Les Pays-Bas espagnols sont jusqu’aux années 1640, bien plus vastes que la Belgique actuelle. Ils appartiennent au Saint-Empire romain germanique, plus précisément au Cercle de Bourgogne qui compte aussi la Franche-Comté. Ils incluent le duché de Luxembourg mais pas la région de Liège, principauté ecclésiastique neutre. Dans les années 1600, la frontière actuelle entre royaumes de Belgique et des Pays-Bas, est plus au sud que la limite entre Pays-Bas espagnols (ou méridionaux) et Provinces-Unies.
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Depuis le XVe siècle, les Pays-Bas constituent un grand foyer culturel où se développent divers courants religieux réformateurs et le mouvement humaniste. Ce dernier compte à sa tête Erasme, de Rotterdam. La brillante université de Louvain est fondée par Philippe le Bon en 1425 ; les premières presses à imprimer s'étant installées à Louvain en 1473, les Pays-Bas deviennent le plus important pôle d'imprimerie européen. Au début du XVIe siècle, Anvers en est la capitale économique, en raison de ses réseaux commerciaux et de ses capitaux.
Les Pays-Bas entrent dans l'opposition à l'Espagne
L'empereur germanique Charles Quint, roi d'Espagne, né à Gand (Belgique actuelle), va faire preuve d'une grande détermination contre « l'hérésie » protestante qui s'installe aux Pays-Bas, dès les années 1520. Sa lutte pour l'unité chrétienne est en fait un combat pour la cohésion des possessions dispersées des Habsbourg. Cette lutte contre les hérétiques sert la constructionconstruction d'un État moderne centralisé dont le droit d'intervention s'étend au domaine religieux. Des lois anti-protestantes connues sous le nom de « PlacardsPlacards » sont promulguées de 1520 à 1550. En 1555, Charles Quint abdique en faveur de son fils Philippe II d'Espagne : l'empereur a toujours été sensible aux évolutions sociales des Pays-Bas ; il y a passé toute sa jeunesse et parle couramment le néerlandais, le français et l'espagnol.
Philippe a grandi en Espagne et ne parle que l'espagnol : sous son règne, l'augmentation de la pression fiscale, la lutte contre le calvinisme et la politique de centralisation constituent de nombreuses causes de tensions avec la population des Pays-Bas. Philippe II propose à plusieurs représentants de la noblesse néerlandaise de participer aux États généraux, assemblée qui gouverne les dix-sept provinces des Pays-Bas. Il confie la charge de gouverneur à sa demi-sœur, Marguerite de Parme, née aux Pays-Bas et qui parle le néerlandais. Dès 1558, le parlement s'oppose aux exigences de Philippe II, en refusant de voter de nouveaux impôts et en exigeant le repli de l'armée espagnole.
Les diocèses des dix-sept provinces des Pays-Bas, hérités du Moyen Age, ne correspondent plus aux réalités géographiques et aux besoins administratifs. La création de nouveaux diocèses réclamée depuis des décennies, est finalement approuvée en mai 1559 mais elle est décidée en dehors des Pays-Bas sans la consultation des organisations religieuses locales. La population s'inquiète de la montée de l'absolutisme religieux catholique et du renforcement de l’Inquisition, officiellement introduite depuis 1524. Les manifestations des protestants se multiplient à travers le pays et en 1566, une délégation de membres de la noblesse présente une pétition à Marguerite de Parme, pour qu'elle mette un terme aux persécutions religieuses. C'est le début de la « révolte des Gueux » et des émeutes iconoclastes, menées par les calvinistes, ravagent les édifices religieux sur le territoire des Pays-Bas.
La rupture et la naissance des Provinces-Unies
Philippe II perd le contrôle des provinces du nord et envoie l'armée pour réprimer l'insurrection. En août 1567, le duc d'Albe fait son entrée à Bruxelles à la tête d'une armée de 10.000 hommes ; il institue un Conseil des troubles pour juger tous ceux qui s'élèvent contre la Couronne d'Espagne. À partir de 1568, Guillaume d'Orange va mener une véritable politique d'opposition qui aboutit d'abord à l'Union d'Arras, le 6 janvier 1579, avec les provinces du sud des Pays-Bas qui se soumettent à Philippe II. Puis, les sept provinces du nord (Hollande, Zélande, Gueldre, Frise, Utrecht, Overijssel, Groningue) répliquent le 23 janvier 1579 avec l'Union d'Utrecht. En 1581, les sept provinces à majorité protestante réclament leur indépendance par l'Acte de La Haye et constituent les Provinces-Unies.
