Les neutrinos sont omniprésents dans l'Univers où ils sont plus nombreux que les photons du rayonnement fossile et même, de très loin, que les particules de matière ordinaire. Très difficiles à détecter, on cherche pourtant à étudier ceux du Big Bang.


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    Depuis le début de l'astronomie et plus encore avec l'avènement de l'astrophysique au XIXe siècle, la lumière est le médium qui nous permet d'étudier et de comprendre l'Univers. Il est une lumière qui est particulièrement importante en cosmologie, c'est celle qui a été étudiée à l'aide du satellite Planck : le fameux rayonnement fossile ou cosmic microwave background (CMB). Étroitement lié à la théorie du Big Bang, il a été émis environ 380.000 ans après la naissance du cosmoscosmos observable lorsque sa température est passée sous la barre des 3.000 degrés kelvinkelvin environ, du fait de son expansion qui a refroidi le gazgaz (ou plus exactement le plasma) de particules primordiales. Les photonsphotons ont alors cessé d'interagir avec les noyaux et les électronsélectrons qui se sont assemblés pour former les premiers atomesatomes neutres.

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    À la recherche des neutrinos

    Le CMB qui nous parvient aujourd'hui a été émis, non seulement il y a longtemps, mais aussi à une très grande distance de la Voie lactéeVoie lactée. Son étude illustre le fait qu'observer de plus en plus loin dans l'univers revient à effectuer un carottagecarottage de plus en plus profond dans les stratesstrates de l'histoire de l'espace-tempsespace-temps. On peut aussi dire, par analogieanalogie, que dans le cas du CMB, cela ressemble de ce point de vue à chercher à voir ce qui se passe sous la surface du SoleilSoleil. En effet, à un certain point de cette remontée dans le temps, le cosmos devient si dense et chaud que les atomes ne pouvaient exister, empêchant les photons de se déplacer librement. Au-delà, il nous est donc impossible d'obtenir des informations directes. L'univers est pour nous, en quelque sorte, opaque.

    Voir plus en profondeur, c'est-à-dire en fait plus tôt, est alors possible en utilisant d'autres messagers et une autre astronomie.


    Antoine Kouchner et Stéphane Lavignac retracent l’histoire passionnante du neutrino et nous font découvrir les grandes expériences consacrées à ce messager de l’infiniment grand et de l’infiniment petit dans un livre publié aux éditions Dunod et qu'accompagne cette vidéo de présentation. Antoine Kouchner est professeur à l’université Paris Diderot et directeur du laboratoire AstroParticule et Cosmologie. Il est également responsable scientifique de la Collaboration internationale Antares qui exploite le premier télescope sous-marin à neutrinos, dont le successeur, KM3NeT, est en construction en Méditerranée. Stéphane Lavignac est physicien au CNRS et effectue ses recherches à l’Institut de physique théorique de Saclay. Ses travaux portent sur la théorie des particules élémentaires et sur les conséquences des masses des neutrinos en physique des particules et en cosmologie.© DunodVideos

    Or, il se trouve qu'environ une seconde après le début de l'univers observable, dans le modèle standard de la cosmologiemodèle standard de la cosmologie relativiste, la température du cosmos était de 10 milliards de degrés et sa densité était comparable à celle de l'eau. L'univers contenait une soupe de leptonsleptons, de photons et surtout de protonsprotons et de neutronsneutrons se transformant les uns dans les autres en absorbant et émettant... des neutrinos (ces particules fantomatiques dont l'existence avait été prédite dans les années 1930 par le physicienphysicien Wolfgang PauliWolfgang Pauli et dont une première théorie a été développée par Enrico FermiEnrico Fermi). En dessous de ce seuil de température qui correspond à des énergiesénergies pour les neutrinosneutrinos de l'ordre de 1 MeV, ils ont cessé d'interagir avec les nucléonsnucléons pour se propager finalement librement dans l'espace.

    L’astronomie des neutrinos, une fenêtre sur l’univers primitif

    Il existe donc, en plus du fond diffus cosmologiquefond diffus cosmologique de photons, un rayonnement cosmologique de neutrinos qui nous donnerait directement accès - si l'on pouvait l'observer, le mesurer et le cartographier - à une image de l'état de l'univers lorsqu'il n'était âgé que de quelques secondes tout au plus. Ce fond cosmologique de neutrinos (cosmic neutrino background soit CNB ou encore CνB, lire C-nu-B), nous pouvons l'observer indirectement par ses effets sur le rayonnement fossilefossile comme l'ont montré les analyses récentes des mesures de la mission Planck.

