au sommaire

  • À lire aussi

La brique élémentaire de la matière nucléaire : les quarks

La brique élémentaire de la matière nucléaire : les quarks

A la fin des années 1930, la physique atomique et subatomique avait progressé considérablement. La naissance de la mécanique quantique assurait de nouvelles bases théoriques à l'étude des phénomènes physiques à l'échelle microscopique d'une part et d'autre part les recherches expérimentales avaient fermement établi la structure de l'atome. Ce dernier était composé d'un noyau constitué de protons (particule élémentaire de charge électrique positive) et de neutrons (particule élémentaire sans charge électrique) ainsi que d'électrons électriquement négatifs formant un nuage autour du noyau. Alors que l'atomisme avait réduit la complexité et la diversité des matériaux qui nous entourent à 92 éléments fondamentaux classés rationnellement dans la table de Mendeleiev, au terme de la première moitié du XXe siècle les physiciens étaient parvenus à réduire la matière à la combinaison de trois particules élémentaires. La nature devenait tout à coup beaucoup plus simple.

Or, les protons confinés dans les noyaux atomiques - dont les dimensions sont de l'ordre de 10^-15 m (ou 1 femtomètre) - sont soumis à des forces de répulsion électrostatique vertigineuses. Ramenées à une masse de 1 kg, ces forces s'élèvent à 1011 N. Pour assurer la stabilité des noyaux atomiques une autre force, attractive celle-ci, doit nécessairement exister pour compenser la répulsion électrostatique, sans quoi les noyaux voleraient immédiatement en éclat. Cette force fut baptisée la force forte, en référence à son intensité considérable. La force forte, ou interaction forte, n'étant pas observée à notre échelle, elle doit donc agir avec une très courte portée, de l'ordre de la dimension des noyaux atomiques. Le physicien japonais Hideki Yukawa proposa en 1935 un modèle de l'interaction forte qui rendait compte des principales propriétés de celle-ci. Ce modèle introduisait trois nouvelles particules, les particules pi ou pions, comme vecteur de l'interaction : les protons et les neutrons se collent les uns aux autres en échangeant des pions. Les pions furent découverts en 1947 par le groupe de Cecil F. Powell à partir d'émulsions exposées au rayonnement cosmique.

Image du site Futura Sciences

Dans le courant des années 1950 et 1960, le développement des accélérateurs de particules (cyclotrons et synchrotrons) et de détecteurs plus efficaces comme les chambres à bulles révélèrent un paysage du monde des particules sensiblement différent : l'on dénombrait alors plusieurs centaines de particules différentes ! L'élémentarité de ces objets paraissait alors de moins en moins crédible face à cette complexité. En 1964 Murray Gell-Mann proposa une théorie dans laquelle la majorité des particules sont composées de constituants plus fondamentaux qu'il appela - en empruntant leur nom à un poème de James Joyce tiré de « The Finnegan's Wake » - les quarks.

La théorie des quarks initiale prévoyait l'existence de trois quarks : les quarks u(pour up), d (pour down) et s (pour strange).
On put alors classer la multitude des particules en trois groupes :
· Des particules ne contenant pas de quarks, baptisées leptons, dont les principaux représentants sont l'électron, le muon et le neutrino
· Des particules contenant deux quarks - un quark et un anti-quark - nommées mésons. Les pions sont des mésons
· Des particules contenant trois quarks - ou baryons - comme le proton et le neutron.

Les baryons et les mésons forment une famille plus large nommée hadrons. Les hadrons se distinguent des leptons en cela qu'ils sont constitués de quarks. Selon les théories actuelles, les leptons seraient de vraies particules élémentaires au même titre que les quarks.

Par analogie avec l'électrodynamique quantique, on attribua une charge aux quarks spécifique à l'interaction forte, symboliquement représentée par les trois couleurs primaires : rouge, bleu et jaune. Pour cette raison, cette théorie porte le nom de chromodynamique quantique. Ce code de couleur est purement abstrait (il ne faut surtout pas s'imaginer que les quarks sont colorés!). L'absence de charge de couleur (c'est-à-dire la neutralité vis à vis de l'interaction forte) se traduit par la couleur blanche, qui n'est autre que la somme des trois couleurs primaires (de la même manière que la somme +e et -e donne 0) ou la somme d'une couleur et de son anti-couleur (ou couleur complémentaire). Dans le modèle de la chromodynamique quantique, les forces qui collent les quarks entre eux sont véhiculées par des particules - les quanta de l'interaction - nommées gluons. A la différence du photon qui n'est pas chargé, les gluons portent une charge de couleur. La théorie prévoit 8 gluons différents.

La chromodynamique quantique donne des résultats très précis, en bon accord avec l'expérience. De plus, elle a prédit l'existence de nombreuses particules qui furent découvertes par la suite, comme par exemple le célèbre J/Y composé d'un quark c et de son anti-quark (noté

Image du site Futura Sciences
) et qui va jouer un rôle fondamental, comme nous allons le voir, dans la détection du plasma quark-gluon. Mais la théorie des quarks présente un grave défaut : personne n'a pu encore observer un seul quark à l'état libre ! En d'autres mots, les ingrédients mêmes de la théorie des quarks n'ont toujours pas été mis en évidence ; les quarks restent confinés dans les hadrons.