Les dix provinces catholiques du sud restent sous le contrôle de la Couronne d'Espagne et deviennent les Pays-Bas espagnols. Les Pays-Bas méridionaux demeurés dans la monarchie espagnole ne sont pas assimilables à l'Espagne péninsulaire dont ils sont séparés par le territoire du royaume de France. Formant le principal domaine de l'ancien héritage bourguignon des Habsbourg, ils ont politiquement et juridiquement une personnalité spécifique, bien marquée. Pour maintenir son autorité, Philippe II va devoir composer avec la culture politique de ces anciens pays bourguignons, qui ont un profond attachement aux privilèges des provinces et des villes, et des habitudes d'autonomieautonomie bien ancrées.
Une période faste de courte durée
Une période s'avère particulièrement faste pour les Pays-Bas, celle dite « des Archiducs », l'infante Isabelle et l'archiduc Albert (fille et gendre de Philippe II), à partir de 1598. Jusqu'à la mort d'Albert en 1621, le contrôle espagnol demeure réel, grâce à la puissante armée des Flandres et à la situation géographique des Pays-Bas. Les Archiducs apparaissent comme des princes souverains et développent une autorité reconnue internationalement.
En 1621, l'infante Isabelle devient gouvernante des Pays-Bas mais la reprise de la lutte contre les Provinces-Unies réduit son autonomie. Des gouverneurs vont se succéder à Bruxelles jusqu'à la disparition du dernier Habsbourg d'Espagne en 1700 : ils doivent maintenir l'autorité du roi d'Espagne dont les soutiens financiers et militaires sont de plus en plus limités. Ils doivent également tenir compte des contre-pouvoirs réels que représentent les élites du pays, c'est-à-dire les villes, le clergé très puissant et la noblesse, qui dominent les institutions du gouvernement à tous les niveaux de l'Etat.
Les Pays-Bas espagnols, terrain des guerres européennes du XVIIe siècle
Les Pays-Bas espagnols vivent tout au long du XVIIe siècle, au rythme de la guerre. Ils jouent un rôle actif sur la scène politique européenne, avec le chaleureux accueil réservé à une série de prestigieux réfugiés politiques, utiles à la cause espagnole, comme la reine Marie de Médicis et son fils Gaston d'Orléans, le duc Charles IV de Lorraine, la reine Christine de Suède ou le futur roi d'Angleterre Charles II. Face aux Provinces-Unies, la lutte dure sans interruption jusqu'à la conclusion d'une trêve de douze ans en 1609. Elle reprend en 1621 pour s'achever en 1648, avec la paix de Westphalie.
À partir des années 1640-1650, les meilleurs alliés de la survie des Pays-Bas espagnols sont les Hollandais, inquiets des ambitions du roi de France qu'ils ne veulent pas voir devenir leur voisin. La prise d'Arras en 1640, par Louis XIII et Richelieu, marque un tournant historique mais la Fronde (entre 1648 et 1653) permet à la monarchie de Philippe IV d'Espagne de reprendre Dunkerque et Barcelone. L'affrontement décisif a lieu près de Dunkerque en 1658 : les Français alliés aux Anglais de Cromwell l'emportent sur une armée d'Espagnols et d'Anglais royalistes. La paix des Pyrénées de 1659 empêche la conquête des Pays-Bas espagnols par l'armée française dirigée par Turenne.
Louis XIV rachète Dunkerque aux Anglais en 1662, avant de se lancer dans les guerres de Dévolution (1667-1668), puis de Hollande (1672-1678), qui amputent les Pays-Bas espagnols d'un bon tiers de leur superficie. Les Pays-Bas sont devenus l'enjeu de guerres intermittentes et un terrain d'affrontement pour les armées des principales puissances européennes. Après la guerre de Succession d'Espagne qui s'achève en 1713, les Pays-Bas espagnols sont désormais autrichiens.