La création des académies royales au XVIIe siècle s’inscrit dans un mouvement d’encadrement de la vie culturelle et artistique, voulu par la monarchie absolue qui souhaite rassembler les érudits, scientifiques et créateurs les plus remarquables. La liaison entre savoir et pouvoir apparaît dès la première fondation, en 1635, et le dialogue entre académiciens et pouvoir royal s’est maintenu jusqu’à la Révolution.
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La première moitié du XVIIe siècle est marquée par le souhait des élites urbaines (bourgeoisie et noblesse de robe), d'accéder au savoir et d'en diversifier le contenu. Ces élites aspirent à un mode de diffusion du savoir imitant l'académisme italien, tout en voulant créer de nouveaux lieux de communication savante. Parmi les premières académies, certaines diffusent des savoirs constitués tandis que d'autres privilégient l'effort de recherche et réunissent des savants désireux de faire progresser la connaissance, tels Descartes, Pascal, Fermat, Roberval...
Sont successivement instituées l'Académie française (1635), l'Académie royale de peinture et de sculpture (1648), l'Académie royale des inscriptions (1663) devenue en 1716 Académie royale des inscriptions et belles-lettres, l'Académie des sciences (1666), l'Académie de France à Rome (1666), l'Académie royale de musique (1669) et l'Académie royale d'architecture (1671). Nous allons nous attacher à trois d'entre elles en particulier.
La naissance de l’Académie française
La plus ancienne des académies qui composent aujourd'hui l'Institut de France est l'Académie française. À l'origine de l'institution, un cercle privé d'écrivains organisent depuis 1629, des réunions littéraires chez Valentin Conrart secrétaire du roi Louis XIII. En janvier 1634, le cardinal de Richelieu apprend l'existence de ce cénacle et espère détourner au service de la monarchie, cette nouvelle génération d'Hommes de lettres afin qu'ils travaillent à embellir et perfectionner la langue française, vue comme un instrument unificateur de la monarchie absolue. Richelieu prend l'académie sous sa protection et la dote de statuts le 29 janvier 1635 : il en fait une institution officielle qui reçoit le nom symbolique d'« Académie françoise » ; Conrart devient le premier secrétaire perpétuel. La nouvelle académie a pour mission de clarifier et d'affiner la langue française, avec pour devise « à l'immortalité ».
Poètes, romanciers et Hommes de lettres rejoignent les vingt-six membres du cercle de Conrart pour parvenir à un effectif de quarante (toujours actuel). La nouvelle Académie se voit confier la production d'un dictionnaire, d'une grammaire et d'une rhétorique de la langue française. La rédaction du dictionnaire s'embourbe dans d'incessants débats, les académiciens sont peu motivés et bénévoles. Richelieu décide de rémunérer le linguiste Claude Favre de Vaugelas pour qu'il se consacre à temps plein au Dictionnaire de l'Académie françoise ; Vaugelas décède en 1650, à la lettre I, et il faudra encore plus de quarante ans de gestationgestation avant la naissance de ce fameux ouvrage, en 1694. Les académiciens ont réussi à sélectionner 18.000 termes, en s'accordant sur un code précis du bon usage de la langue française. Outre Vaugelas, on peut citer Corneille, Racine, Colbert, Bossuet, Perrault, La Fontaine, Boileau, La Bruyère, Fénelon... parmi ces académiciens du XVIIe siècle.
L'Académie des inscriptions (et belles-lettres)
Instituée par Colbert en 1663 et dénommée la « petite académie », l'Académie des inscriptions sera transformée en 1716, en Académie des inscriptions et belles-lettres. Louis XIV fixe aux académiciens le but de leurs travaux : « Vous pouvez, Messieurs, juger de l'estime que je fais de vous, puisque je vous confie la chose du monde qui m'est la plus précieuse, qui est ma gloire ». La « petite académie » a pour tâche de superviser toutes les représentations érigées à la gloire du monarque : sous le nom d'Académie des inscriptions et médailles en 1683, elle est chargée de trouver les devises latines et françaises qui seront inscrites sur les édifices, les médailles et les monnaies du roi. Ses membres choisis parmi les meilleurs latinistes de l'Académie française, donnent même leur avis sur les sujets très divers : choix des dessins pour les tapisseries des appartements royaux, choix des statues...
Très rapidement cependant, l'Académie des inscriptions va s'occuper d'archéologie et d'histoire : une ordonnance de 1701 la transforme en véritable institution d'État, confirmée par lettres patentes en février 1713. De 1717 à 1793 (date de sa dissolution), l'académie publie plus de trois cents mémoires historiques majoritairement consacrés à la Gaule et au Moyen Âge : géographie ancienne, littérature, sciences auxiliaires de l'histoire (épigraphie, numismatique, sigillographie), histoire des institutions et des coutumes. Les travaux des académiciens s'appuient sur des documents archéologiques et des sources écrites, leur permettant d'être considérés comme les fondateurs de la science historique en France. C'est une académie de très grand prestige au XVIIIe siècle.
L’Académie des sciences
Le formidable développement scientifique, les débats ouverts entre sciences et philosophie, l'avance institutionnelle prise par l'Angleterre, ne laissent pas la monarchie française sans réponse. En 1666, Colbert persuade Louis XIV de créer une institution analogue à la Royal Society de Londres, fondée huit ans plus tôt. Le ministre comprend tout le bénéfice pour le roi, à favoriser et contrôler le développement des sciences. Il choisit des savants mathématiciensmathématiciens, astronomesastronomes, physiciensphysiciens, anatomistes, botanistesbotanistes, zoologisteszoologistes et chimistes qui tiennent leur première séance le 22 décembre 1666 dans la bibliothèque royale à Paris.
Colbert fait appel au physicien et astronome hollandais Christiaan Huygens (1629-1695) qui propose plusieurs projets de recherche à la jeune académie, notamment la création d'un catalogue recensant et décrivant toutes les plantes connues. Des moyens importants sont mis à disposition des savants et de leurs activités : un observatoire astronomique sous la tutelle de l'Académie des sciences est implanté au sud de Paris sur un terrain acquis par Colbert dès mars 1667. Un versement régulier de pensions et de gratifications entretient le zèle des académiciens ! Il faut toutefois attendre 1699 pour que l'Académie soit dotée d'un règlement précis lui conférant le statut d'institution publique. Ses membres nommés par le roi après présentation par l'Académie, sont classés en trois catégories : les pensionnaires (cinquante-six personnes rémunérées), les honoraires (issus de la haute noblesse et du haut clergé) et les associés (savants étrangers).
En 1676, l'Académie des sciences publie Mémoires pour servir à l'Histoire des Plantes, ouvrage fondateur de la science botaniquebotanique. En effet, à la description de chaque plante est joint pour la première fois une analyse chimique et des études de physiologie végétale. L'Académie met en œuvre à la fin du XVIIe siècle, la Description des arts et métiers, monumentale collection d'ouvrages périodiques sur les métiers artisanaux, qui fera une concurrence certaine à l'Encyclopédie de Diderot dans les années 1770.
À noter
Sous la Révolution, le décret du 8 août 1793 ordonne la suppression de « toutes les académies et sociétés littéraires patentées ou dotées par la Nation ». Les trois académies précédemment décrites, sont regroupées en 1795 au sein de l'Institut de France.