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La guerre de Sept Ans se déploie sur deux tableaux, terrestre et maritime : de 1756 à 1763, un conflit continental européen oppose Prusse et Autriche avec leurs alliés respectifs, et cette fois-ci la France est alliée de l'Autriche (une première depuis François Ier). De 1755 à 1763, le conflit extraeuropéen se répartit sur deux grands ensembles : Amérique du Nord et archipelarchipel antillais d'une part, Afrique, océan Indien et Inde d'autre part. L'affrontement franco-anglais devient une guerre maritime et coloniale à l'échelle mondiale.
Bataille navale entre l’escadre anglaise des amiraux Osborne et Saunders et l’escadre française de Duquesne, au large de Carthagène (Espagne), le 25 février 1758. Collection Hennin, Estampes relatives à l’Histoire de France, tome 103, période 1758-1759, BNF. © BNF, domaine public
En dépit des nombreux succès militaires anglais de l'année 1762, c'est le gouvernement du roi George III qui demande à engager des préliminaires de paix, signés à Fontainebleau en novembre 1762. Le traité définitif est celui de Paris, signé entre Angleterre, France et Espagne, le 10 février 1763 : il va servir à redéfinir leurs domaines coloniaux respectifs.
Des négociations à l’échelle mondiale
Du côté français, la négociation porteporte essentiellement sur la conservation des intérêts économiques : Louis XV et son ministre Choiseul s'efforcent de maintenir les bases du grand commerce colonial, c'est-à-dire « l'empire sucrier » français, le commerce triangulaire (la traite esclavagiste) et les comptoirs des Indes. Ils ne vont pas hésiter à sacrifier les possessions continentales d'Amérique du Nord.
Les premières discussions concernent le sort des colonies américaines, Nouvelle-France et Antilles. George III et son Premier ministre ne veulent pas conserver toutes les conquêtes : ils craignent que la Guadeloupe et la Martinique fassent de la concurrence aux intérêts commerciaux de la Jamaïque (possession anglaise). Par contre, sous la pression des colons de Nouvelle-Angleterre, ils désirent garder le Canada, ce qui coïncide avec la position française. En effet l'économie de la Nouvelle-France, comparée à celle de la métropole, est jugée sans grand intérêt hormis la traite des fourrures, seul commerce d'exportation considéré comme rentable. Les « îles à sucresucre » (Antilles ainsi surnommées) constituent un enjeu majeur pour le commerce colonial français et doivent être récupérées à tout prix.
Succès diplomatique pour la France
Louis XV et Choiseul n'hésitent pas entre Canada et Antilles : ils estiment qu'en récupérant les Antilles, ils remportent un succès diplomatique. L'analyse des clauses du traité montre que l'abandon de l'Amérique du Nord est total : la France renonce au Canada, à la Louisiane à l'est du Mississippi sauf la Nouvelle-Orléans. En fait, elle s'est engagée secrètement à rétrocéder la Louisiane occidentale à l'Espagne, en dédommagement de la cession de la Floride espagnole à l'Angleterre. La France conserve uniquement la liberté de pêchepêche sur la côte nord de Terre-Neuve et les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon : ces concessions faites pour raison économique aux pêcheurs normands et basques vont être à l'origine de conflits réguliers entre pêcheurs français et anglais à Terre-Neuve !
En Afrique, la France perd ses établissements commerciaux à Saint-Louis du Sénégal mais conserve l'île de Gorée pour le maintien de la traite esclavagiste. Le domaine des Indes, après avoir représenté les deux tiers du sous-continent indien, est désormais constitué de cinq comptoirs : Pondichéry dévasté par les Anglais en 1761, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mahé. La France conserve les Mascareignes (îles la Réunion, Maurice, Rodrigues) dans l'océan Indien.
Combat naval de Port Mahon en mai 1756 : l’escadre française du marquis de La Galissonière remporte la victoire sur l’escadre anglaise de l’amiral Byng, pour le contrôle de l’île de Minorque. Collection Hennin, Estampes relatives à l’Histoire de France, tome 172, période 1643-1824, BNF. © BNF, domaine public
Le gouvernement français est très satisfait du succès de sa diplomatie qui, selon lui, a permis de limiter les effets désastreux de la guerre. Voltaire approuve dans une lettre écrite à Choiseul : « Je suis comme le public, j'aime beaucoup mieux la paix que le Canada, et je crois que la France peut être heureuse sans Québec. » Les ports français qui ont pratiqué un important négoce avec la Nouvelle-France, comme La Rochelle, ont tenté de protester durant les négociations du traité de Paris mais leurs plaintes apparaissent comme la défense d'intérêts privés, donc de peu d'intérêt au regard de ceux de la Compagnie des Indes, à préserver en priorité selon la monarchie française.
Première page du traité de Paris du 10 février 1763. À Paris, par l’Imprimerie royale, 1763, Bibliothèque nationale de France. © BNF, domaine public
Un bilan plutôt contrasté
La guerre de Sept Ans est considérée comme la première guerre mondiale par de nombreux historienshistoriens. Le bilan humain, uniquement militaire, varie entre 600.000 et 700.000 morts. Les civils ont payé un tribut encore plus élevé au conflit : le nombre de morts dépasse certainement le million. Sur le plan économique, le coût est exorbitant : plus d'un milliard de livres pour la France, le montant de sa dette est multiplié par deux ; l'Angleterre voit également son endettement doubler entre 1755 et 1763. Sur le plan politique, la Prusse et la Russie se posent désormais en puissances émergentes de l'Europe centrale alors que l'Angleterre se constitue un véritable empire colonial aux dépens de sa rivale française. La France subit un affaiblissement politique en Europe mais son empire colonial constitue, au XVIIIe siècle, une période de fort dynamisme économique que le traité de Paris de 1763 ne va pas arrêter. L'après-guerre de Sept Ans se caractérise par l'exploitation intégrale des Antilles (grâce à la traite des esclaves !) ; l'économie coloniale contribue largement à l'économie nationale jusqu'à la Révolution de 1789.