L'hypothèse de l'historicité de la guerre de Troie constitue aujourd’hui encore un véritable débat de l'historiographie antique. Cette problématique, qui interroge la frontière entre mythe et histoire, s'inscrit dans un questionnement plus large sur la transmission de la mémoire des événements dans les sociétés de l'âge du bronze tardif.
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La guerre de Troie, immortalisée par Homère dans l'Iliade, est l'un des récits centraux de la mythologie grecque. Elle raconte le siège de la ville de Troie par une coalition de guerriers grecs, déclenché par l'enlèvement d'Hélène, épouse de Ménélas, roi de Sparte, par le prince troyen Pâris. Ce conflit, qui aurait duré dix ans, met en scène des héros légendaires tels qu'Achille, Hector et Ulysse, et se termine par la ruse du cheval de Troiecheval de Troie, ruse qui conduit à la chute de la cité. Cependant, la question de l'historicité de cette guerre suscite encore aujourd'hui des débats parmi les historienshistoriens et les archéologues.
Les sources littéraires : entre mythe et réalité
L'Iliade, composée probablement au VIIIe siècle av. J.-C., est la principale source de notre connaissance de la guerre de Troie. Elle se concentre sur une période de 52 jours durant la dernière année du siège, sans aborder en détail les causes initiales ni le dénouement du conflit. D'autres œuvres, aujourd'hui perdues, font partie du "Cycle troyen" et complètent ce récit. Il est important de noter que ces textes mêlent éléments mythologiques et possibles récits d'événements historiques. Les historiens antiques eux-mêmes sont partagés sur la question. Thucydide, par exemple, considère que la guerre de Troie a été exagérée par les poètes, tandis qu'HérodoteHérodote met en doute certains aspects du récit homérique.
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Les découvertes archéologiques : la cité de Troie mise au jour
Au XIXe siècle, l'archéologue Heinrich Schliemann entreprend des fouilles sur le site de Hisarlik, dans le nord-ouest de l'Anatolie, et identifie les vestiges d'une cité fortifiée qu'il associe à la légendaire Troie. Les couches archéologiques révèlent une succession de villes construites les unes sur les autres. Parmi elles, Troie VI (environ 1750-1300 av. J.-C.) présente des fortifications impressionnantes, qui correspondent à la description homérique de la "Troie solidement bâtie". Cette couche montre des signes de destruction partielle, notamment des traces d'incendie et des pointes de flèches en bronze, ce qui suggère un conflit armé vers 1250 av. J.-C.
Cependant, l'interprétation de ces découvertes reste sujette à caution. Les fouilles menées au début du XXe siècle montrent que cette destruction est plus probablement due à un tremblement de terretremblement de terre, comme en témoignent les caractéristiques des mursmurs effondrés. C'est plutôt Troie VIIa qui présente des traces de conflit violent, avec des signes d'incendie et des pointes de flèches retrouvées dans les débris.

Les fouilles archéologiques menées sur le site de Troie (Hisarlik) montrent que la culture matérielle de la cité partageait des caractéristiques à la fois avec l'Anatolie (influence hittite) et avec la mer Égéemer Égée. Par exemple, certains éléments architecturaux, tels que les fortifications et les maisons, rappellent les stylesstyles anatoliens, tandis que des objets, comme des poteries, montrent une influence mycénienne. Si la guerre de Troie a une base historique, elle pourrait être moins un affrontement culturel (Grecs contre Troyens) qu'un conflit pour le contrôle de routes commerciales stratégiques et de territoires. La position de Troie, à l'entrée de l'Hellespont (aujourd'hui les Dardanelles), en faisait une place centrale pour le commerce entre la mer Égée, la mer Noiremer Noire et l'Anatolie.
Les relations entre Mycéniens et Hittites : un contexte propice aux conflits
Les Hittites exerçaient une domination étendue sur une grande partie de l'Anatolie et entretenaient des relations diplomatiques et militaires avec les royaumes voisins. Les archives hittites mentionnent une région appelée Wilusa, que de nombreux spécialistes associent à la Troie homérique, également connue sous le nom grec d'Ilios. Un document particulièrement important est le "traité d'Alexandrie" (ou traité d'Alaksandu), daté du XIIIe siècle av. J.-C., dans lequel un roi de Wilusa appelé Alaksandu établit une alliance avec le roi hittite Muwatalli II. Ce texte atteste que Wilusa joue un rôle dans le système politique complexe de l'Anatolie occidentale et qu'elle est d'un intérêt stratégique pour les Hittites, comme carrefour de routes commerciales reliant les espaces méditerranéens et proche-orientaux. Les textes hittites mentionnent également les Ahhiyawa, un terme que la majorité des chercheurs identifie aux Achéens, c'est-à-dire les Mycéniens de la tradition homérique. Les Ahhiyawa apparaissent dans plusieurs documents hittites comme une puissance d'outre-mer impliquée dans des conflits locaux en Anatolie. Une lettre célèbre, connue sous le nom de "lettre de Tawagalawa", adressée par un roi hittite à un dirigeant Ahhiyawa, évoque un différend territorial autour de cités anatoliennes.
La guerre de Troie n'est probablement pas une pure invention. Les preuves archéologiques et historiques suggèrent qu'un ou plusieurs conflits importants ont eu lieu autour de Troie à la fin de l'âge du bronze. Le génie d'Homère fut de transformer ces événements en une épopée intemporelle qui continue de fasciner l'humanité.