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À la fin XIXe siècle, le contexte social est tendu en ce début de IIIe République. L'Empire allemand vient d'annexer l'Alsace et une partie de la Lorraine, en 1871. Haine et nationalisme, esprit revanchard et antisémitisme alimentent cette tension.
Polytechnicien et militaire, le capitaine Alfred Dreyfus est accusé de trahison, à tort, pour avoir fourni à l'Empire allemand des informations confidentielles. Il est condamné à perpétuité au bagne de Cayenne à la fin de l'année 1894.
À gauche, Alfred Dreyfus, avant 1894. © Henri Roger-Viollet. Source Encyclopædia Britannica, DP. À droite, Zola, 1899. © Auteur inconnu, Wikimedia Commons, DP
L'intervention d'Émile Zola dans l'affaire Dreyfus
Sollicité par la famille Dreyfus, et peu à peu convaincu de l'erreur judiciaire, Émile Zola finit par s'investir dans cette affaire. Dès 1897, il mène et publie ses contre-enquêtes qui suscitent de vives polémiques, et dénonce la presse, majoritairement antidreyfusarde. Celle-ci, par conviction ou par crainte de perdre son lectorat, ferme peu à peu ses colonnes à l'écrivain.
Jugé à huis clos, le véritable coupable, le commandant Walsin Esterhazy, est acquitté le 11 janvier 1898 au terme d'une parodie de jugement orchestrée et manipulée par les militaires magistrats.
Le verdict scandalise Émile Zola et le pousse à réagir alors même qu'il s'expose à des poursuites judiciaires en accusant nominativement quelques-uns des membres du corps de l'armée.
Deux jours après l'acquittement du traître, le célèbre article, « J'accuse...! », signé Émile Zola est publié le 13 janvier 1898, à la Une du journal L'Aurore. L'intellectuel engagé révèle le scandale que subit le capitaine Dreyfus. C'est un événement médiatique fracassant visant l’État-major et l'État ! Par son habileté rhétorique, ses dons d'orateur, Émile Zola met sa plume au service du combat contre l'injustice et l'intolérance.
« Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour ! J'attends ». Ce sont les mots de conclusion du long réquisitoire de Zola, publié le 13 janvier 1898, dans le journal L'Aurore pour dénoncer l'iniquité de la condamnation de Dreyfus. © Gallica, Wikimedia Commons, DP
Zola, intellectuel engagé, dénonce le complot contre Dreyfus
Avec cette lettre ouverte au Président de la IIIe République, Félix Faure, L'Aurore offre une tribune à l'auteur à succès de l'époque. L'article, composé de 4500 mots sur six colonnes, pleine page, dénonce le complot contre Alfred Dreyfus et ses instigateurs. Avec son titre en manchette, ses deux majuscules initiales et sa composition typographique particulièrement soignée, l'article fait sensation et le journal L'Aurore tire à plus de 200.000 exemplaires. Émile Zola réussit ainsi à ouvrir un débat public autour de la condamnation. L'engagement politique de l'intellectuel porteporte ses fruits. Preuve de sa réussite, le journal Le Temps publie, quant à lui, une pétition pour réviser le procès du capitaine Dreyfus, signée par des personnalités importantes et notamment, les grands auteurs et artistes de sa génération.
Ce « Jeu de l'affaire Dreyfus et de la vérité » (version française du jeu de l'oie de l'année 1898) caricature et illustre le climat de tensions qui a ébranlé la IIIe République pendant douze ans. © Source Assemblée nationale, Wikimedia Commons, DP
Les procès Zola dans l'affaire Dreyfus
Le ministre de la Guerre porte plainte aux Assises contre Émile Zola. Son procès se déroule en février 1898 et permet de divulguer les informations de cette condamnation auprès du grand public. La France est divisée entre les dreyfusards et les antidreyfusards. La foule se presse au tribunal et le procès se fait plus dur. Au final, Émile Zola est condamné à un an d'emprisonnement. L'auteur se pourvoit en cassation mais est de nouveau condamné. Entre-temps, il a quitté la France pour l'Angleterre. En juin 1899, son jugement est cassé et Zola peut revenir dans son pays natal où il est toujours haï par les antisémites, les militaires et les nationalistes.
En août 1899, Alfred Dreyfus est une fois de plus reconnu coupable et condamné à dix ans de réclusion mais les circonstances atténuantes évoquées laissent entrevoir un espoir. En effet, le nouveau président Émile Loubet gracie Dreyfus le 19 septembre 1899. Gracié mais pas encore innocenté.
Ouverture des débats au second procès du capitaine Alfred Dreyfus devant le Conseil de Guerre de Rennes en août 1899. © Valerian Gribayedoff, Wikimedia Commons, DP
Après l’Affaire Dreyfus
Émile Zola meurt en 1902 alors qu'Alfred Dreyfus n'est pas encore totalement blanchi. C'est en juillet 1906 que le capitaine Dreyfus est réellement réhabilité par la France, et nommé Chevalier de la Légion d'honneur. La Cour de cassation ayant cassé le verdict de 1899. Il réintégrera l'armée, participera à la guerre de 1914-1918, deviendra colonel et mourra en 1935.
Lors de la cérémonie du transfert des cendres d'Émile Zola au Panthéon, le 4 juin 1908, Alfred Dreyfus, blessé, échappe à l'attentat contre sa personne, commis par Louis Gregori, journaliste, nationaliste, militariste et antisémite. Il sera acquitté.