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    À la recherche des neutrinos : Messagers de l'infiniment grand et de l'infiniment petit (Quai des Sciences, Dunod)

    Mais le mettre directement en évidence représente un défi technologique que tentent de relever les membres du Princeton plasma physics laboratory (PPPL) à travers le projet Ptolemy (Princeton tritiumtritium observatory for light, early universe massive neutrino yield).

    En effet, les neutrinos interagissent très faiblement avec la matièrematière quand ils sont à basse énergie. Certes, il existe plus de neutrinos fossiles que de photons fossiles dans le cosmos. On estime même qu'il en existe environ 450 par cm3. Mais du fait de l'expansion de l'univers et de son refroidissement, la température moyenne du CNB est aujourd'hui de seulement 1,95 kelvin, soit légèrement plus froide que celle du CMB (2,725 K). On est donc loin des 10 milliards de kelvins initiaux. À une température aussi basse, les neutrinos cosmologiques semblaient, pour beaucoup, insaisissables puisque capables de traverser en moyenne, pour chacun d'entre eux, un bloc de ferfer d'une année-lumièreannée-lumière d'épaisseur.

    Une vue du prototype de l’expérience Ptolemy, le nom en anglais du célèbre astronome de l’Antiquité, Ptolémée. À terme, elle utilisera 100 g de tritium. © Elle Starkman, PPPL Office of Communications
    Une vue du prototype de l’expérience Ptolemy, le nom en anglais du célèbre astronome de l’Antiquité, Ptolémée. À terme, elle utilisera 100 g de tritium. © Elle Starkman, PPPL Office of Communications

    C'était sans compter sur les progrès des détecteurs de particules utilisant le phénomène de supraconductivité ainsi que sur les découvertes des nanosciences. L'idée de base est que de tels détecteurs absorbant une particule qui y dépose de l'énergie s'échauffent localement et cessent d'être alors dans un état supraconducteursupraconducteur. Ce qui se manifeste par un brusque saut de la résistancerésistance dans un des capteurscapteurs de l'appareil.

    L'expérience Ptolemy consistera à utiliser ce type de calorimètre pour mesurer l'énergie des électrons émis par la désintégration de noyaux de tritium déposés sur un feuillet de graphènegraphène. La théorie de la désintégration bêtabêta pour cet isotopeisotope bien connu de l'hydrogènehydrogène implique que les électrons émis ne peuvent pas posséder une énergie supérieure à une valeur bien déterminée. En sélectionnant à l'aide d'un champ magnétiquechamp magnétique, les électrons les plus énergétiques émis par les noyaux de tritium, il est possible de mesurer leurs énergies avec un calorimètre supraconducteur refroidi à une température inférieure à 0,1 K. Toujours d'après la théorie de l'interaction électrofaible à la base de celle de la désintégration bêta, on sait que ces électrons ont une faible probabilité d'absorber une partie de l'énergie des neutrinos du CNB. Certains d'entre eux déposeront donc dans le calorimètre, plus d'énergie qu'il n'est en théorie possible en l'absence de collision avec un neutrino si le système est suffisamment protégé par les effets d'un bruit de fond causé par d'autres particules que les neutrinos.

    In fine, la distribution des énergies des électrons mesurée par Ptolemy devrait montrer la présence d'au moins un pic (une augmentation de la résolutionrésolution montrerait trois pics associés aux trois types de neutrinos du modèle standard) au-dessus de la valeur maximale des énergies des électrons issus de la désintégration bêta des noyaux de tritium. L'expérience devrait alors permettre de mesurer indirectement des caractéristiques des neutrinos cosmologiques, comme leurs masses et leur densité.

    En montant la quantité de tritium jusqu'à 100 grammes, l'expérience Ptolemy deviendra plus sensible et permettra peut-être, alors, de mettre en évidence des neutrinos stérilesneutrinos stériles, des  fermions de Majorana, dans l'hypothèse où ils constitueraient bien une part non négligeable de la matière noire. Cela pourrait alors apporter aussi une clé pour résoudre l'énigme de l'antimatière cosmologique.