Lorsque l’on dit que l’on est archéologue, on entend souvent : « ah oui, Indiana Jones », « tu es allé en Égypte ? » comme s’il n’existait de l’archéologie que dans ce pays, certes merveilleux mais tout de même.
L’archéologie fait aisément fantasmer. On pense à cités perdues, trésors enfouis dans une jungle inhospitalière… La réalité est toute autre, et davantage « terre à terre » !
Au fil du temps, l’archéologie s’est doté de moyens et de techniques. Aujourd’hui, l’archéologie, un terme issu de l’étymologie grecque arkhaios « ancien » et logos « discours », a pour objet de comprendre l’histoire des civilisations depuis les origines jusqu’à aujourd’hui – il existe une archéologie dite « industrielle » – par l’étude de tous les vestiges qu’elles ont laissé, ce que l’on appelle leur culture matérielle. Au-delà de l’Homme, dont l’archéologue tente de reconstruire l’histoire, c’est également son environnement que le chercheur tentera de mettre au jour, dans une large acception : écologique, sociétale, économique… En somme, l’archéologie tend à restituer la plupart des aspects de la vie des sociétés humaines qui se sont succédé sur Terre depuis les origines de l’Homme.
Stricto sensu, l’archéologue utilise comme base de son étude tous les vestiges laissés par l’Homme : ce sont bien sûr les monuments, de pierre ou de bois, lorsqu’ils existent (ce qui est loin d’être le cas notamment en archéologie de la préhistoire et de la protohistoire), mais aussi tous les artefacts et les écofacts retrouvés lors des fouilles, parfois les seuls à subsister. Le premier terme recouvre les objets fabriqués par la main de l’homme : poteries, bijoux, pierres taillées, vêtements, pièces de monnaies, etc. Le second est défini par défaut, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas directement façonné par une action humaine ; il est ainsi souvent le résidu d’une activité : charbons, restes de repas (ossements d’animaux), restes de graines dans un silo, etc.
Il faut distinguer deux types d’archéologie en France : les fouilles dites « programmées » et les fouilles dites « préventives ». Si leur déroulement est le même, la logique d’intervention de l’archéologue est grandement différente. Pour les premières, les fouilles sont motivées par une démarche de recherche, indépendamment d’éventuelles menaces qui pourraient planer sur un site (destruction à cause d’un projet d’aménagement du territoire par exemple). L’autre catégorie est celle de l’archéologie préventive qui, comme son nom l’indique, vient au préalable à une éventuelle destruction du site, bien souvent par des projets immobiliers ou d’infrastructures telles que des lignes de chemin de fer, des autoroutes, des zones d’aménagement concerté (ZAC), etc. Cette archéologie de protection constitue environ 90 % de l’activité archéologique en France, car elle s’est dotée d’une législation spécifique.
Face aux surfaces parfois importantes que doivent traiter les archéologues (aménagement de vastes zones de plusieurs hectares, voire dizaines d’hectares), l’emploi de moyens mécaniques au cours de la fouille est essentiel, afin d’ôter les niveaux superficiels (terre arable), ce qui représente des volumes considérables. Aussi, l’archéologue utilise parfois plus souvent la pelle mécanique à chenilles que le pinceau…
Progressivement à partir du XIXe siècle, l’archéologie s’est construite en empruntant bon nombre de démarches scientifiques propres aux sciences de la terre. Dans cette optique, l’archéologie se définit aussi comme une science du sous-sol et du sol. La compréhension de l’environnement géologique d’un site constitue un préalable fondamental à son étude. Et pour cela, l’archéologue se tourne vers des spécialistes de géoarchéologie, une discipline nouvelle nourrie de nombreuses autres telles que la géomorphologie (étude de la formation des paysages), de la sédimentologie (analyse des dépôts), de la pédologie (étude de la formation des sols à partir du substrat géologique), afin d’intégrer une compréhension globale de l’espace autour du site, qu’il soit environnemental ou humain.
L’archéologue va également chercher à mettre en avant des pratiques culturelles, telles que l’agriculture ou l’élevage. Pour cela, il peut faire appel au concours des archéozoologues lorsque des ossements d’animaux sont retrouvés dans les niveaux archéologiques. Il étudie pour cela non seulement les gros ossements des mammifères mais aussi les restes de la microfaune tels que les arêtes de poisson (archéo-ichtyologie), les coquillages et mollusques (malacologie)… Si l’homme entretient une relation particulière avec l’animal, c’est également le cas avec la végétation. Tous les domaines de l’archéobotanique sont utiles au travail de l’archéologue. La palynologie a pour vocation l’examen des pollens fossilisés, apportant de précieux renseignements sur la couverture et l’environnement végétal d’un site. Elle peut ainsi mettre en évidence des phénomènes tels que la diminution du couvert forestier à cause des défrichements, les pratiques en matière d’agriculture voire même d’élevage. Le bois dispose de ses domaines d’étude spécifiques : dendrologie, xylologie et anthracologie. Le premier s’intéresse à l’évolution des cernes de croissance des arbres, dont l’épaisseur donne des indications quant au climat, voire à la nature du couvert forestier. Le second s’intéresse aux bois conservés, le plus souvent en milieu humide, avec l’optique de déterminer les essences employées par l’homme pour l’habitat ou l’aménagement. Le dernier domaine d’étude est celui des charbons de bois, dont l’analyse permet également de renseigner sur la couverture végétale et globalement l’évolution des écosystèmes.
Un aspect important de la multidisciplinarité de l’archéologie est donc celui de la datation des objets (artefacts, écofacts, bâtiments, etc.), par des procédés physiques qui se sont étoffés depuis plusieurs décennies. Certaines sont bien connues du public, notamment la datation par radiocarbone ou carbone 14. Il s’agit de la plus ancienne même si elle est encore assez jeune. Elle a en tout cas révolutionné la chronologie de nombreux sites, en particulier pour la pré- et protohistoire et dont nous avons l’importance dans le cas d’Ötzi.
La croisée de toutes ces informations constitue précisément le travail final de l’archéologue qui doit en tirer une synthèse découlant sur des scénarios probables d’occupation d’un site. Une des phases importantes préalable du travail est donc de soulever des problématiques qui permettent de préciser le rôle de chaque intervention des spécialistes, afin d’en tirer les meilleures informations possibles.