques jours alors qu'Érasme séjournait en Angleterre. Elle se présente sous la forme d'un discours fictif prononcé par la Folie elle-même, découpé en 68 articles avec de nombreuses locutions grecques. 

    Moriae Encomium ou Eloge de la Folie. Erasme © Wikimédia Commons, domaine public
    Moriae Encomium ou Eloge de la Folie. Erasme © Wikimédia Commons, domaine public

    L'une des cibles principales d'Érasme dans L'Éloge de la folie est l'Église catholique, qui, selon lui, s'est éloignée des valeurs chrétiennes originelles. Il dénonce la corruption des clercs, l'hypocrisie des moines et l'arrogance des théologiens, tout en critiquant l'accumulation de richesses et les ambitions politiques de l'institution ecclésiastique. L'ouvrage est d'ailleurs interdit en 1559 par l'Eglise.

    Sans jamais être ouvertement hérétique, Érasme se permet une critique sévère des dogmes et des pratiques religieuses qui ont, à ses yeuxyeux, perverti le véritable esprit du christianisme. Par exemple, il se moque des indulgences vendues pour obtenir le salut et des rituels vides de sens auxquels les fidèles se livrent aveuglément. Loin de rejeter la foi chrétienne, Érasme appelle à une réforme morale de l'Église, qui devrait selon lui revenir à la simplicité des enseignements du Christ. Loin de se limiter à une critique acerbe, L'Éloge de la folie est ainsi un plaidoyer pour la tolérance et l'autocritique. En se moquant de tous, y compris de lui-même, Érasme invite chacun à prendre du recul par rapport à ses propres certitudes.

    Erasme prend d'ailleurs ses distances avec les idées de Luther lorsqu'il rédige en 1524 De libero arbitrio, traité théologique dans lequel Érasme défend la notion du libre arbitre contre la doctrine de la prédestination avancée par Martin Luther. 

    Il meurt peu de temps après son ami Thomas More, exécuté en aout 1535, puisqu'il s'éteint le 12 juillet 1536.