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    Deux indices permettent à l'archéozoologue d'appréhender les stratégies de chasse : la composition démographique des groupes d'animaux abattus et la saisonnalité de leur chasse.

    Dessins de rennes, grotte de Lascaux. © Pline, <em>Wikimedia commons,</em> DP
    Dessins de rennes, grotte de Lascaux. © Pline, Wikimedia commons, DP

    Les stratégies de la chasse

    L'étude de la composition démographique des groupes d'animaux abattus (âge et sexe) permet de réaliser des courbes de mortalité qui sont comparées aux profils de survie de populations actuelles. Ceci afin d'identifier une éventuelle sélection en faveur d'individus d'une ou plusieurs classes d'âge et/ou de l'un des deux sexes.

    Fig. 13 - Âges d'abattage des rennes du Pont-de-Longues (Magdalénien supérieur) et du Blot (Protomagdalénien) (Fontana, 2000b ; Chauvière et Fontana, sous presse). 
    Fig. 13 - Âges d'abattage des rennes du Pont-de-Longues (Magdalénien supérieur) et du Blot (Protomagdalénien) (Fontana, 2000b ; Chauvière et Fontana, sous presse). 

    Les âges d'abattage des rennesrennes du Pont-de-Longues et du Blot indiquent qu'ils ont été abattus sans distinction d'âge (figure 13) : la stratégie des groupes de cette région ne différerait donc pas de la stratégie globale d'acquisition du renne dans le sud-ouest de la France et les Pyrénées (Fontana, 2000d). En revanche, les chevaux de ces deux mêmes sites semblent avoir fait l'objet d'une sélection en faveur des adultes (figure 14).

    Fig. 14 - Âges d'abattage des chevaux du Pont-de-Longues (Magdalénien supérieur) et du Blot (Protomagdalénien) (Fontana, 2000 b et inédit ; Vollmar, 2001).
    Fig. 14 - Âges d'abattage des chevaux du Pont-de-Longues (Magdalénien supérieur) et du Blot (Protomagdalénien) (Fontana, 2000 b et inédit ; Vollmar, 2001).

    Si les données relatives au sex-ratio sont encore plus rares, notamment pour le cheval, elles documentent actuellement une sur-représentation des rennes femelles, comme au Pont-de-Longues (Fontana, 2000b) et aux Petits Guinards (inédit). Elle indique, non pas une sélection systématique des femelles, mais plutôt des chasses orientées sur les groupes de femelles adultes et de jeunes des deux sexes à certains moments de l'année (Fontana, 2000d). De telles chasses préférentielles sur des groupes composés en majorité de femelles (quelle que soit la saisonsaison) sont documentées dans d'autres régions (par exemple les sites magdaléniens de la montagne Noire dans l'Aude, cf. Fontana, 1998a et 1999).

    L'intérêt de ces données démographiques redouble si on les confronte aux données de saisonnalité des chasses. On peut ainsi identifier les structures sociales visées (qui varient en effet selon les saisons), afin de contribuer à la détermination des objectifs de la chasse. De telles informations sont encore rares : sept sites seulement ont livré de telles données, fondées en majorité sur l'éruption dentaire et l'évolution des boisbois de Renne (figure 15).

    Fig. 15 - Indices de saisons de chasse dans les sites du Paléolithique supérieur du Massif central.
    Fig. 15 - Indices de saisons de chasse dans les sites du Paléolithique supérieur du Massif central.

    Elles documentent des chasses de belle saison exclusivement, au moins pour le renne, mais également pour les autres espècesespèces, encore peu documentées il est vrai. Cette apparente absence de chasses hivernales au renne (voire aux autres gibiers), qui serait un cas particulier, propre au Massif central, est liée à des données qui peuvent évoluer : la situation n'est pas encore tranchée pour le Rond-du-Barry ni pour le dernier site magdalénien mis au jour (les Petits Guinards) dont le corpus faunique est le plus septentrional du Paléolithique supérieur récent sous abri (cf. figure 1) et qui pourrait livrer des indices d'occupations multisaisonnières. Enfin, les rares données des sites épipaléolithiques et mésolithiques semblent également indiquer des chasses de belle saison (par exemple à la grotte Béraud, Fontana, inédit).

    Les données actuelles semblent donc montrer que les chasses au renne étaient non sélectives et visaient, au printemps et en été les petits groupes de femelles adultes et de jeunes et sub-adultes des deux sexes. Si le renne était chassé en saison froide dans le Massif central, aucune donnée n'étaye encore cette hypothèse. Le caractère non sélectif de ces chasses constitue un point commun avec celles du sud-ouest de la France (Fontana, 2000d) et probablement du Bassin Parisien (Fontana, inédit).

    Quant aux collections postérieures au Paléolithique supérieur, leur faible taille n'a pas permis jusque-là d'appréhender les stratégies de chasse. On peut seulement noter que la différence entre les spectres de la Limagne et des hautes vallées méridionales pose la question d'une éventuelle complémentarité de l'exploitation des biotopesbiotopes en terme saisonnier.

    L'organisation des chasses

    Caractériser les stratégies d'acquisition c'est aussi identifier l'organisation des chasses : Se sont-elles déroulées à proximité immédiate des sites ? Les gibiers étaient-ils directement emportés entiers ou bien certaines parties étaient-elles abandonnées sur place ?

    Cette question renvoie à celle de l'existence de sites d'abattage, idée défendue depuis le XIXe siècle (au sujet des sites du Paléolithique supérieur de Limagne situés le long de l'Allier) et qui n'a cessé d'être reprise depuis, même si c'est bien le domaine dans lequel nous possédons le moins de données. C'est l'analyse de la représentation des parties squelettiques et de la répartition spatiale des vestiges qui permet de contribuer à la caractérisation du site. Néanmoins, certaines conditions doivent être requises pour entreprendre ce type d'analyse, conditions concernant la représentativité de la collection qui est liée à la taille de l'échantillon et surtout à la nature (plein air ou grotte) et à la taille de l'espace fouillé.

    Et justement, les corpus issus de sites de plein air (que l'on suppose parfois être des sites d'abattage), parce qu'ils sont fouillés ou conservés en partie seulement, sont généralement bien moins représentatifs que les corpus issus de sites sous abris ou en grotte, comme en témoignent les données archéozoologiques de nombreux sites (Fontana, 1998a par exemple).

    L'exemple du Pont-de-Longues est tout à fait représentatif de cette situation puisqu'en dépit des conclusions de l'analyse des parties squelettiques de renne, qui a mis en évidence des absences et des représentations déficitaires et excédentaires, nous avons estimé ne pas pouvoir conclure. En effet, la taille de la surface fouillée (lors d'une campagne de sauvetage) était bien trop réduite par rapport à la vaste superficie estimée de ce site de bord d'Allier (Fontana, 2000b) (9).

    L'existence de sites d'abattage dans le Massif central ne nous semble donc pas encore argumentée, qu'il s'agisse d'ailleurs du Paléolithique supérieur ou du Mésolithique. La question est pourtant cruciale pour les sites à aurochs de la Limagne occidentale.

    9 - Le problème étant que, bien souvent, l'archéologue cherche à identifier la « fonction » du site, alors que la pertinence de ce concept reste à discuter et ce d'autant que ses seuls choix sont le « site d'abattage », la « halte de chasse » et le « site d'habitat ». Alors que s'astreindre à caractériser précisément les activités et les saisons d'occupation du site, et donc sa place dans le cycle annuel, serait déjà un premier pas honorable.