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Fontbrégoua : l'antre des cannibales

Fontbrégoua : l'antre des cannibales

Image du site Futura Sciences
Jean Courtin, vous avez également mis en évidence les pratiques cannibales des premiers paysans du Midi...

Ah, oui, à Fontbrégoua, dans le Var ! Nous avons trouvé dans le Néolithique ancien des fosses de rejet dans lesquelles se trouvaient des os qui n'avaient pas été cuits. Certains d'entre eux avaient été cassés pour récupérer la moelle. Tous ces os ont été enterrés dans la grotte.

<br />Fouille de la grotte de Fontbrégoua, en 1974. &copy; Jean Courtin

Fouille de la grotte de Fontbrégoua, en 1974. © Jean Courtin

Les gens de l'époque désossaient la viande avant de la faire cuire dans la poterie, pour faire des ragoûts, c'est pour ça que je dis que le Néolithique c'est le début de la vraie cuisine. En général, quand il s'agissait d'un animal domestique, un mouton par exemple, il n'y en avait qu'un par fosse. Mais quand il s'agissait d'animaux sauvages, on pouvait avoir par exemple 3 ou 4 sangliers, 2 sangliers et un cerf. Cela révèle sans doute la pratique d'une chasse en battue.

Les stries de découpe ont été étudiées de près. Nous avons refait des expériences, nous avons redécoupé des moutons, à la hache polie et au silex, des sangliers, et même un cerf...

<br />Frontbrégoua, crânes d'enfants et d'adultes « cannibalisés ». &copy; Jean Courtin

Frontbrégoua, crânes d'enfants et d'adultes « cannibalisés ». © Jean Courtin

Et puis un jour, nous avons trouvé des fosses qui contenaient des ossements humains et ces ossements avaient été traités de la même façon que les ossements d'animaux, c'est-à-dire qu'ils avaient des stries de décarnisation, de désarticulation à certains endroits, par exemple sur le col du fémur, là où s'attachent les tendons et les muscles, exactement comme sur les sangliers ou les moutons. Les cannibales avaient même cassé les os longs pour récupérer la moelle ainsi que les crânes pour consommer la cervelle. La seule différence que nous avons constatée, c'est que dans les fosses qui contenaient les os d'animaux, le crâne de l'animal, qui était cassé, était mélangé aux autres os, tandis que les crânes humains avaient été placés dans une fosse et les os longs étaient dans d'autres fosses. Les victimes étaient des jeunes gens. Donc si on admet que les animaux ont été dépecés pour être consommés, faut bien admettre que les hommes, dépecés de la même manière, ont aussi été consommés.

<br />Fouille de la grotte de Fontbrégoua, en 1974. &copy; Jean Courtin
Comment s'est passée la découverte ?

La première fosse, c'était celle des crânes, avec des stries qu'on voyait très bien. Mais trouver une fosse avec des crânes scalpés, ça ne signifie pas forcément qu'il y a eu du cannibalisme, ça pouvait être des trophées de guerre, ça pouvait être des crânes de gens de la famille qu'on avait voulu conserver, et qu'on avait enterré à part dans un coin, etc.

Mais nous avons ensuite trouvé des os longs. A ce moment-là, les choses étaient quand même plus claires parce que les os présentaient des stries de découpe, de décarnisation.

Nous en avons trouvé dans plusieurs coins de la grotte. Et la dernière fois, le dernier sondage que j'ai fait, c'était vers l'entrée, vers le porche, on est encore tombé sur des os humains avec des stries. Et toujours dans la même couche.

<br />Fontbrégoua : bracelets de pierre. &copy; Jean Courtin

Fontbrégoua : bracelets de pierre. © Jean Courtin

Avec les os des adolescents cannibalisés, nous avons retrouvé des bracelets en pierre. Ils avaient été brisés mais leur diamètres correspondent à des poignets de jeunes individus.

<br />Frontbrégoua, crânes d'enfants et d'adultes « cannibalisés ». &copy; Jean Courtin
Fontbrégoua a été votre principal chantier...

Oui, Fontbrégoua, c'est très important parce qu'il y a 11 m de stratigraphie. J'y ai fouillé pendant 20 ans. De 71 à 91. J'ai arrêté à la découverte de la grotte Cosquer. L'intérêt de Fontbrégoua c'est que le sol conserve très bien tous les vestiges.

<br />Frontbrégoua, vase cardial. &copy; Jean Courtin

Frontbrégoua, vase cardial. © Jean Courtin

Et dans le Mésolithique on a trouvé des grandes aires de foyers brûlés. Il ne nous reste que des foyers dans le Mésolithique. Mais dans ces foyers, nous avons trouvé énormément de légumineuses sauvages, que les gens ramassaient.

Dans le Cardial, nous avons également trouvé de très beaux vases.